De la montagne au désert. Limes et maîtrise de l eau. - article ; n°1 ; vol.41, pg 90-115
27 pages
Français

Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement

Je m'inscris

De la montagne au désert. Limes et maîtrise de l'eau. - article ; n°1 ; vol.41, pg 90-115

Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement

Je m'inscris
Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne
En savoir plus
27 pages
Français
Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne
En savoir plus

Description

Revue de l'Occident musulman et de la Méditerranée - Année 1986 - Volume 41 - Numéro 1 - Pages 90-115
26 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1986
Nombre de lectures 43
Langue Français
Poids de l'ouvrage 3 Mo

Extrait

Pol Trousset
De la montagne au désert. Limes et maîtrise de l'eau.
In: Revue de l'Occident musulman et de la Méditerranée, N°41-42, 1986. pp. 90-115.
Citer ce document / Cite this document :
Trousset Pol. De la montagne au désert. Limes et maîtrise de l'eau. In: Revue de l'Occident musulman et de la Méditerranée,
N°41-42, 1986. pp. 90-115.
doi : 10.3406/remmm.1986.2111
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/remmm_0035-1474_1986_num_41_1_2111Pol Trousset
DE LA MONTAGNE AU DÉSERT :
«LIMES» ET MAITRISE DE L'EAU
Dans une étude devenue classique qu'il avait consacrée à la bordure saharienne
de l'Algérie orientale, J. Despois avait mis en évidence l'étroite correspondance
entre «l'interface»1 tell/sahara, division naturelle fondamentale du Maghreb et la
position du limes, frontière militaire de l'Empire romain, à la limite méridionale
des provinces de Maurétanie césarienne et de Numidie. Par une analyse géogra
phique des plus éclairantes, il avait démontré quelle relation on pouvait en effet
établir entre les limites de l'emprise territoriale de la domination romaine en Afrique
du Nord et les conditions de l'occupation humaine résultant de l'interaction des
données morphologiques, climatiques et hydrologiques (Despois, 1942).
Le même sujet peut sembler encore de nature à nourrir la réflexion des spécial
istes de l'Afrique ancienne, d'autant plus que dans d'autres secteurs de la même
zone frontière, de nouvelles enquêtes archéologiques ont permis de mieux cerner
les formes spécifiques de mise en valeur du sol par la maîtrise de l'eau, et cela
souvent bien au-delà des limites actuelles du désert. De fait, plus d'une trentaine
d'années après que Baradez eût commencé à lever le voile sur elle par ses recon
naissances aériennes sur les confins méridionaux de Numidie (Baradez, 1949), c'est
bien toute une face cachée de l'agriculture africaine antique qui est à présent mise
au jour sur les marges sahariennes de l'Empire, à la lumière de l'imposant bilan
de découvertes à l'actif de Y UNESCO Libyan Valleys Survey (1979-1984) en Tri-
politaine orientale2. Mais entre-temps, l'archéologie africaine avait appris à ne plus
mettre sur le compte exclusif d'un miraculeux savoir-faire romain et de la volonté
ROMM 41-42, 1986 Limes et maîtrise de Veau I 91
tutélaire d'un pouvoir central démiurgique, des aménagements innombrables dont
tout donne à penser, comme l'a rappelé récemment Brent D. Shaw, qu'ils étaient
nés en quelque sorte du pays même et de l'effort immémorial de ses habitants (Shaw,
1984). Ainsi se trouvait justifiée la réévaluation globale, déjà préparée par Des
pois lui-même, de cette civilisation rurale présaharienne que X. de Planhol asso
cie aux montagnes bordiêres de la zone aride de l'Ancien Monde. Du même coup
pouvait-on récuser non sans quelque raison, avec la dichotomie trop simpliste entre
tell et sahara dérivée d'une appréciation européenne des possibilités de mise en
exploitation de ces aires respectives (Lawless, 1972), l'opposition trop classique
sur une ligne d'affrontement, entre nomades et sédentaires, qui passait pour don
ner la clef des vicissitudes historiques du Maghreb dans un scénario de catastrophe
(Lacoste, 1980, 92-93).
Le fait qu'une partie de ces marges fut retournée au désert depuis l'époque romaine
donnait toutefois à réfléchir et pouvait être perçu selon les hypothèses, tomme
une illustration du déterminisme géographique ouvrant la voie au déterminisme
historique ou réciproquement. Dans quelle mesure en effet, la trace du limes pré
saharien, c'est-à-dire de l'encadrement militaire d'une frange pionnière de mise
