Contribution à l'élaboration d'une didactique de l'apprentissage du philosopher - article ; n°1 ; vol.103, pg 19-31

Michel Tozzi

Description

Revue française de pédagogie - Année 1993 - Volume 103 - Numéro 1 - Pages 19-31
Dans un contexte où se développent les didactiques disciplinaires et où se généralise l'accès à la classe terminale, on constate l'émergence de recherches en didactique de la philosophie. Or les spécialistes divergent sur la possibilité même d'une didactique de l'apprentissage du philosopher; et quand ils s'accordent sur sa nécessité, ils proposent des orientations différentes. Il s'agit donc d'expliciter les présupposés afin de clarifier le débat. Peut-on définir didactiquement le philosopher comme une activité qui tente de problématiser, argumenter et conceptualiser notre rapport au monde, à autrui et à nous- mêmes ? Peut-on faire le pari d'un rapport heuristique entre les recherches actuelles en matière d'apprentissage scolaire d'une part, la spécificité et les finalités de la discipline philosophique d'autre part ? Quelle est la pertinence d'un modèle qui met l'accent sur l'apprentissage de « savoir-faire » réflexifs, en articulant des opérations intellectuelles à la fois spécifiques et étroitement liées dans le mouvement d'une pensée ?
13 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

• Publié par: REVUE_FRANCAISE_DE_PEDAGOGIE
• Publié le: 01 janvier 1993
• Nombre de lectures: 92
• Langue: Français
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Extrait

