Culture et identité morisques - article ; n°1 ; vol.43, pg 118-129
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Description

Revue de l'Occident musulman et de la Méditerranée - Année 1987 - Volume 43 - Numéro 1 - Pages 118-129
12 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1987
Nombre de lectures 54
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Hussain Bouzineb
Culture et identité morisques
In: Revue de l'Occident musulman et de la Méditerranée, N°43, 1987. pp. 118-129.
Citer ce document / Cite this document :
Bouzineb Hussain. Culture et identité morisques. In: Revue de l'Occident musulman et de la Méditerranée, N°43, 1987. pp. 118-
129.
doi : 10.3406/remmm.1987.2144
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/remmm_0035-1474_1987_num_43_1_2144Etudes
Hossain Bouzineb
CULTURE ET IDENTITÉ MORISQUES
La littérature aljamiada, que nous connaissons aujourd'hui grâce à la découverte
d'une série de manuscrits, est une littérature hybride dans laquelle les langues arabe
et espagnole se combinent d'une manière sut generis pour donner lieu à quelque
chose d'expressif de ce que furent les propres usagers de cette littérature : écriture
arabe, langues espagnole, catalane, aragonaise,..., imprégnées de termes islamo-
arabes, et .d'abondantes formes morphosyntactiques arabes; elle est, également,
revêtue en draperie phonétique morisque, dont on ne peut affirmer qu'elle soit
arabe ou espagnole. Cette langue reflète, comme nous l'avons déjà dit, suffisam
ment bien la personnalité d'une communauté qui constituait un îlot dans la Péninsule
Ibérique. Une communauté qui se sentait différente du reste de ses compatriotes,
et aussi de ceux qui en quelque sorte ont eu quelque chose à voir avec leur exis
tence, les araboberbères nord-africains surtout. Avec les uns ils partageaient la
terre1, et avec les autres le credo et une partie de la culture. Ils se considéraient
natifs de la terre de « Andaluzia», et par conséquent comme ses maîtres légitimes.
Ne possédant plus désormais le pouvoir de gouverner, ils n'ont pas cependant
perdu l'espoir de le récupérer. L'Islam, avec tout ce que cela suppose (religion,
culture, tradition...) est un élément qui leur donnait de l'espoir en un futur meil
leur que le présent qu'ils vivaient, et un élément d'union.
La culture morisque devait à la fois s'occuper de son monde intérieur pour satis
faire les besoins et les demandes de ses adeptes, et éviter le danger que supposait
la tendance de nombreux morisques à sentir l'indifférence due au découragement
et à la diminution de la ferveur du sentiment islamique, source de nombreuses
désertions dans les rangs musulmans; elle devait également être vigilante à l'égard
du monde extérieur et affronter le danger de dissolution venant de la culture his-
panochrétienne environnante.
ROMM 43,1987-1 Culture et identité morisques / 119
Pour présenter ce rôle polyvalent de la culture morisque, nous avons essayé d'en
regrouper la présentation sous les trois aspects suivants : doctrinal, polémique et
culturel.
I - LITTÉRATURE DOCTRINALE
La partie doctrinale reflète les caractéristiques de l'époque qu'elle a due vivre,
une période pleine d'interdictions et de persécutions. Le danger menaçait ce que
la communauté morisque avait de plus important : la foi islamique. Pour cela, nous
verrons que les bréviaires coraniques, les traités de hadlz, et autres livres d'ins
truction islamique, que de nos jours conservent plusieurs bibliothèques espagnol
es et étrangères, axent leur intérêt sur ces aspects fondamentaux qu'il fallait sau
vegarder. Nous nous trouvons donc devant une culture qui vivait un état d'except
ion. Il est vraiment important qu'un bréviaire coranique comme celui qui se trouve
à la B.N.M.2 sous la cote 5078, recueille certains versets du Coran de plusieurs
sourates3 qui du premier abord, et à cause de l'absence de commentaire introductif,
peuvent paraître comme recueillis arbitrairement. Mais quand on analyse leur con
tenu, on se rend compte qu'elles ont été choisies de façon scrupuleuse, et tradui
tes en «aljamia» dans un but d'endoctrinememnt, en fonction dé l'état de persé
cution et de harcèlement inquisitoriaux que vivaient les morisques auxquels ces
versets étaient destinés. Nous n'allons pas présenter ici tout le manuscrit, seule
ment, à titre d'exemple, quelques versets, qui n'ont pas besoin d'être commentés.
