«D un clerc grief malade que nostre dame sana». Réflexions sur un miracle - article ; n°2 ; vol.1, pg 33-46
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Description

Médiévales - Année 1982 - Volume 1 - Numéro 2 - Pages 33-46
14 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1982
Nombre de lectures 34
Langue Français

Extrait

Monsieur François-Jérôme
Beaussart
«D'un clerc grief malade que nostre dame sana». Réflexions sur
un miracle
In: Médiévales, N°2, 1982. pp. 33-46.
Citer ce document / Cite this document :
Beaussart François-Jérôme. «D'un clerc grief malade que nostre dame sana». Réflexions sur un miracle. In: Médiévales, N°2,
1982. pp. 33-46.
doi : 10.3406/medi.1982.891
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/medi_0751-2708_1982_num_1_2_891 Illustration non autorisée à la diffusion
mifcnimt
D'une abesse que N.D. deffendi de grant angoisse B.N. (N.A.) Fr. 24541 François-Jérôme BEAUSSART
«D'UN CLERC GRIEF MALADE QUE NOSTRE DAME SANA»
Réflexions sur un miracle
Les Miracles de Nostre Dame écrits par Gautier de Coinci, prieur de
la paroisse Saint-Médard à Soissons, s'inscrivent dans ce début du XlIIe
siècle caractérisé par une très forte popularité du culte mariai liée, entre
autre, à l'apparition de nouveaux ordres monastiques. Parmi ceux-ci, les
ordres mendiants, Dominicains en particulier, mais aussi Franciscain, qui
se réclament précisément de la Vierge Marie. Dominique assure que
celle-ci, lors d'une apparition, l'a engagé à fonder son ordre. François de
son côté tiendra des propos similaires. L'œuvre de Gautier,
quantitativement considérable, prend donc sa place à l'intérieur d'un
univers discursif qui tend à valoriser le personnage de Marie jusque là
considéré comme un personnage de second plan.
Les Miracles obtinrent un succès appréciable au Moyen- Age — le
nombre important de manuscrits parvenus jusqu'à nous en témoigne — ils
furent extrêmement populaires auprès des lecteurs/auditeurs médiévaux et
il est tout à fait probable qu'ils exercèrent une influence non négligeable
sur un grand nombre de textes littéraires postérieurs à ceux-ci ( 1 ). Par delà
le discours évidemment édifiant et apologétique que Gautier se propose de
tenir :
< A la loenge et a la gloire,
En remembrance et en mémoire
( 1 ) Voir V.F. Koenig, Les Miracles de Nostre Dame par Gautier de Cttinci, Droz,
1970, Tome 1, p. VII;
34 De la roïne et de la dame
Cui je commant mon cors et m'ame
A jointes mains soir et matin, (2)»
son œuvre manifeste la volonté de compenser la trop grande abstraction
d'une religion monothéiste, intellectuelle et souvent mal perçue par les
fidèles en privilégiant un personnage sacré plus proche de la piété
populaire. La traduction du latin, langue des clercs, au français, langue
des laïcs est, à cet égard tout à fait significative :
« Miracles que truis en latin
Translater voel en rime et metre
Que cil et celés qui la letre
N'entendent pas puissent entendre
Qu'à son service fait bon tendre ; (3)»
Marie, en effet, va bénéficier dans la pensée médiévale et dans Les
Miracles de Gautier d'une position tout à fait particulière, placée sous le
signe de l'ambivalence. Elle est bien sûr la mère du Christ, à la fois fille et
mère de Dieu, mais elle sera aussi la «Dame», la «pucelle», avec tout ce
que ces expressions peuvent avoir de connotations terrestres. L'expression
Nostre Dame, directement tirée du vocabulaire médiéval, date d'ailleurs
du Xlle siècle. Elle était pourtant fort peu usitée jusqu'à ce que
Saint-Bernard lui donne l'importance que l'on sait. Les Miracles donnent
à voir la Vierge comme un être humain perçu dans un rapport permanent
de proximité et de disponibilité, et la relation qui s'instaure entre celle-ci et .
la multitude composite des miraculés non seulement n'exclut pas cette
dimension terrestre, charnelle même, mais bien souvent la privilégie
singulièrement. Les récits des miracles de Marie qui s'inscrivent presque
continuellement dans cette dualité ambiguë servent fréquemment de