Michel Tozzi
Contribution à l'élaboration d'une didactique de l'apprentissage
du philosopher
In: Revue française de pédagogie. Volume 103, 1993. pp. 19-31.
Résumé
Dans un contexte où se développent les didactiques disciplinaires et où se généralise l'accès à la classe terminale, on constate
l'émergence de recherches en didactique de la philosophie. Or les spécialistes divergent sur la possibilité même d'une didactique
de l'apprentissage du philosopher; et quand ils s'accordent sur sa nécessité, ils proposent des orientations différentes. Il s'agit
donc d'expliciter les présupposés afin de clarifier le débat. Peut-on définir didactiquement le philosopher comme une activité qui
tente de problématiser, argumenter et conceptualiser notre rapport au monde, à autrui et à nous- mêmes ? Peut-on faire le pari
d'un rapport heuristique entre les recherches actuelles en matière d'apprentissage scolaire d'une part, la spécificité et les finalités
de la discipline philosophique d'autre part ? Quelle est la pertinence d'un modèle qui met l'accent sur l'apprentissage de « savoir-
faire » réflexifs, en articulant des opérations intellectuelles à la fois spécifiques et étroitement liées dans le mouvement d'une
pensée ?
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Tozzi Michel. Contribution à l'élaboration d'une didactique de l'apprentissage du philosopher. In: Revue française de pédagogie.
Volume 103, 1993. pp. 19-31.
doi : 10.3406/rfp.1993.1294
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/rfp_0556-7807_1993_num_103_1_1294Contribution à l'élaboration
d'une didactique
de l'apprentissage du philosopher
Michel Tozzi
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que : le passage progressif d'une matière réservée L'ÉMERGENCE D'UNE QUESTION
à une minorité, socialement sélectionnée par
l'école à son enseignement généralisé. C'est une
La « question de la didactique de la philoso tâche urgente d'explorer aujourd'hui les enjeux
phie » est aujourd'hui posée en France, de philosophiques, politiques et didactiques de cette
nombreux signes en témoignent (1). Pourquoi rupture historique d'un enseignement élitaire vers
cette émergence nouvelle dans le paysage intel « un enseignement philosophique de masse ». La
lectuel français ? On peut notamment avancer démocratisation de l'accès à la terminale a en
deux raisons : effet changé, pour nombre d'élèves, le rapport à
l'institution et au savoir. Les « nouveaux lycéens », 1 - La première c'est le changement quantitatif
ceux qui n'accédaient pas il y a peu au second et qualificatif des élèves de la classe terminale.
degré long, sont linguistiquement et culturellement
Le nombre de lycéens a doublé en vingt ans. en rupture de compréhension avec le discours
Nous sommes passés de 5 % de bacheliers d'une philosophique traditionnel. Ne faut-il donc pas leur
classe d'âge en 1950 à plus de 50 % en 1992 soit enseigner la philosophie « autrement »? A. Cher-
dix fois plus. C'est un bouleversement fondament vel, historien des disciplines scolaires, soutient
al dans l'histoire de l'enseignement que l'enseignement d'une matière évolue soit par
Revue Française de Pédagogie, n° 103, avril-mai-juin 1993, 19-32 19 changement de son public, soit par nécessité quand la vérité, comme dit Hegel, est la parution
d'actualiser son contenu eu égard aux progrès de de l'absolu dans le discours. Le sens pour l'ap-
la connaissance. Or il y a une faible obsolescence prenti-philosophe émerge toujours du rapport de
du savoir philosophique ; malgré les renouvelle sa liberté à la vérité. La didactisation de l'ense
ments de la philosophie contemporaine, Platon ignement philosophique c'est la médiatisation de
nous interroge toujours autant. Et comme il y a en cet accès.
philosophie, contrairement aux disciplines scienti
• Mais pour certains cette nécessaire élaboratfiques, technologiques, sportives ou artistiques, ion d'une didactique trouve son fondement ultime peu de pratiques sociales de références exté
dans la philosophie elle-même, pour échapper à rieures à l'école, on mesure alors d'autant l'effet
tout réductionnisme scientiste de la pensée, à majeur sur l'enseignement philosophique, de la
toute subordination de la philosophie aux sciences mutation des jeunes auxquels il s'adresse désor
humaines, et aux sciences de l'éducation en partimais.
culier.
2 - La seconde raison, c'est l'irrésistible déve
• Et il y a ceux qui pensent que la philosophie, loppement, depuis une vingtaine d'années, des dans la mesure où elle est une matière enseignée, didactiques disciplinaires. Ces recherches en
doit confronter les exigences proprement philosodidactique ont été favorisées par les réformes phiques de son champ disciplinaire aux successives du système éducatif, qui ont boule recherches actuelles en matière de pédagogie et versé méthodes et contenus des programmes. Et
de didactique. C'est l'hypothèse de notre travail. elles ont pu s'étayer sur l'institutionnalisation des
sciences de l'éducation, l'approfondissement des — Ajoutons, parce qu'il s'agit et de recherche
théories de l'apprentissage, la réflexion sur les et de philosophie, que ce pluralisme nous paraît
champs des savoirs disciplinaires. Il eut été éton éminemment souhaitable, et qu'il doit y avoir des
nant que la philosophie, en tant que matière scol lieux et des places, par exemple : Universités
aire, quoiqu'en fin de cursus du secondaire et d'été, publications — où le débat doit se poursuiv
malgré des résistances internes, ne fût point à son re, exigeant pour ceux qui font profession de
tour interpellée par ces recherches. réfléchir, mais serein pour ceux qui se réfèrent
volontiers à la sagesse. En quoi consiste donc Quel est le panorama actuel en France sur cette
notre démarche ? question ?
La problématique se cherche. Le paysage est
contrasté, les débats animés :
— Pour les uns, les nouvelles recherches font L'HYPOTHÈSE D'UNE DIDACTIQUE
beaucoup de bruit pour rien. C'est la condition DU PHILOSOPHER
même de possibilité d'une didactique de la phil
osophie qui fait problème. Car la philosophie est Nous refusons le postulat proclamé de l'identité selon eux par elle-même didactique. Elle est sa ou de l'isomorphisme de la philosophie comme propre pédagogie : par la tradition de pensée discipline de recherche et de la philosophie qu'elle véhicule, par sa vocation d'éveiller par son comme matière scolaire de l'enseignement secondmouvement propre la liberté de l'esprit. Elle n'a aire. Nous faisons l'hypothèse d'un écart pas à se confronter à son extérieur, à attendre de important, source de dysfonctionnement, entre l'autre de la philosophie ce qu'elle possède elle- philosopher devant un élève et lui apprendre à même. Cet apport ne pourrait au contraire que philosopher, entre l'enseignement philosophique dénaturer la spécificité de son enseignement (voir du maître et l'apprentissage du philosopher de sur ce point le numéro de la revue Éducation et l'élève. Et c'est dans cet espace disjoint qu&#