Le manuscrit, qui a perdu quelques feuilles au début, commence par le verset
163 de la sourate Al-Baqara :
«Votre Dieu est un Dieu unique. Il n'y a pas d'autre dieu que lui, le Tout-
Miséricordieux, le Tout-Compatissant»4.
Suivi sur la même page par les versets 255, 256, 257 :
«Dieu! Il n'y a point de dieu hormis Lui, le vivant, le subsistant. Il n'est sujet ni
à la somnolence, ni au sommeil. A lui appartient ce qui est dans les deux et sur la
terre. Qui (peut) intercéder auprès de lui sans sa permission? Il sait ce qui est devant
et derrière eux, alors qu'ils n'embrassent de sa science que ce qu'il veut. Son trône
s'étend sur les deux et sur la terre dont la conservation ne lui est d'aucun poids. Il
est le Très Haut, l'Infini.
Point de contrainte en religion. La vérité se distingue de l'erreur. Celui qui renie
Taghût pour croire en Dieu s'est saisi du lien le plus solide, (un lien) qui ne peut être
rompu. Dieu entend et sait tout.
Dieu est le fondé de pouvoir de ceux qui croient. Il les fait sortir des ténèbres vers
la lumière.
Quant aux mécréants, leurs mandataires sont les démons qui les tireront de la lumière
pour les plonger dans les ténèbres. Ceux-là sont voués au feu pour l'éternité».
Après on saute aux versets finaux de la sourate : 284, 285, 286 :
«A Dieu appartient ce qui est dans les deux et sur la terre. Que vous exprimiez ou
que vous cachiez ce qui est en votre âme, Dieu vous en demandera compte. Il pardon
nera à qui il veut. Dieu est omnipotent.
Le messager a cru à ce qui lui a été révélé par son Seigneur ainsi que les croyants.
Tous ont cru en Dieu, en ses anges, en ses Écritures et en ses envoyés. Nous ne faisons
aucune différence entre ses apôtres. Ils ont affirmé : "Nous avons entendu et nous avons
obéi. (Nous te demandons) pardon, Seigneur! vers toi est le devenir!" 120 I H. Bouzineb
Dieu n'impose rien à l'âme qui soit au-dessus de ses capacités! Ce qu'elle aura acquis
(par ses œuvres sur terre) jouera pour ou contre elle. Seigneur! Ne nous tiens pas rigueur
de nos oublis ni de nos fautes. Seigneur! Ne nous impose pas de charge au-dessus de
nos forces! Pardonne-nous! Absous nos péchés! Fais-nous miséricorde! Tu es notre
maître! Accorde-nous la victoire sur les mécréants».
Les sujets dont traitent ces versets constituent les préoccupations les plus import
antes des morisques :
• L'unicité de Dieu (derrière laquelle se cache le refus islamique absolu de al-
Hsraky qui pour les morisques suppose le dogme de la Trinité5).
• La tolérance de l'Islam (face à l'intransigeance qu'ont manifestée les autorités
chrétiennes, en particulier le Saint-Office).
• La persévérance dans l'Islam qui est la lumière avec laquelle Allah a illuminé
les croyants qui suivaient le bon chemin.
• L'importance de la foi pour l'Islam.
• La victoire sur les incroyants (chrétiens).
• Le pardon et la générosité de l'Islam.
Le reste du manuscrit est en totale harmonie avec les préoccupations des
morisques.
Les livres du hadïz (ou tradition du prophète Muhammad) reflètent également
les mêmes préoccupations que les bréviaires coraniques. Abdeljelil Temimi6 a noté
l'adhésion des morisques à leur identité en s'appuyant sur le hadïz.
Pour illustrer cette adhésion, il s'est servi de deux manuscrits de la bibliothèque
Miguel Asin de Madrid7.
« Leur lecture offrait aux morisques persécutés non seulement un refuge de paix, mais
aussi une flamme d'espoir et pouvait leur redonner confiance, préserver entre eux les
liens de la communauté et leur donner la force du sacrifice ou de la lutte» (A. Temimi,
op. cité. p. 157).
Voici quelques hadïz recueillis par A. Temimi :
«Le meilleur de l'effort du croyant est le combat au nom de Dieu.»
« Martyr est celui à qui l'on confisque ses biens, martyr est celui qui meurt en défen
dant sa religion».
«L'Islam progresse et ne régresse pas.»
« Le meilleur d'entre vous est celui qui a appris le Coran et le fait connaître à d'autres. »
«Celui qui change sa religion, tue

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