De Joseph de Maistre à la « Bibliothèque rose » : Le catholicisme chez les Rostopčin - article ; n°1 ; vol.11, pg 93-109
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Description

Cahiers du monde russe et soviétique - Année 1970 - Volume 11 - Numéro 1 - Pages 93-109
17 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1970
Nombre de lectures 30
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Daniel Schlafly
Marie-Chantal Dagron
De Joseph de Maistre à la « Bibliothèque rose » : Le
catholicisme chez les Rostopčin
In: Cahiers du monde russe et soviétique. Vol. 11 N°1. pp. 93-109.
Citer ce document / Cite this document :
Schlafly Daniel, Dagron Marie-Chantal. De Joseph de Maistre à la « Bibliothèque rose » : Le catholicisme chez les Rostopčin.
In: Cahiers du monde russe et soviétique. Vol. 11 N°1. pp. 93-109.
doi : 10.3406/cmr.1970.1794
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/cmr_0008-0160_1970_num_11_1_1794DANIEL SCHLAFLY
DE JOSEPH DE MAISTRE
A LA « BIBLIOTHÈQUE ROSE »
LE CATHOLICISME CHEZ LES ROSTOPCIN
Au nombre des courants qui agitent la société russe sous le règne
d'Alexandre, il faut compter une puissante attirance pour le catholi
cisme romain qui aboutit à quelques dizaines de conversions parmi
les gens appartenant aux plus hautes sphères de la société de Moscou
et de Saint-Pétersbourg. Bien que ce mouvement vers le catholicisme
romain ait peu duré et n'ait jamais pris de profondes racines en
Russie, il eut néanmoins d'importantes implications, tant sociales et
politiques que religieuses, et nous voyons que les documents contemp
orains en tiennent très sérieusement compte. Toutefois, des historiens
plus tardifs — à quelques exceptions près — n'y font qu'une brève
allusion1.
i. Un travail important a été fait par de nombreux jésuites français qui ont
suivi les traces du converti russe, le P. Ivan Gagarin, s.j., dont la bibliothèque
et les papiers ont composé le fonds de la fameuse Bibliothèque slave. Ces
hommes, dont les plus marquants sont les R.P. Pierling, Boudou et Rouët de
Journel, décrivent une Église catholique attirant, par la supériorité évidente
de ses doctrines, de son clergé et de ses institutions, les meilleurs éléments de la
société russe. Inversement, dans lezuity v Rossii s carstvovanija Ekateriny II0*
i do našego vremeni (Les jésuites en Russie du règne de Catherine II jusqu'à nos
jours) (Saint-Pétersbourg, v tip. vtorago otdelenija sobstvennoj E. I. V'. Kan-
celarii, 1S76-1870) du P. M. Moroàkin, et dans Le catholicisme romain en Russie
(Paris, Dentu, 1863-1864, 2 vol.) du comte Dimitrij Tolstoj, le catholicisme
romain soulève indignation et consternation. Les deux auteurs considèrent que
cette confession a représenté une sérieuse menace pour l'intégrité religieuse et
politique de l'Empire, en partie à cause de l'obstination des jésuites et des autres
émigrés. Mais ils reprochent également au Gouvernement d'avoir négligé la
formation religieuse et patriotique de la société, et de n'avoir pas entravé la
propagation de cette idée et d'autres idées étrangères. Tous font une large uti
lisation des documents alors en la possession du russe. Les rela
tions habituelles du règne d'Alexandre (Sil'der, grand-duc Nikolaj Mihailovič,
A. N. Pypin, S. R. Mel'gunov, etc.), au mieux, traitent rapidement du mouve
ment catholique romain. Dans son Russland und das Pctpsttum (Berlin, Akademie
Verlag, 10.61, 2 vol.), Eduard Winter fait une étonnante analyse marxiste,
fondée sur une large recherche sur l'Église catholique romaine dans l'histoire
russe. DANIEL SCHLAFLY 94
Bien qu'une recherche approfondie sur le catholicisme romain sous
le règne d'Alexandre déborde les limites d'un article de revue, on peut
donner une idée de ses conséquences dans la vie de la Russie en exami
nant son empreinte sur la vie d'une famille russe en particulier. D'im
portantes raisons président au choix de cet éclairage. De sérieuses
recherches ont déjà été menées sur les différentes institutions catho
liques de Russie : l'ordre des jésuites, le collège jésuite de Saint-Péters
bourg, les paroisses catholiques de Saint-Pétersbourg et de Moscou, etc.
