Culture et société dans le Hauran (Syrie du Sud) d'après les épigrammes funéraires (IIIe-IVe siècles ap. J.-C.) - article ; n°1 ; vol.75, pg 213-224

Annie Sartre-Fauriat

Description

Syria - Année 1998 - Volume 75 - Numéro 1 - Pages 213-224
We have found in the Hauran a lot of funeral poems in verse, carved on the façades of family tombs. Written between the middle of the 3rd cent. AD and the 5th cent. AD, they reveal an interesting aspect of the inhabitants' life in the Hauran. We can see through these poems that the penetration, the diffusion and appropriation of classical Greek literature in the country lasted a long time, thus making the Hauran a conservatory of Greek culture and civic virtues. The owners of these tombs appear to be rich landlords, former soldiers, benefactors of their cities, preferring to show their culture before their religious beliefs.
12 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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• Publié par: SYRIA
• Publié le: 01 janvier 1998
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Extrait

Annie Sartre-Fauriat
Culture et société dans le Hauran (Syrie du Sud) d'après les
épigrammes funéraires (IIIe-IVe siècles ap. J.-C.)
In: Syria. Tome 75, 1998. pp. 213-224.
Abstract
We have found in the Hauran a lot of funeral poems in verse, carved on the façades of family tombs. Written between the middle
of the 3rd cent. AD and the 5th cent. AD, they reveal an interesting aspect of the inhabitants' life in the Hauran. We can see
through these poems that the penetration, the diffusion and appropriation of classical Greek literature in the country lasted a long
time, thus making the Hauran a conservatory of Greek culture and civic virtues. The owners of these tombs appear to be rich
landlords, former soldiers, benefactors of their cities, preferring to show their culture before their religious beliefs.
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Sartre-Fauriat Annie. Culture et société dans le Hauran (Syrie du Sud) d'après les épigrammes funéraires (IIIe-IVe siècles ap.
J.-C.). In: Syria. Tome 75, 1998. pp. 213-224.
doi : 10.3406/syria.1998.7552
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/syria_0039-7946_1998_num_75_1_7552CULTURE ET SOCIETE DANS LE HAURAN (SYRIE DU SUD)
D'APRÈS LES ÉPIGRAMMES FUNÉRAIRES
(IIIe - Ve SIÈCLES AP. J.-C.)
Annie SartreFauriat
de son architecture qui déclencha des jugements un Rien de ce qui concernait le Proche-Orient dans
peu définitifs de la part des spécialistes d'un art l'Antiquité gréco-romaine n'était étranger à Ernest
plus classique. Will qui, au cours de sa longue carrière de savant, a
abordé nombre de sujets. Il clôturait notamment le La synthèse menée récemment à partir de la
2e tome de Y Histoire de la Syrie, publié en 1989, documentation funéraire du Hauran a cependant
par une synthèse sur mille ans de vie intellectuelle permis de mettre en évidence, par bien des aspects,
et artistique en Syrie hellénistique et romaine1. la réalité d'une culture gréco-romaine dans cette
L'essentiel des exemples qu'il utilisait pour région . On citera notamment les nombreux
témoigner du développement et du rayonnement de portraits de défunts sculptés sur des stèles ou des
la culture grecque en Syrie mettaient en valeur le linteaux et qui, pour nombre d'entre eux, par le
rôle des capitales et des grandes cités comme type de représentation, la nature des vêtements ou
Antioche, Apamée ou, secondairement, des villes des coiffures, témoignent incontestablement de
de la Décapole, comme Gadara, patries de philoso l'adoption de modes présentes dans le monde
phes, sophistes ou romanciers. Dans cette étude, où romain. Les sarcophages, sous la forme de cuves
il évoquait également les progrès de l'hellénisme importées ou réalisées dans des ateliers locaux,
dans l'art, E. Will ne citait le Hauran en Syrie du offrent, malgré les maladresses de réalisation, un
Sud que deux fois, pour comparer une statue de répertoire de représentations dont l'inspiration a été
Victoire, pâle réplique locale, aux Athéna gréco- puisée dans le corpus culturel gréco-romain. Mais
romaines, et pour évoquer les mosaïques de Shahba- ce sont surtout les épitaphes qui révèlent plus clair
Philippopolis, probablement réalisées au milieu du ement encore la présence d'une culture grecque
IIIe siècle ap. J.-C, quand cette bourgade connut classique.
son heure de gloire pour avoir vu naître l'empereur On dispose aujourd'hui pour le Haurati d'un
qui fêta le millénaire de Rome. Aucune autre corpus épigraphique de plus de 3600 textes,
référence à une quelconque trace d'hellénisme dans essentiellement en grec, parmi lesquels les inscrip