support à toute une fantasmatique du désir masculin dont les
lecteurs/auditeurs médiévaux n'étaient probablement pas conscients mais
que le lecteur «moderne», sans réduire le texte à ce seul aspect, ne peut
totalement ignorer.
(2) Prologue de Gautier de Coind aux Miracles, op. ch. Tome t, p. ! ;
(3) ibidem
35 A cet égard, l'histoire intitulée : «D'un clerc grief malade que Nostre
Dame Sana» (4) illustre assez bien les quelques réflexions qui précèdent.
Son contenu la place dans la série des guérisons miraculeuses opérées par
Marie, qui constituent une importante part des deux recueils de Gautier.
Il s'agit d'une pièce relativement courte — 176 vers octosyllabiques —
'contant l'aventure d'un prêtre atteint, à la suite de ses manquements
répétés, par une maladie aussi mystérieuse qu'incurable et que la Vierge
guérit dans des circonstances tout à fait remarquables. Le déroulement
narratif de ce miracle peut être décomposé en 4 séquences :
1 — Un clerc, oublieux de ses devoirs, se dissipe et se donne
entièrement au siècle, devenant, comme le dit Gautier «seculers a
démesure ». 'I o itefois, malgré sa vie de débauche, il n'oublie jamais de
prier Marie e.i ui il a placé toute sa dévotion.
2 — Ce ck rc st frappé par une maladie inconnue. Il doit s'aliter. Sa
maladie empin. rapidement, si bien qu'il devient une sorte de monstre dont
tout le monde se détourne. Véritable charogne vivante, il repose sur son Ht
«com une soche» au milieu d'une épouvantable puanteur.
3 — Un ange apparaît alors qui, au cours d'une longue supplique,
implore Notre Dame de ne pas laisser dans un tel état un homme qui l'a
toujours aimée.
Cette dernière se décide à intervenir et, se matérialisant auprès de la
couche où gît le clerc, dévoile son sein, le lui donne à têter puis l'arrose de
son lait.
4 — Le clerc se réveille guéri, change radicalement de vie, se cloître et
passe le restant de ses jours à glorifier celle qui l'a sauvé.
Ce résumé bien évidemment réducteur ne permet guère de se rendre
compte de la richesse du texte de Gautier tant sur le plan sémantique que
sur celui de la métrique (5). Il fait néanmoins apparaître la simplicité Vlq
(4) V.F. Koenig, op. cit. Tome II, p. 122 et suiv.
(5) Gautier ne s'est pas contenté de traduire ses Miracles du Latin au Français ;
sur la forme comme sur le fond, il s'agit d'un véritable travail d'écrivain. Son « écriture » a
été fort peu étudiée jusqu'à présent. On sait que Koenig l'envisageait dans le tome V de
son édition. Le travail poétique surprenant auquel se livre le prieur de Saint-Médard :
exploitation systématique de la polysémie de certains termes, jeux de mots,
rapprochements phoniques défient souvent la traduction littérale et font parfois penser à
certains textes des grands Rhétoriqueurs du XVe siècle.
36 narratif à partir duquel est construit le récit. Il est en effet possible schéma
d'y mettre en évidence un certain nombre de constituants, rôles et
fonctions, analysables dans les termes de la sémiotique contemporaine. Le
récit s'ouvre sur une «situation initiale» caractérisée par un contrat
«implicite» entre un «destinateur» : Marie et un «destinataire» : le clerc.
Ce dernier se qualifie comme «sujet» du récit en tant que «traître» par
suite de ses manquements répétés à la règle qu'il est supposé devoir
observer. Sa maladie apparaît donc comme une matérialisation —
manifestation concrète, visible par tous — de la rupture de l'ordre posé au
début. La maladie a notamment pour résultat la «révélation du traître»
qu'est devenu le clerc. L'ange intercesseur fait figure d'« adjuvant»
permettant l'intervention divine destinée au rétablissement de l'ordre :
guérison du clerc d'une part et, d'autre part, retour de celui-ci dans le
giron de l'église après une «séquence glorifiante» dans laquelle le miracle
est révélé et reconnu comme tel par la communauté.
Situation initiale = Rupture d'un contrat — » maladie
(Clerc/Marie)
Révélation du traître —r- —

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