Dainganngan, artiste de la terre d Arnhem - article ; n°20 ; vol.20, pg 45-55
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Dainganngan, artiste de la terre d'Arnhem - article ; n°20 ; vol.20, pg 45-55

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Description

Journal de la Société des océanistes - Année 1964 - Volume 20 - Numéro 20 - Pages 45-55
11 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1964
Nombre de lectures 31
Langue Français

Extrait

Karel Kupka
Dainganngan, artiste de la terre d'Arnhem
In: Journal de la Société des océanistes. Tome 20, 1964. pp. 45-55.
Citer ce document / Cite this document :
Kupka Karel. Dainganngan, artiste de la terre d'Arnhem. In: Journal de la Société des océanistes. Tome 20, 1964. pp. 45-55.
doi : 10.3406/jso.1964.1900
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/jso_0300-953X_1964_num_20_20_1900DAINGANNGAN
artiste de la terre d'Arnhem
Né en Tchécoslovaquie en 1918, Karel Kupka est un parent éloigné du
peintre François Kupka (1878-1957) dont la Fugue en deux couleurs et la
Chromatique chaude, qui datent de 1908, sont considérées comme les premières
manifestations en France de Vart abstrait.
Après la seconde guerre mondiale il débute à Paris, tour à tour un peu
juriste, un peu diplomate, un peu soldat. Mais Karel Kupka possédait surtout
une vocation de peintre. Sa méditation des fondements de Vart du peintre le con
duisit à aller rechercher en Australie des exemples d'une peinture à Vétat pur.
Depuis son premier voyage de reconnaissance en 1951-52, il y est retourné
trois fois pour vivre parmi les indigènes de la Terre d'Arnhem. Il les a regardés
travailler, il s'est lié d'amitié avec ceux qui, pour des raisons rituelles, occu
paient dans leur cadre tribal, les fonctions de peintre. Il s'agissait d apprendre
aux jeunes initiés les symboles picturaux qui devaient être reproduits sur leur
poitrine au cours des cérémonies d'initiation. A un moment où ces peintures
sur écorces commençaient à intéresser les collectionneurs, Karel Kupka a pu
voir comment réagissaient ces artistes australiens devant l'offre des amateurs
curieux de leurs dessins. Il les a observé avec l'esprit d'un étudiant des Beaux-
Arts, avec un œil de peintre, s'efforçant de pénétrer leurs techniques, de voir
les conceptions qui y étaient enfermées. Il a tiré de ce séjour un livre assez éton
nant intitulé : « Un art à Vétat brut » édité par la Guilde du Livre à Lausanne
et les éditions Clairefontaine.
A Paris, en janvier 1963, Karel Kupka présenta à une réunion de la
Société des Océanistes un certain nombre de photographies d' écorces austra
liennes qu'il commenta avec autant de simplicité que de pénétration.
C'est à la suite de cet exposé qu'il voulut bien laisser enregistrer une con
versation concernant Dainganngan, celui de ses amis australiens qu'il consi
dérait comme un des plus doués des peintres d'êcorce qu'il avait connu là-bas.
On trouvera, ci-après, la reproduction de cette conversation. Nous lui avons
volontairement gardé son caractère verbal et tout spontané. Karel Kupka nous
offrit à ce propos des photographies concernant Dainganngan et ses œuvres.
Nous le remercions de sa confiance et de sa courtoisie.
P. O'R. SOCIÉTÉ DES OCÉANISTES 46
Pouvez-vous me dire où vous avez rencontré Dainganngan ?
Je l'ai rencontré à Milingimbi. Milingimbi est une des îles de Crocodile
du centre de la côte nord du littoral de la terre d'Arnhem sur le bord de la
mer d'Arafura. J'ai même retrouvé la date de notre première rencontre.
C'était le 26 juin 1956. Il se trouvait que c'était le premier peintre que j'ai
rencontré à Milingimbi. Je lui ai été présenté par le chef de la mission méthod
iste, — une toute petite mission — du moins était-elle alors une toute petite
mission, elle a depuis grandi beaucoup. Elle a certainement fait beaucoup
pour les indigènes. Quand je suis arrivé là-bas, pour la première fois, ils
soignaient sur place environ 30 lépreux, c'est-à-dire un dixième de la popul
ation, car normalement ils sont environ trois cents.
On appelait couramment Dainganngan, Johny, car son nom est bien
difficile à prononcer. Il est, pour un aborigène, d'une taille moyenne ; pour
