Crépuscule des psychanalystes, matin des sexologues - article ; n°1 ; vol.35, pg 159-177
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Description

Communications - Année 1982 - Volume 35 - Numéro 1 - Pages 159-177
19 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1982
Nombre de lectures 19
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

André Béjin
Crépuscule des psychanalystes, matin des sexologues
In: Communications, 35, 1982. pp. 159-177.
Citer ce document / Cite this document :
Béjin André. Crépuscule des psychanalystes, matin des sexologues. In: Communications, 35, 1982. pp. 159-177.
doi : 10.3406/comm.1982.1531
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/comm_0588-8018_1982_num_35_1_1531André Béjin
Crépuscule des psychanalystes,
matin des sexologues
Freud aurait découvert la « sexualité » (notamment infantile), inventé la
science du sexuel. Cette proposition présente un seul intérêt : elle est
« refutable », contrairement à la plupart des thèses freudiennes. Le
psychanalyste viennois ne reconnaissait-il pas, lui-même, dès 1905, sa dette
envers les recherches du pédiatre hongrois Lindner et « les écrits bien
connus de Krafft-Ebing, Moll, Moebius, Havelock Ellis, Schrenck-Notzing,
Loewenfeld, Eulenburg, I. Bloch, M. Hirschfeld ' »? La science du sexuel, la
sexologie, semble en fait avoir eu deux naissances. La première dans la
seconde moitié du xix* siècle, ou encore - pour prendre des repères
symboliques — entre 1844 et 1886, dates de parution de deux ouvrages
portant le même titre Psychopathia sexualis : l'un, peu connu, de Heinrich
Kaan \ l'autre, célèbre, de Krafft-Ebing \ Au long de ces quatre décennies se
constitue la première sexologie (ou, si l'on veut, la « protosexologie »), plus
soucieuse de nosographie que de thérapeutique et axée principalement sur
les maladies vénériennes, sur la psychopathologie de la sexualité (les
grandes « aberrations » et leurs rapports avec la « dégénérescence »), sur
l'eugénisme *.
Je situerais la naissance de la seconde sexologie, c'est-à-dire de la
sexologie actuelle, dans les trois décennies qui ont suivi la Première Guerre
mondiale, disons entre 1922 et 1948 : c'est en 1922 que Wilhelm Reich
découvre ce qu'il appelle la « vraie nature de la puissance orgastique 5 »; en
1948, paraît le premier des deux grands ouvrages de Kinsey '. La sexologie
circonscrit et définit, en ce quart de siècle, son problème central :
Yorgasme \ Pour faire comprendre et ressentir l'importance de cette
mutation, il n'est que de rapprocher ces trois citations :
- Nous ne sommes pas encore en possession d'un signe universellement
reconnu et permettant d'affirmer avec certitude la nature sexuelle d'un
processus; nous ne connaissons sous ce rapport que la fonction de
reproduction dont nous avons déjà dit qu'elle offrait une définition trop
étroite 8.
- La fonction de l'orgasme devient ainsi l'unité de mesure du fonctio
nnement psychophysique, parce que c'est en elle que s'exprime la fonction
de l'énergie biologique '.
- L'orgasme est un phénomène distinct et particulier que l'on peut
généralement reconnaître aussi facilement chez la femme que chez
l'homme. Nous l'avons donc pris comme [...] unité de mesure [...].
L'orgasme diffère de tous les autres phénomènes de la vie d'un animal et
159 André Bêjin
on peut généralement, sinon même invariablement, voir dans son
apparition le signe de la nature sexuelle de la réaction d'un indi
vidu 10.
L'ORGASMOLOGIE.
Prodigieuse évolution : à l'incertitude de Freud, à l'assimilation rei-
chienne de l'énergie orgasmique à l'énergie organismique et plus tard à
l'énergie « orgonique », Kinsey substitue l'évidence behavioriste de l'orgas
me, défini par une configuration de corrélats physiologiques objectivement
appréhendables. Dès lors, les comptabilités d'orgasmes vont proliférer, les
thérapies de l'orgasme se multiplier, la « rationalisation de la sexualité »
ainsi s'affirmer, l'emprise des sexologues davantage s'exercer ". La sexo
logie tend désormais à n'être qu'une « orgasmologie » et les thérapies de la
