De la réalité au texte : L absurde chez Daniil Harms - article ; n°3 ; vol.26, pg 269-312
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De la réalité au texte : L'absurde chez Daniil Harms - article ; n°3 ; vol.26, pg 269-312

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Cahiers du monde russe et soviétique - Année 1985 - Volume 26 - Numéro 3 - Pages 269-312
Jean-Philippe Jaccard, From the reality to the text. The absurd and Daniil Kharms.
The object of this article is to demonstrate on basis of works - mostly unpublished - the coherence between the philosophical vision of the world of Daniil Kharms and his poetics. The label absurd is applied in the first place to the fundamental duality ruling the relationship between man and a world viewed as sum total of particles with no connection between them. A certain number of notions comprised in the theoretical texts of Kharms will be studied within this framework: the law of equilibrium, the principle of asymmetry, minor errors (nebol 'shaia pogreshnost ' ), etc. We will then see that this duality is expressed in the texts in prose of the author. First, on the thematic level: the creation of a particular type of character: a sucker thrust into a hostile world. Also on the level of form: the general tendency of text towards autodestruction (either by withdrawal into itself or by dispersal). It will be noted that the resulting nonsense and the comical element it supposes, raises this prose to the rank of global parody of the traditional processes of narration, whilst Kharms suggests an attempt at extra-ideological reply to great metaphysical questions.
Jean-Philippe Jaccard, De la réalité au texte. L'absurde chez Daniil Harms.
Le but de cet article est de montrer, sur la base d'écrits pour la plupart inédits, la cohérence qu'il y a chez Daniil Harms entre sa vision philosophique du monde et sa poétique. Le mot - étiquette absurde désigne, en premier lieu, la dualité fondamentale régissant les rapports entre l'homme et un monde qui ne lui apparaît que comme une somme de parties non reliées les unes aux autres. Il sera étudié dans ce cadre un certain nombre de notions que l'on trouve dans des textes théoriques de Harms : loi d'équilibre, principe d'asymétrie, petite erreur (nebol'šaja pogrešnosť), etc. On verra ensuite que cette dualité s'exprime dans les textes en prose de l'écrivain. A un niveau thématique, d'abord, par la création d'un type de personnage particulier, le paumé naïf précipité dans un monde hostile. A un niveau formel ensuite, par la tendance générale des textes à l'auto-destruction (par repliement sur soi ou par éclatement). On constatera enfin que le nonsense qui en résulte, avec le comique que cela suppose, élève cette prose au rang de parodie globale des procédés narratifs traditionnels, en même temps que Harms propose une tentative de réponse extra-idéologique aux grandes questions métaphysiques.
44 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1985
Nombre de lectures 18
Langue Россию
Poids de l'ouvrage 3 Mo