un blanc il serait plutôt petit. Il n'en a pas l'air, car ses membres sont longs
et son corps maigre, bien proportionné. Il boîte terriblement, il s'est cassé
la jambe en tombant d'un arbre alors qu'il allait ramasser du miel sauvage,
et il a été mené trop tard à l'hôpital qui était trop loin.
Quel âge a-t-il ? Quel est son aspect physique ?
Il devait avoir dans les cinquante ans... Il ne me semble pas être métissé.
Il a tout à fait l'aspect d'un sang pur. Il a l'air assez bien, mais il a mainte
nant maigri beaucoup, et utilise une canne à cause de sa mauvaise jambe.
Il se déplace vraiment avec beaucoup de difficultés. Il porte le naga, une
sorte de grand mouchoir qui est noué sur ses flancs et fait une sorte de
poche ; quelque chose qu'on pourrait décrire comme un Bikini. Lorsque je
l'ai vu pour la première fois, il portait un vieux short et un maillot de corps
de l'armée américaine ou de quelque surplus de l'armée australienne.
Quand il va le dimanche, à la mission, en quelle tenue circule-t-il ?
Il ne va pas à la mission le dimanche... Mais il y envoie sa femme. Car
il a épousé une toute jeune femme dont il surveille l'éducation et la tenue.
Il me semble que je l'ai vue comme enfant et qu'il avait alors déjà des droits
sur elle. Elle lui avait été sans doute promise dès avant sa naissance. En
regardant mes vieux croquis je me suis rendu compte que j'avais fait jadis
le portrait de cette femme quand elle était enfant. Une rouquine qui avait
un visage bien étroit et des cheveux frisés. Ça a l'air d'être le grand amour,
tardif mais tout de même il est très gentil avec elle. Il en a eu une petite
fille. Tandis que lui a abandonné sa coquetterie vestimentaire d'après la
guerre et a échangé son short pour un vieux nega, il achète pour sa femme
des « toilettes ». Dans une nouvelle robe, qu'elle entretient soigneusement,
il l'envoie le dimanche à la messe ou plutôt au service religieux à la mission.
Elle ne peut pas le manquer ! Il a eu d'autres femmes et d'autres enfants,
mais la discrétion est préférable, sur ces affaires de famille. Il n'en parle pas
et moi j'évite de le questionner là-dessus. ARTISTE DE LA TERRE d'aRNHEM 47 DAINGANNGAN
En quelle langue communiquiez-vous ?
Nous massacrions tous les deux l'anglais. Mais il s'est produit une chose
vraiment incroyable. C'est un homme tellement renfermé, qui vit d'une
manière si isolée, qu'il en a oublié son anglais ; bien qu'il demeure à trois
pas du missionnaire, il a perdu l'habitude de le parler. La dernière fois que
je l'ai rencontré nous avons causé avec beaucoup plus de difficulté que lors
de notre premières rencontre. En 1956, il m'a servi pratiquement d'inter
prète et agissant à mon égard comme un guide bienveillant qui était tou
jours prêt à corriger les erreurs : les miennes comme celle des autres. Alors
j'ai appris beaucoup de choses par lui.
Où avait-il appris son anglais ?
Sûrement pas à l'école de la mission où il n'a jamais été pour la bonne
raison qu'elle n'existait pas dans sa jeunesse. Je pense qu'il ne sait ni lire
ni écrire. Il a ramassé son anglais probablement pendant la guerre, quand
il fut « concentré » — pas du tout nos camps de concentration, mais un ra
ssemblement autour d'une mission ou d'une station gouvernementale d'une
autre région qui leur assurait la nourriture parce qu'ils étaient transférés
dans une région où ils n'avaient plus le droit de chasser. Son territoire tri
bal était considéré comme zone d'opérations de guerre, et toutes tribus
évacuées. Mais on ne pouvait pas les laisser à l'abandon. C'est à ce moment-
là certainement qu'il a appris son rudiment d'anglais.
Où vit-il ?
Tout près de la mission. On lui a même bâti une petite case en « adobe » —
simples briques sèches pas cuites {là, Kupka me montre une photographie
des cases bâties par la mission dans le village. Il s'agit de petites maisons en
parpains). Il ne l'aime pas beaucoup. Il est tradionaliste. Il préfère une
petite hutte, construction ultra légère. Juste deux bâtons fourchus sur les
quels repose un bâton droit qui supporte des plaques d'écorce qui retombent
de chaque côté en formant abri. C'est beaucoup plus aéré. Il n'y souffre
pas

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