sexualité des « orgasmothérapies " ». Le sexologue (1' « orgasmologue »)
contemporain ne se préoccupe que secondairement de ce que nous
pourrions appeler la « périsexualité » (contraception, grossesse, avortement,
maladies vénériennes). Les « déviations », les « perversions » sexuelles ne
sont plus au foyer de sa problématique et ne sauraient, à ses yeux, justifier
d'immodérés émois. A la limite, peu lui chaut la déviance, son gibier c'est la
dysfonction. Sa mission impérieuse : l'annihilation de ces troubles, parfois
dérisoires mais fréquents, de la sexualité « ordinaire ». Il manifeste, en cette
tâche d'éradication, un impressionnant acharnement thérapeutique, par
quoi il se distingue des « protosexologues » du siècle dernier mais également
de ses rivaux actuels, condamnés au déclin, les psychanalystes qui, pour la
plupart, ont cessé de faire mine de croire et de laisser accroire qu'ils
visaient à guérir leurs patients. Or, c'est précisément parce qu'ils ont pu et
su porter la confrontation avec les psychanalystes sur le terrain thérapeu
tique que les sexologues sont en voie de s'assurer un avantage peut-être
décisif. Cet avantage procède - nous allons le voir — d'une double
légitimation, elle-même favorisée par une érosion de la crédibilité de la
psychanalyse : légitimation par le succès thérapeutique tout d'abord, mais
aussi légitimation par la référence à un corpus d'énoncés scientifiques
expérimentaux.
PSYCHANALYSE ET ORGASMOTHÊRAPIE.
On discerne pourtant, à première vue, beaucoup de points communs
entre les thérapies psychanalytiques et sexologiques. Elles constituent
toutes des « services » plus ou moins « personnalisés " ». Leurs domaines de
compétence se recoupent largement : au dire même de leurs promoteurs,
elles n'ont pas vocation à s'appliquer aux troubles des psychotiques M; en
revanche, les dysfonctions sexuelles courantes des individus « normaux
et/ou névrotiques » sont au nombre des indications aussi bien de la
160 Crépuscule des psychanalystes, matin des sexologues
psychanalyse " que de la sexologie ". Les traitements considérés sont pour
la plupart payants, leur prix résultant de « libres ententes » entre les
thérapeutes et leurs patients ". Ces thérapeutes sont généralement mais non
nécessairement des médecins. Freud, remarquant que « les quatre cinquiè
mes de (ses) élèves (étaient) des médecins », affirmait qu' « il n'est plus
possible de réserver aux médecins le monopole de l'exercice de la
psychanalyse et d'en exclure les non-médecins " ». Masters et Johnson, pour
leur part, recommandent que toute équipe (mixte) de « cothérapeutes » se
réclamant de leur méthode se compose d'un médecin et d'un(e) psychol
~L ogue. iologiques «La présence et aux analyses du médecin de laboratoire permet de indispensables procéder aux sans examens avoir â
faire entrer en jeu une troisième personne. La présence du psychologue
favorise [...] la prise de conscience de l'importance des facteurs psychoso
ciaux ". » Ces thérapeutes, psychanalystes et sexologues sont, en principe,
librement choisis par les patients, astreints au secret professionnel, soumis
au contrôle, plus ou moins effectif, de leurs corporations respectives. Les
patients ne sont pas tous acceptés : ils doivent répondre à certaines
d' « intelligenconditions, variables selon les thérapies. Conditions d'âge,
ce », de « développement moral », de gravité de la maladie, de motivation, de
solvabilité, etc., pour Freud M. Conditions, surtout, de gravité de la maladie,
de de motivation, pour Masters et Johnson qui exigent, en outre,
que les couples traités leur aient été adressés «par certaines autorités
compétentes, c'est-à-dire par des médecins, des psychologues, des assistan
tes sociales ou des directeurs de conscience " »... A ces patients, une fois
acceptés, il est demandé de croire à la possibilité de leur guérison, d'avoir
confiance dans leurs thérapeutes **, de manifester à l'égard de ceux-ci une
franchise absolue M, de respecter certains interdits provisoires M.
M

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