Comte et Littré : les débats autour de la sociologie positiviste - article ; n°1 ; vol.54, pg 15-37
24 pages
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Description

Communications - Année 1992 - Volume 54 - Numéro 1 - Pages 15-37
23 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1992
Nombre de lectures 114
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Annie Petit
Comte et Littré : les débats autour de la sociologie positiviste
In: Communications, 54, 1992. pp. 15-37.
Citer ce document / Cite this document :
Petit Annie. Comte et Littré : les débats autour de la sociologie positiviste. In: Communications, 54, 1992. pp. 15-37.
doi : 10.3406/comm.1992.1811
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/comm_0588-8018_1992_num_54_1_1811Annie Petit
Comte et Littré : les débats autour
de la sociologie positiviste
Auguste Comte a inventé le terme « sociologie » pour désigner une
nouvelle science dont il se voulait fondateur. Le mot eut un succès
durable. Les déterminations de la chose ont, par contre, été longue
ment disputées et nettement revues et corrigées. Je voudrais ici
reprendre la curieuse et complexe histoire de la sociologie naissante :
l'appropriation du nom est lente et enjeu de compétitions ; la nouv
elle discipline a du mal à trouver son identité.
î) J'analyserai d'abord la construction de la « sociologie »
comtienne. Il faut lui rendre sa propre histoire pour bien préciser
son double enjeu institutionnel. Le Cours de philosophie positive
(1829-1842) expose d'abord sa nécessité théorique : la sociologie doit
être une « physique sociale » qui, en ajoutant à la connaissance des
lois de la nature celle des lois de l'humanité, parachève la constitu
tion de l'encyclopédie positive. Une fois instituée comme science, la
« sociologie » devient instituante : elle doit entraîner la réorganisade la société française, puis européenne, mondiale enfin. Pour la
préparer, Comte fonde la Société positiviste. Puis le Système de poli
tique positive, ou Traité de sociologie (1851-1854), élabore et régl
emente l'institution du nouvel ordre politico-social, y compris le pro
grès des transitions entre les désordres actuels et l'avenir réorganisé.
Comte vise donc en un double sens - épistémologique et politique à
la fois - l'instauration de la sociologie comme « discipline » scienti
fique.
2) J'analyserai ensuite les débats dont la sociologie comtienne a
été très vite l'objet. Parmi les adeptes mêmes du positivisme, Littré
eut un rôle particulièrement important : il fait une critique sévère de
la sociologie de Comte. Il disqualifie sa méthode, restreint considé
rablement ses prétentions, mais il maintient l'exigence d'une science
sociologique... dont l'originalité est difficile à cerner. En fait, la
15 Annie Petit
sociologie de Littré n'est guère théorisée, elle reste fragmentaire,
tiraillée entre l'histoire et la politique. Son exigeante modestie ne
suffit pas à rénover son statut. A la fin du xixe siècle la « sociologie »
a un nom, mais toujours de graves problèmes d'identité. Comte
reste, pour Durkheim par exemple, une référence obligée et bien
encombrante.
L'INSTITUTION DE LA « SOCIOLOGIE »
La recherche d'une compréhension et d'une maîtrise spécifiques
du « social » est courante, voire banale, au temps de Comte. Dans ses
ouvrages, riches d'informations et de confrontations erudites, Henri
Gouhier a amplement montré combien Comte doit à ses prédéces
seurs et contemporains. Depuis longtemps déjà, Encyclopédistes,
Idéologues, Économistes..., de diverses façons et usant de différents
syntagmes, se préoccupent de l'« art social », promeuvent les
« sciences morales et politiques », s'intéressent à l'« homme social »,
mettent l'accent sur l'histoire de la « civilisation » comme histoire de
collectivités sociales, s'efforcent de repenser le fonctionnement de la
société et de la « réorganiser », tentent de constituer une « science
sociale » ou une « science de l'homme » - s'appuyant parfois sur
l'économie politique, parfois sur l'application des mathématiques
aux phénomènes humains, ou essayant d'élargir la physiologie en
anthropologie 2. Dès ses années d'études à Polytechnique, Comte se
préoccupe de questions socio-politiques. Son enthousiasme pour
Saint-Simon tient beaucoup aussi au partage d'espérances en ces
matières 3.
