De l émigration au retour : les mutations du champ migratoire turc - article ; n°1 ; vol.52, pg 255-272
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De l'émigration au retour : les mutations du champ migratoire turc - article ; n°1 ; vol.52, pg 255-272

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Description

Revue du monde musulman et de la Méditerranée - Année 1989 - Volume 52 - Numéro 1 - Pages 255-272
18 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié par
Publié le 01 janvier 1989
Nombre de lectures 59
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Stéphane De Tapia
De l'émigration au retour : les mutations du champ migratoire
turc
In: Revue du monde musulman et de la Méditerranée, N°52-53, 1989. pp. 255-272.
Citer ce document / Cite this document :
De Tapia Stéphane. De l'émigration au retour : les mutations du champ migratoire turc. In: Revue du monde musulman et de la
Méditerranée, N°52-53, 1989. pp. 255-272.
doi : 10.3406/remmm.1989.2307
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/remmm_0997-1327_1989_num_52_1_23072. ETUDES LIBRES
Stéphane de TAPIA
DE L'ÉMIGRATION AU RETOUR
Les mutations du champ migratoire turc
1. REPÈRES ET TENDANCES
Récemment, l'édition scientifique française (Riva Kastoryano, Yildiz Sertel, Altan
Gokalp, Gildas Simon, réseau Migrinter, Revue Européenne des Migrations Inter
nationales) a mis à l'honneur un sujet qui paraissait marginal dans l'abondante
littérature sur l'immigration en France : la présence des Turcs dans ce pays et
en Europe. -
Cela peut s'expliquer. Arrivés par petits contingents au cours des années
1967-1969 dans l'Hexagone, les Turcs restent peu nombreux, environ 150 000
personnes. Pourtant, le recensement de 1982 ne décomptait que 123 000 ressor
tissants turcs. Aux Pays-Bas, au Danemark, on observe les mêmes tendances mal
gré visas, crise de l'emploi et restrictions de tous ordres. La R.F.A. voit plutôt
une stabilisation, par reflux vers la Turquie et répartition nouvelle vers l'extérieur.
Gildas Simon (1986) situe bien l'échelle réelle de l'émigration turque : une émi
gration brute de plus de 2 500 000 citoyens turcs, une réserve potentielle de 2
à 3 000 000 de migrants, un champ migratoire étendu de Stockholm aux Emirats
du Golfe, avec une tête de pont en Australie.
De fait, c'est dans la bibliographie allemande et turque que l'on peut prendre
le pouls de ce courant complexe. Le retour, que les auteurs allemands nomment
remigration (Toepfer, Hummer-Soysal, Jurecka-Werth,...) est également le sujet
principal de réflexion d'un chercheur turc, Ali S. Gitmez (1983). Souvent consi
déré comme un «mythe» par référence au «melting-pot» américain ou à l'histoire
récente des migrations intra-européennes, le retour est en France mal perçu, mal
REM.M.M. 52/53, 1989-2/3 256 / 5. De Tapia
cerné et mal contrôlé. Il reste en Turquie brûlant d'actualité et présent dans la
presse, la littérature, la vie sociale et quotidienne, les. enjeux politiques et
économiques.
Les deux phases de l'émigration
L'émigration turque a jusqu'à nos jours concerné directement plus de 3 mil
lions de personnes, infiniment plus si l'on pense aux parents et partenaires profes
sionnels touchés par les apports de salaires, prestations sociales, cadeaux, biens
matériels et capitaux. Ceci va du transfert du salaire à la création d'entreprise en
passant par la machine-outil. On ne peut non plus estimer le nombre d'emplois
lié à l'émigration dans l'administration, la banque, les transports...
Cette émigration, déclenchée vers 1958 par la demande de main-d'œuvre de l'éc
onomie allemande en reconstruction, coupée de l'Europe de l'Est, et après 1961,
de l'Allemagne de l'Est, a schématiquement connu deux phases, des débuts à 1974,
date des restrictions imposées â l'Europe par la crise énergétique, et de 1974 à
aujourd'hui, période d'apparente stabilisation, faite de mutations et de réorientations.
• 1958-1974 : un rapide développement.
Déclenché par l'extérieur, l'appel aux travailleurs turcs rencontre une situation
favorable : la Turquie recueille les fruits d'une politique impulsée dans les années
1920, par Atatûrk et ses collaborateurs, renforcée par les effets du Plan Marshall.
Croissance démographique, urbanisation, exode rural, mutations sociales font un
