De l usage des épices dans l alimentation médiévale - article ; n°5 ; vol.2, pg 15-31
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De l'usage des épices dans l'alimentation médiévale - article ; n°5 ; vol.2, pg 15-31

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Description

Médiévales - Année 1983 - Volume 2 - Numéro 5 - Pages 15-31
17 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1983
Nombre de lectures 24
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Monsieur Bruno Laurioux
De l'usage des épices dans l'alimentation médiévale
In: Médiévales, N°5, 1983. pp. 15-31.
Citer ce document / Cite this document :
Laurioux Bruno. De l'usage des épices dans l'alimentation médiévale. In: Médiévales, N°5, 1983. pp. 15-31.
doi : 10.3406/medi.1983.933
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/medi_0751-2708_1983_num_2_5_933Bruno LAURIOUX
DE L'USAGE DES ÉPICES
DANS L'ALIMENTATION MÉDIÉVALE
L'utilisation intensive des épices dans l'alimentation et la cuisine
médiévales est un phénomène constaté et reconnu de longue date.
Cependant, l'appréhension en a été obscurcie par des considérations
a priori et des idées reçues qui consistaient soit à exagérer l'ampleur
de ce phénomène (pour mieux souligner le caractère barbare attribué
aux temps médiévaux, et par contraste la conquête civilisatrice que
représenterait la cuisine bourgeoise du XIX' siècle) (1), soit, au
contraire, à minimiser cette ampleur, en cherchant à tout prix à faire
entrer la cuisine médiévale dans des cadres qui sont ceux de la
cuisine ou de la gastronomie actuelles (2).
L'appréhension correcte du phénomène exige d'abord qu'on le
mesure, et cela à travers les sources qui s'y prêtent le mieux : les
traités culinaires de la fin du Moyen Age. Ces recueils de recettes pré
sentent en effet une série assez importante, dont la répartition chrono
logique et géographique autorise des comparaisons. Ils permettent
d'analyser avec suffisamment de précision le poids que représentent
les épices dans la cuisine, les hiérarchies, les associations, les oppos
itions et les emplois entre lesquels celles-ci se répartissent (3).
1. Cf. A. FRANKLIN, la vie privée des Français d'autrefois, t. III,
Paris 1888, p. 48 et 51. W.É. MEAD, The english medieval feast, Londres 1931,
p. 74 et 77.
2. C.B. HIEATT-S. BUTLER, Pain, vin et veneison, Montréal, 1977, Intro
duction, p. IV : « le cuisinier médiéval employait les épices comme son
homologue du XXe siècle se sert du poivrier, c^st-à-dire avec modération ».
Cette prise de position explique sans doute certaines adaptations « radi
cales » dans le reste de l'ouvrage.
3. Les traités utilisés dans cette étude sont les suivants : Le Viandier,
édit. A. PICHON-G. VICAIRE, Paris 1892, 2 vol. (mss de cet ouvrage
conservés à la BN de Paris, du XIVe siècle, et à la Bibliothèque Vaticane,
du XVe siècle, ainsi que première édition de P. Alain et A. Chauvin, ca 1490 ;
abréviations utilisées ici: TV-BN, TV-VT, TV-ED). Le plus ancien ms du
Viandier (Bibliothèque du Valais, fin XHI'-début XIV siècle) a été édité
par P. AEBISCHER, « Un manuscrit valaisan du Viandier attribué à Taille-
vent », Vallesia 1953, pp. 73-100 (TV-SI). Le Ménagier de Paris (XIVe siècle),
édit. G.E. BRERETON-J.M. FERRIER, Oxford 1981 (abrégé MP). « Les Ensein-
gnemens qui enseingnent à appareiller toutes manières de viandes », conservés
à la BN de Paris, du tout début du XIVe siècle, édités par G. LOZINSKI.
La Bataille de Caresme et Charriage, Paris 1933, pp. 181-187 (ENS). Le « Trac-
tatus de modo praeparandi et condiendi omnia cibaria » et le « Liber de
coquina » (XIVe s.) ont été édités par M. MULON, Bulletin Philologique et
Historique 1968 (1971), t. I pp. 369435 (abréviation : TR et LIB). « The form
of cury » (Angleterre vers 1390) et « Ancient cookery » (Angleterre, XIVe siècle),
dans l'édition R. WARNER, Antiquitates culinariae, tracts on culinary affairs
of the old english, Londres 1791 (FC et AC). Deux mss anglais du XV* siècle
publiés par Th. AUSTIN, Two fifteenth century cookery books, Londres 1888
(abréviations : Harl. 279 et Harl. 4016). Je voudrais cependant attirer l'attention sur les dangers qu'il y aurait
à se contenter des traités culinaires, ou à leur accorder trop de crédit.