Il reste que Comte se pose en novateur lorsqu'il invite à fonder la
science appelée d'abord physique sociale, puis, en 1839, sociologie4.
Où réside donc l'innovation que le néologisme veut souligner ? Et
pourquoi Comte a-t-il mis quelque vingt ans à le forger ? De plus, il
lui a fallu presque dix ans encore, et la pression des événements
révolutionnaires, pour qu'il se décide à donner une forme institu
tionnelle à sa « sociologie » : la Société positiviste, créée en 1848.
La sociologie comtienne est donc le fruit d'une lente maturation
dont il faut rappeler ici les principales étapes.
La constitution d'une nouvelle science.
D'après Comte, « [s] a direction, à la fois philosophique et sociale,
fut irrévocablement déterminée en mai 1822, par l'opuscule où sur-
16 Comte et Littré
git [s]a découverte fondamentale des lois sociologiques ». Il s'agit du
« Plan des travaux scientifiques nécessaires pour réorganiser la
société », texte écrit alors pour Le Système industriel de Saint-Simon
sous le titre de « Prospectus... », et qui fut, en 1824, l'occasion de la
brouille entre le maître et celui qui ne voulait plus se considérer
comme disciple 5. En 1854, Comte juge bon de le reproduire, avec
quelques autres, en appendice du Système, afin de « manifester la
parfaite harmonie des efforts qui caractérisent [s]a jeunesse avec les
travaux qu'accomplit [s]a maturité ». Que contient donc ce texte,
toujours appelé ensuite « opuscule fondamental » ?
La vigueur du ton est d'emblée frappante : « Un système social qui
s'éteint, un nouveau système parvenu à maturité et qui tend à se
constituer, tel est le caractère fondamental assigné à l'époque
actuelle... » Or ces deux mouvements opposés de « désorganisation »
et de « réorganisation » créent un état de « crise » - une « orageuse
situation » - auquel Comte veut au plus vite remédier. D'où son
double propos : déterminer la « nature » du travail à exécuter et les
« forces sociales destinées à remplir cette importante mission ».
Après avoir disqualifié, pour vices symétriques, « les essais de réorga
nisation entrepris par les rois et par les peuples », Comte, d'une part,
affirme la nécessité de mener un travail théorique préalablement à
tous travaux pratiques, et, d'autre part, sélectionne les « savants »
comme seuls aptes - grâce à leur formation, à leur autorité morale et
internationale - à concevoir un « nouveau système social ». Ainsi,
souligne-t-il, « les savants doivent aujourd'hui élever la politique au
rang des sciences d'observation. Tel est le point de vue culminant et
définitif auquel il faut se placer 6 ». Ces affirmations programmatives
sont aussitôt étayées par des considérations généralisées sur les
« trois états théoriques différents » par lesquels « chaque branche de
nos connaissances est nécessairement assujettie dans sa marche à
passer successivement » : ce qui permet d'expliquer à la fois « pour
quoi la politique n'a pas pu devenir plus tôt une science positive et
pourquoi elle y est appelée aujourd'hui ». L'« élévation » de la poli
tique est ainsi présentée comme la dernière des « révolutions » scien
tifiques à opérer : « le degré de complication plus ou moins grand des
phénomènes ou, en d'autres termes, de leur rapport plus ou moins
intime avec l'homme » impliquant un « ordre naturel » selon lequel
les sciences deviennent l'une après l'autre positives. Loi de l'histoire
et loi d'ordonnance des savoirs étant ainsi explicitées, Comte pro
clame que les temps sont enfin venus de réaliser la science ultime
qui, jusqu'ici, n'a été qu'ébauchée. Trois séries de travaux sont alors
annoncées. Comte s'e

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