en valeur agricole, peut être tenue pour l'indice archéologique d'une rupture his
torique en faveur du nomadisme, ou d'une aggravation des contraintes climatiques
dans une zone critique, ou encore pour le témoin actif de cette Raubwirtschaft,
à laquelle nos inquiétudes de fin de siècle donnent un regain d'actualité (Raumo-
lin, 1984)? C'est en fait un problême à plusieurs variables où l'on ne peut se repo
ser en définitive, sur aucun invariant : ni sur celui du climat, si l'on renonce au
confort intellectuel résultant du postulat généralement admis à la suite de Stéphane
Gsell, de sa fixité depuis l'antiquité (Gsell, 1913; Shaw, 1981) et si l'on accepte
au contraire l'hypothèse récemment formulée à partir des données de la palynol
ogie, d'oscillations climatiques significatives après l'époque romaine (Brun, 1983;
Rouvillois-Brigol, 1985); ni sur celui d'une permanence des modes de vie et de
gestion de l'environnement naturel, car il est aisé de conclure, comme nous le ver
rons, à une utilisation des terres et des eaux très différente dans l'Antiquité, de
celle de nos jours.
Faute d'élément décisif permettant de trancher au fond le débat, du moins peut-
on proposer d'en définir le cadre à la lumière de la notion paradoxale de «front
ière climatique» : celle-ci n'a pas le même degré de pertinence selon qu'on la con
sidère à petite échelle, dans son rapport en réalité ambigu avec le tracé d'ensemble
du limes, ou bien au contraire à grande échelle, au vu des techniques mises en
œuvre pour transgresser localement les barrières de l'aridité (Joly, 1979). C'est
à ce niveau qu'il conviendrait de se placer pour mieux comprendre les évolutions
ou les ruptures, à grandeur nature des niches écologiques entre lesquelles des sociétés
«segmentaires» ont pu se redéployer de diverses manières au cours de l'histoire.
Dans un vaste champ d'étude qu'il serait vain de vouloir parcourir dans le temps
d'une enquête aussi brève, on se contentera de marquer quelques repères essentiels.
I. LE TRACÉ DU «LIMES» ET LES
DIVISIONS GÉOGRAPHIQUES DU MAGHREB
Une constatation s'impose de prime abord : le tracé du limes au IIIe siècle de Il
I-
î
itinéraires saisonniers des nomades I «s isohyète de 400 mm
***** limite nord du désert positions militaires du limes d'après Despois, Clarke, Salama, Trousset Limes et maîtrise de Veau I 93
notre ère, matérialisé par le jalonnement de ses implantations militaires, ne cor
respond pas à une frontière climatique unique, mais joue d'ouest en est avec plu
sieurs limites significatives qui sont celles-là mêmes que toute une littérature géo
graphique avait reconnues depuis Augustin Bernard, comme les divisions natur
elles majeures du Maghreb (fig.l).
A l'ouest, à l'exception des Monts de Daïa, de Tlemcen ainsi que d'une partie des
Monts de Saïda laissés, selon toute apparence, en dehors de l'Empire, le limes sévè-
rien de Maurétanie césarienne longe la bordure méridionale de l'Atlas tellien, avec
une remarquable fidélité entre les Aïoun Sbiba et Grimidi (Salama, 1978), ce qui cor
respond à la ligne isohyête moyenne de 400 mm de pluie par an considérée, selon
les normes actuelles, comme la limite de rentabilité de la culture sèche céréalière.
A l'est, en revanche, du Hodna au Sud tunisien, le limes de Numidie suit la
lisière nord du prédêsert dont le signalement est donné, à défaut d'une isohyête
bien précise (de 150 à 100 mm), par l'apparition des premières oasis le long d'une
ligne El Kantara-Chebika. L'attention est ici attirée sur le grand bloc montagneux,
sorte d'extension du Tell selon Despois, que constituent les chaînes du Hodna,
de l'Aurès et des Nemencha, ainsi que sur la région charnière du piémont saharien
où le limes semble se dédoubler le long du Zab occidental, sur une ligne Gemellae -
Doucen - Sadouri - Messad (Castellum Dimmidî)^.
Plus à l'est enfin, dans le secteur oriental de Tripolitaine, où les forteresses de
Guériat, de Bu Njem et surtout de Ghadamès, marquent des jalons essentiels de
l'avance de la frontière romaine au début du me siècle, celle-ci atteint la limite
sud du prédésert dans la guibla, revers saharien du Jebel, qui confine à l'Erg et
à la Hamada el Homra, là où les lignes isohyètes (moins d

  • Univers Univers
  • Ebooks Ebooks
  • Livres audio Livres audio
  • Presse Presse
  • Podcasts Podcasts
  • BD BD
  • Documents Documents