C'est ainsi que, de l'apparition de ces traités au tournant des XIIIe et
XIV* siècles, certains ont tiré la conclusion qu'il y avait eu à cette
époque une véritable révolution culinaire ; et l'utilisation massive des
épices aurait été un des axes de cette « nouvelle cuisine » du XIV* s. (4).
J'essaierai de montrer qu'il y a eu au contraire une évolution progress
ive à partir des pratiques culinaires et alimentaires de la Basse-
Antiquité.
Mais les traités culinaires des XIIP-XIV* siècles ne sauraient non
plus rendre compte absolument des pratiques alimentaires de l'époque
où ils ont été écrits, y compris en ce qui concerne l'emploi des épices.
La confrontation avec d'autres sources (comptes, tarifs commerciaux,
œuvres littéraires) confirme que cet emploi est assez largement
répandu dans la société de la fin du Moyen Age, mais elle suggère en
même temps des niveaux sociaux dans la consommation des épices
(selon une plus ou moins grande variété, ou une plus ou moins grande
régularité).
Avant de repérer et d'analyser les emplois des épices dans les
traités culinaires de la fin du Moyen Age, il convient de délimiter un
tant soit peu cette catégorie « épices ». Les listes que fournissent deux
des manuscrits du Viandier nous y aident (5), mais il faut leur ajouter
des substances employées dans les traités, que d'autres enumerations,
notamment d'origine commerciale, désignent comme « épices » (6). De
façon générale, les épices sont des substances aromatiques d'origine
orientale (7), et donc produits du grand commerce international ; elles
servent dans la cuisine mais ont également des utilisations dans la
médecine, la parfumerie, etc.
Cela défini, on constate que ces épices interviennent dans les trois
quarts des recettes des traités pris en considération. La proportion
monte jusqu'à 90 % dans les traités anglais du XIVe siècle ; mais nul
doute que l'utilisation massive du sucre ne gonfle ici les chiffres. On
pourrait expliquer ces pourcentages impressionnants d'épices par la
sous-représentation de certaines préparations, utilisant des produits
4. C'est la thèse développée récemment par T. PETERSON, « The arab
influence n° 3, 1980, on pp. western 317-341. european cooking», Journal of medieval history, t. 6,
5. Ces listes citent le gingembre, la cannelle, le clou de girofle, la graine
de paradis, le poivre long, le macis, la fleur de cannelle, le safran, le galanga,
la noix de muscade ; le ms de la B. Vaticane y ajoute notamment le sucre.
6. On a donc ajouté aux listes du Viandier, le poivre rond, le cumin, le
cubeb, la coriandre, le cardamome, le citoal, l'espic, le santal, le sumac, le
fût de girofle.
7. Le safran et la canne à sucre sont cultivés aussi en Occident (Espagne,
Italie, Sicile), mais les meilleures qualités sont réputées venir d'Orient :
Cilicie pour le safran et Chypre pour le sucre : cf. w. HEYD, Histoire du
commerce du Levant au Moyen Age. T. II, Leipzig 1866 pp. 668 ss. et 680 ss. IT
jugés trop plébéiens : c'est ainsi que le Viandier ne contient que peu
de recettes de légumes, de.porées. Mais la proportion des recettes qui
comportent des épices n'est guère différente dans le Ménagier de Paris
et le Liber de Coquina qui consacrent un chapitre entier à ces produits
horticoles (8).
Ce qui frappe surtout, c'est la diversité des substances utilisées :
nous ne trouvons pas moins d'une vingtaine d'épices, sans compter les
poudres, sauces et mélanges différents qui multiplient les combinaisons
et les saveurs. Cette grande diversité des épices est une spécificité de
la cuisine médiévale qui la distingue nettement de ses consœurs d'aval
ou d'amont. La cuisine de la fin du XVIIe et du XVIII* siècles emploiera
surtout le poivre, et dans une moindre mesure le clou de girofle et la
cannelle. Quant à là cuisine antique, telle que nous la fait connaître la
compilation de la fin du IVe siècle, transmise sous le nom d'Apicius,
elle n'utilise, en fait d'épices exotiques, que le poivre et le silphium/
laser, l'essentiel des assaisonnements étant réalisé grâce à des aromates
indigènes (livèche, origan, etc.) (9).
Du reste, on saisit, par la comparaison

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