Extrait

Jean-Philippe Jaccard
De la réalité au texte : L'absurde chez Daniil Harms
In: Cahiers du monde russe et soviétique. Vol. 26 N°3-4. pp. 269-312.
Citer ce document / Cite this document :
Jaccard Jean-Philippe. De la réalité au texte : L'absurde chez Daniil Harms. In: Cahiers du monde russe et soviétique. Vol. 26
N°3-4. pp. 269-312.
doi : 10.3406/cmr.1985.2048
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/cmr_0008-0160_1985_num_26_3_2048Abstract
Jean-Philippe Jaccard, From the reality to the text. The absurd and Daniil Kharms.
The object of this article is to demonstrate on basis of works - mostly unpublished - the coherence
between the philosophical vision of the world of Daniil Kharms and his poetics. The label "absurd" is
applied in the first place to the fundamental duality ruling the relationship between man and a world
viewed as sum total of particles with no connection between them. A certain number of notions
comprised in the theoretical texts of Kharms will be studied within this framework: the law of equilibrium,
the principle of asymmetry, minor errors ("nebol 'shaia pogreshnost ' "), etc. We will then see that this
duality is expressed in the texts in prose of the author. First, on the thematic level: the creation of a
particular type of character: a "sucker" thrust into a hostile world. Also on the level of form: the general
tendency of text towards autodestruction (either by withdrawal into itself or by dispersal). It will be noted
that the resulting nonsense and the comical element it supposes, raises this prose to the rank of global
parody of the traditional processes of narration, whilst Kharms suggests an attempt at extra-ideological
reply to great metaphysical questions.
Résumé
Jean-Philippe Jaccard, De la réalité au texte. L'absurde chez Daniil Harms.
Le but de cet article est de montrer, sur la base d'écrits pour la plupart inédits, la cohérence qu'il y a
chez Daniil Harms entre sa vision philosophique du monde et sa poétique. Le mot - étiquette absurde
désigne, en premier lieu, la dualité fondamentale régissant les rapports entre l'homme et un monde qui
ne lui apparaît que comme une somme de parties non reliées les unes aux autres. Il sera étudié dans
ce cadre un certain nombre de notions que l'on trouve dans des textes théoriques de Harms : loi
d'équilibre, principe d'asymétrie, petite erreur ("nebol'šaja pogrešnosť"), etc. On verra ensuite que cette
dualité s'exprime dans les textes en prose de l'écrivain. A un niveau thématique, d'abord, par la création
d'un type de personnage particulier, le paumé naïf précipité dans un monde hostile. A un niveau formel
ensuite, par la tendance générale des textes à l'auto-destruction (par repliement sur soi ou par
éclatement). On constatera enfin que le nonsense qui en résulte, avec le comique que cela suppose,
élève cette prose au rang de parodie globale des procédés narratifs traditionnels, en même temps que
Harms propose une tentative de réponse extra-idéologique aux grandes questions métaphysiques.ARTICLES
JEAN-PHILIPPE JACCARD
DE LA RÉALITÉ AU TEXTE
L'ABSURDE CHEZ DANIIL HARMS
En introduisant dès le titre la notion d'absurde, mon but n'est pas d'ajouter
davantage de confusion à la compréhension de ce mot. Bien qu'étant conscient
du danger qu'il y a à l'utiliser, il m'a semblé être celui qui permettait le mieux
d'aborder l'œuvre de Harms de manière cohérente.
Lorsque je parle d'absurde, je pense en fait à une fracture entre les diverses
parties d'un monde qui est donc régi par des rapports d'opposition et qui, par ce
jeu de tensions, se trouve toujours en état d'équilibre précaire. Il découle de cet
état de fait que toute chose est menacée de destruction, de disparition, à commenc
er par l'individu lui-même. Et c'est précisément en raison de cette possibilité
qu'a toute chose qui est de ne plus être soudain que l'homme vit sa vie comme une
angoisse permanente, encerclé qu'il est par le « sentiment de l'absurdité », pour
reprendre l'expression de A. Camus.
L'opposition fondamentale est celle que l'on trouve à la base du rapport de
l'homme au monde. Une opposition que Harms lui-même a douloureusement
éprouvée dans sa vie. De sa biographie, il appert en effet qu'il a vécu au niveau
individuel le même type de tensions que l'on trouve dans ses textes. Il ne s'agit
pas uniquement d'une situation idéologique où s'affrontent poète et pouvoir,
mais également problématique strictement personnelle dans laquelle un
homme se trouve en opposition avec son environnement direct.
Cette dualité fondamentale homme/monde se retrouve dans les écrits de
Harms. Il y a, bien sûr, le transfert pur et simple de l'élément autobiographique
sur les personnages, mais encore, et surtout, l'expression métaphorique de ce
conflit à l'intérieur même de la structure narrative. C'est cela que je me propose
de montrer dans cet article.
Notons encore que toute cette problématique de l'absurde est liée de manière
décisive à celle de la connaissance. Le regard posé par le poète sur le monde lui
permet de comprendre celui-ci de manière plus aiguë, dans la mesure où la validité
de l'existence de toute chose est systématiquement remise en question. De plus, si
dans un premier temps l'absurde est un constat, dès lors qu'il devient la pierre
angulaire de la poétique de l'écrivain, il est également un moyen. En effet « non
sense », parodie, distorsions narratives, etc. sont autant de moyens chez Harms
d'interroger le réel et, par un autre chemin que celui de la raison, d'obtenir une
réponse au « pourquoi » lancinant qui surgit dès lors que l'on constate l'arbitraire
du lien qui existe entre les divers éléments du monde. L'œuvre de Harms présente
donc, comme on va le voir, une homogénéité et une cohérence qui n'apparaissent
Cahiers du Monde russe et soviétique, XXVI (3-4), juil.-déc. 1985, pp. 269-312. 270 JEAN-PHILIPPE JACCARD
pas au premier regard. Effectivement, dans tous les aspects de son œuvre (poésie,
théâtre, prose et même littérature pour enfants), on trouve le même regard posé
sur un monde qui semble n'avoir fonction que celle de souligner la non-
validité des rapports.
... Même regard, même rire jaune de celui qui a compris que « toute existence
définie est un scandale »...
UNE PENSÉE ABSURDE
Une dualité fondamentale
II y a un manuscrit de Harms qui, sous le titre « O vremeni, o prostranstve,
o suščestvovanii » (Du temps, de l'espace, de l'existence)1, résume assez bien la
perception que l'écrivain a du monde. Pour exister, celui-ci ne doit pas être « un »,
ou « unifié », mais en tout cas « deux », ou « différencié » : « s'il n'y a pas de parties,
il ne peut y avoir de » (voir Annexe I, p. 304, point 2). Toutes les parties du
monde sont différenciées car, si on en a deux, automatiquement l'une est « celle-ci »
et l'autre « celle-là » (« to i eto »), l'une se définissant par rapport à l'autre. Cette
notion d'existence par la division est fondamentale chez Harms, à tous les niveaux
de son œuvre. De cette idée découle l'autre, d'égale importance, que toute chose
n'existe que dans la mesure où l'on peut dire d'elle qu'elle n'existe pas (« ne to i ne
eto ») (point 6). C'est même précisément cette possibilité de négation qui relie
« ceci » à « cela ». Ce lien, Harms l'appelle Г « obstacle » (prepjatstvie) (points 7, 8
et 9). Et c'est ainsi, dans la division et la négation que l'on obtient la « trinité de
l'existence » (troica suščestvovanija) (point 11).
Dans la suite de son raisonnement, Harms parle du temps : le présent est
Г « obstacle » (prepjatstvie) entre le passé et le futur ; il n'est ni l'un ni l'autre.
Même chose pour l'espace : « ici » est l'obstacle entre « là » et « là ». L'obstacle n'est
qu'un point de délimitation (čerta razdela) entre deux parties qu'il fait exister (et
lui avec), pourrait-on dire, a contrario. Il est intéressant de noter que le poète est
lui-même obstacle, puisqu'il est ici et maintenant (présent). Il est donc le lieu de
t

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