cette région de Syrie du Sud n'était signalée. tions funéraires occupent une place prépondérante.
L'étude de ces dernières a permis de faire le constat De fait, ce constat ne pourrait surprendre ceux
inattendu de l'importance numérique des épitaphes pour qui le Hauran garde l'image d'une région un
rédigées en vers. On compte en effet à l'heure peu en marge du monde gréco-romain, sans doute
actuelle soixante-quatorze textes de ce type, dont en raison de son éloignement des grands centres
plusieurs malheureusement mutilés; ils montrent culturels urbains que furent Antioche, Tyr ou
l'originalité de cette région qui, dans l'ensemble encore Alexandrie, de sa position enclavée sans
syrien, est celle qui a livré le plus d'épigrammes débouché sur la mer, et de l'aspect austère et fruste
1. "La Syrie à l'époque hellénistique et romaine : mille ans 1989, p. 569-579.
de vie intellectuelle et artistique", J.M. DENTZER et W. ORTH- 2. A. SARTRE-FAURIAT, Des tombeaux et des morts, 2 vol., MANN, éd., Archéologie et histoire de la Syrie, II, Saarbriicken, BAH, Beyrouth (à paraître).
Syria, LXXV, 1998, p. 213 à 224 :
214 A. SARTRE-FAURIAT [Syria LXXV
funéraires. Le relevé des inscriptions publiées à ce inscriptions sont encore en place aujourd'hui ou
jour ne fait en effet connaître qu'une quinzaine que l'inscription en donne une description
d'épigrammes sur des tombeaux ou des stèles en suffisante, on peut se rendre compte qu'il s'agissait
Syrie du Nord3, et un nombre bien inférieur en de sépultures monumentales vraisemblablement
Emésène4, en Phénicie5 ou en TransJordanie . construites par de riches familles. C'est ce que
Cette densité de poèmes funéraires met en relief prouvent les tombeaux de Shaqqa8, Bosra al-
un aspect insoupçonné de la vie des populations du Hariri9, Ezra10, Sleim11, Kharaba12 et Atil13, qui Hauran qui est l'expression d'une culture grecque appartiennent à la catégorie des tombeaux classique chez les élites locales et qui se prolonge
surmontés de pigeonniers. À Rimet al-Lohf, le suffisamment tard, au Ve siècle ap. J.-C, pour que
tombeau, dans son premier état, avait l'apparence l'on puisse considérer le Hauran comme une sorte
d'un temple prostyle sur podium et fut surmonté de conservatoire de la culture et des vertus civiques
par la suite d'un pigeonnier14. À Majdal15, la du monde grec classique.
construction funéraire a la forme d'une chapelle
Localisation, supports et dates des inscriptions ouverte en façade par une large arcade qui laisse
métriques du Hauran voir des sarcophages sur trois côtés placés sur des
Quarante-cinq de ces textes en vers proviennent plates-formes en hauteur; le tout était peut-être
de la zone du Djebel Druze et de la bordure surmonté d'un étage. Si l'on s'en réfère à une
orientale du Leja, secteurs où a été trouvée la inscription, une réplique de ce tombeau devait
majorité des inscriptions témoignant de la construc exister également dans le même village16. À Feki
tion de tombeaux monumentaux. Le reste, vingt- nous avons à faire à un petit mausolée carré aux neuf, a été découvert dans des villages assez pilastres d'angle et à l'encadrement de porte dispersés de la plaine du Hauran et de la bordure sculptés17. À Zebireh18 et Aqrabat19 les tombeaux occidentale du Leja, avec, pour certains sites
étaient construits sur plusieurs étages. Enfin, à comme Ghariyyeh Sharquiyyeh ou Aqrabat, un
Ghariyyeh Sharquiyyeh, les deux tombeaux de ce nombre de métriques important par rapport au de funéraires retrouvées dans ces villages7. village qui furent construits "sur les revenus de la
terre", comme plusieurs de ceux précédemment La plupart de ces textes se lisent sur des cartou
ches destinés à figurer sur la façade de tombeaux cités, étaient très certainement proches des types
familiaux. Lorsque les monuments qui portaient ces évoqués plus haut et eux aussi de bonne taille20.
3. Sur des tombeaux : 9. Id., Bosra al-Hariri n° 1 et W. 2474 = IGLS XV, 241 .
Frikya : JGLS IV, 1410; Séleucie de Piérie : IGLS III, 1 125; 10. W. 2496 a = IGLS XV, 201. Antioche : IGLS III, 831 et 915; Huwawi : IGLS II, 343; Resm
11. W. 2381 = /GLS XVI/1, 80. el-Kubar AAES III, 317; Djebele : IGLS IV, 1297.
Sur des stèles : 12. R. DUSSAUD et F. MACLER, Rapport sur une mission
Rhosos : IGLS III, 721; Antioche : IGLS III, 912 et 944; scientifique dans les régions désertiques de la Syrie Moyenne,
Daphné : III, 1030; Apamée : IGLS IV, 1350, 1364, 1366. Paris, 1908, n° 164 (cité ensuite MSM) = IGLS XIII/2, 9680.
4. Sur des stèles : 13. MSM, n°21 = IGLS XVI/1, 127.
à Mariamin :IGLS V, 2114; Deir Baalbé : IGLS V, 2193; 14. A. SARTRE-FAURIAT, o.c, vol. 1, cat