véritable bond qui en 1988 n'est toujours pas terminé.
L'originalité de l'émigration turque, outre son volume particulier, mais compar
able à d'autres pays par ses implications (Espagne, Italie, Algérie ou Portugal)
tient peut-être dans l'immense panoplie de mesures d'accompagnement édictées
par les gouvernements turcs successifs. Accords bilatéraux, mesures économiques
destinées au drainage des devises, multiplication des postes de diplomates, per
sonnels de service et d'encadrement, qui alliés aux pratiques sociales des Anato-
liens et aux références historiques, amènent au prix d'immenses difficultés les
migrants turcs à créer des formes actives d'organisation en augmentant rapide
ment leurs effectifs en Europe (Kastoryano, 1986). A partir des missions privées
d'entrepreneurs allemands pour recruter la main-d'œuvre (1956-1960), il est décidé
de signer un premier protocole en 1961 entre les gouvernements turc et ouest-
allemand. Cette année-là, 4 500 Turcs partent pour l'Allemagne où ils sont reçus
par les municipalités en fanfare. C'est l'entrée glorieuse des Gastarbeiter (travail
leurs invités). Très vite, le mouvement s'accélère, on compte 35 937 départs de
1961 à 1963, 98 132 pour la seule année 1969. En 1970, le total cumulé est de
412 337 départs selon les sources turques alors que l'administration allemande
recense 538 854 citoyens turcs en R.F.A.. 1973 est l'année record avec 135 820
départs, toutes destinations confondues. Malgré la récession de 1967-1968 et une
vague de retours, la présence turque s'affermit sans cesse (B. Kayser, 1972). Les mutations du champ migratoire turc I TS1
• 1974-1988 : stabilisation et réorientations.
En France, les Turcs passent de 7 600 immigrés en 1968, à 51 000 au recense
ment de 1975, à 150 000 en 1984, en augmentation encore depuis (probablement
150 à 160 000 ressortissants). Cela donne une idée de la stabilisation réelle de la
communauté turque. En réalité plusieurs facteurs ont été repérés.
Depuis le cessez-le-feu sur le front irano-irakien, les sociétés turques sont aux
aguets. De nouveaux flux vers les chantiers de reconstruction sont probables. En
1983 et 1984, plus de 300 000 sorties annuelles de citoyens turcs vers l'Iran ont
été enregistrées, fait étrange pour un pays en guerre, alors que pour l'Irak, une
chute brutale intervient en 1981. Peut-on imaginer que des travailleurs turcs sont
partis remplacer, ne serait-ce que momentanément, les Iraniens au front?
Émigration et démographie
En 1985, la République de Turquie recense 50 664 000 habitants pour 780 000
km2. Le taux de croissance annuel est estimé à 2,4%o. Toutes choses égales par
ailleurs, les projections démographiques à l'horizon 2 000 atteignent 65 à 73 mil
lions d'habitants (Maury, 1983). Si Ton retient le chiffre de 2 344 000 émigrés
pour 1983, 4,8% de la population de référence (47 864 000) résideraient à l'étran
ger. Si l'on retient les données du recensement de 1985, 1,3% seulement de la
population serait à l'extérieur (statistique partielle sur 40 départements).
Les variations dans l'espace semblent plus intéressantes puisqu'elles vont de 1
à 18. Les départements les plus touchés sont Gûmû§hane, Kir§ehir, Tunceli et
Erzincan (plus de 3% de leur population à l'étranger), soit un département du
Nord, un d'Anatolie Centrale et deux de l'Est. A l'inverse, Bitlis et Hakkâri, dépar
tements kurdes de l'Est ont des taux très bas (0,20 et 0,34%).
En raison du regroupement familial massif en Europe, l'émigration ne semble
pas déséquilibrer la démographie (natalité, sex-ratio). Par contre, depuis toujours,
la mobilité a été grande en Anatolie et de nos jours, migrations internes et exode
rural ont un très fort impact. Mettre en relation dépeuplement et émigration reste
difficile, même si l'émigration apparaît bien souvent comme un exode rural à long
rayon, mais avec un phénomène très net de relais sur Istanbul, Ankara, Izmir et
les grandes villes en général.
La question des retours
Les auteurs allemands ont forgé un néologisme, les rémigrants (Remigration-
Remigranten) alors que les Turcs utilisent l'expression «kesin dônû§» ou retour
définitif. Alors que Zamora et Lebon estimaient les retours de France vers la Tur
quie à une fourchette de 7 500 à 10 000 (1975-1982), le chiffr

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