Toutefois, même si nous constatons l'attirance des Russes pour ces
institutions, nous ne pouvons pas espérer pénétrer de l'intérieur les
courants de pensée de la société russe par une simple étude d'institu
tions essentiellement non russes, fondées par des étrangers et dirigées
de l'étranger.
Et d'ailleurs le catholicisme romain n'aurait pu, malgré le nombre
des convertis éminents, mener à bien la fondation d'institutions russes
pouvant se suffire à elles-mêmes. Au plus fort de son influence, il exis
tait quelques salons, de tendances nettement catholiques, où les convert
is se mêlaient aux émigrés catholiques, fervents et influents, dont le
plus marquant était Joseph de Maistre1. Mais c'était là toute la struc
ture organisée du catholicisme russe. Presque tous les convertis de
cette époque étaient des femmes et leurs enfants, et comme la plupart
des autres femmes de la société russe de ce temps, il leur fallait exercer
leur influence dans le cadre de la famille ou dans celui, à peine plus
large, du salon. Il n'y avait pas d'Arakceev ou de Golicyn catho
liques ; et comme si peu d'hommes étaient convertis, le catholicisme
ne pouvait devenir une force politique et sociale majeure dans la vie
de la Russie qu'avec le concours de ces émigrés catholiques2.
Mais, à l'intérieur de la famille, l'influence de la femme pouvait
être considérable, et, pour diverses raisons, le mari, qui pouvait par
ailleurs être une figure marquante de la vie publique, ne jouait pas
forcément dans sa propre famille un rôle net et décisif. L'infiltration
du catholicisme romain dans une famille par la conversion de l'épouse
était un élément de discorde qui introduisait dans les relations un fac
teur de crise aiguë. Aussi doit-on étudier le catholicisme dans le
cadre d'une famille particulière non seulement pour mieux expliquer
pourquoi il a séduit la société russe, mais aussi pour éclairer le domaine
négligé de l'histoire familiale3.
1. Ils sont décrits par M.-J. Rouët de Journel, Un Collège des Jésuites à
Saint-Pétersbourg, 1800-1816, Paris, Perrin et Cl°, 1922 ; et par Ivan Gagarin,
Le salon de la comtesse Goloivin, Lyon, Impr. Pitrat aîné, 1879.
2. Par exemple, le général des jésuites, le R.P. Gabriel Gruber, devint un
intime de l'empereur Paul, et de Maistre avait de très nombreux liens dans les
plus hautes sphères de la société et du Gouvernement.
3. On trouvera un excellent exemple de ce genre d'étude dans M. Malia,
Alexander Her zen and the birth of Russian socialism, Cambridge, Mass., Harvard LE CATHOLICISME CHEZ LES ROSTOPČIN 95
La famille de Feodor Vasil'evic Rostopčin (1763-1826) convient
admirablement à cette étude. D'abord, son histoire est par bien des
côtés exemplaire du mouvement général vers le catholicisme. La femme
s'est convertie après une longue recherche personnelle et elle s'est
consacrée avec enthousiasme à la pratique de sa nouvelle foi. Son mari
était resté orthodoxe, mais elle put convertir certains de ses enfants.
Malgré l'opposition de membres de la famille et d'amis, elle persista
dans ses efforts pour vivre une vie pleinement catholique. Pourtant,
sauf en ce qui concerne deux de ses filles, ses efforts pour propager
sa foi furent vains, et à sa mort le catholicisme mourut aussi dans la
famille, sauf chez une de ses filles convertie, qui était mariée et établie
en France. De plus, les Rostopčin étaient liés aux cercles catholiques
de Saint-Pétersbourg ; trois des quatre sœurs de la comtesse Rostopčin
et un grand nombre de ses relations se firent catholiques. Par là,
l'histoire de cette famille touche au mouvement tout entier. Enfin,
les Rostopčin méritent l'attention de l'historien en dehors même de
leur importance dans l'histoire du catholicisme russe. Bien que Feodor
Rostopčin ait eu un rôle eminent dans les affaires publiques russes
sous Paul puis sous Alexandre, il n'existe toujours pas d'étude satis
faisante sur cette figure complexe et controversée1. L'historien a
à sa disposition un ensemble large et varié de sources directes et indi
rectes, et il peut espérer présenter une image assez complète de la
vie de la famille. Les plus importantes de ces sources sont les lettres
de Feodor Rostopčin, les écrits religieux de sa femme, et les chroniques
et mémoires de plusieurs parents ou alliés2.
D'après ces sources, on peut voir que Feodor Rostopčin fut aussi
complexe et

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