Décor et marbre de Caunes dans la nef de Saint-Pierre de Rome - article ; n°2 ; vol.106, pg 699-716
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Mélanges de l'Ecole française de Rome. Italie et Méditerranée - Année 1994 - Volume 106 - Numéro 2 - Pages 699-716
Pascal Julien, Décor et marbre de Cannes dans la nef de Saint-Pierre de Rome, p. 699-716. Dans la nef de Saint-Pierre de Rome, le Bernin a employé de nombreux marbres précieux pour créer un décor majestueux. Parmi ceux-ci figure l'Incarnat, une variété importée de France, du petit village de Caunes- en-Minervois près de Carcassonne. Ce marbre rouge vif parcouru de taches blanches est partout présent dans la nef. Les archives de la Fabrique de Saint-Pierre ainsi que les écrits du cardinal Spada permettent de relater les circonstances de l'utilisation de cet Incarnat, de préciser l'emploi qu'en fit le Bernin et de mesurer l'importance qui lui fut assignée «bien qu'il vienne de France». Cette approche de problèmes de matériaux met en valeur d'intéressants procédés de mise en œuvre et rappelle toute l'importance de ce chan- (v. au verso) tier dans la carrière du Bernin, ainsi que dans sa définition d'une nouvelle notion de décor mural. Employé par la suite à Versailles, ce marbre de Caunes servit ainsi dans deux des plus considérables décors civils et religieux du XVIIe siècle.
18 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1994
Nombre de lectures 56
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Pascal Julien
Décor et marbre de Caunes dans la nef de Saint-Pierre de
Rome
In: Mélanges de l'Ecole française de Rome. Italie et Méditerranée T. 106, N°2. 1994. pp. 699-716.
Résumé
Pascal Julien, Décor et marbre de Cannes dans la nef de Saint-Pierre de Rome, p. 699-716.
Dans la nef de Saint-Pierre de Rome, le Bernin a employé de nombreux marbres précieux pour créer un décor majestueux.
Parmi ceux-ci figure l'Incarnat, une variété importée de France, du petit village de Caunes-en-Minervois près de Carcassonne.
Ce marbre rouge vif parcouru de taches blanches est partout présent dans la nef. Les archives de la Fabrique de Saint-Pierre
ainsi que les écrits du cardinal Spada permettent de relater les circonstances de l'utilisation de cet Incarnat, de préciser l'emploi
qu'en fit le Bernin et de mesurer l'importance qui lui fut assignée «bien qu'il vienne de France».
Cette approche de problèmes de matériaux met en valeur d'intéressants procédés de mise en œuvre et rappelle toute
l'importance de ce chan-
(v. au verso) tier dans la carrière du Bernin, ainsi que dans sa définition d'une nouvelle notion de décor mural. Employé par la
suite à Versailles, ce marbre de Caunes servit ainsi dans deux des plus considérables décors civils et religieux du XVIIe siècle.
Citer ce document / Cite this document :
Julien Pascal. Décor et marbre de Caunes dans la nef de Saint-Pierre de Rome. In: Mélanges de l'Ecole française de Rome.
Italie et Méditerranée T. 106, N°2. 1994. pp. 699-716.
doi : 10.3406/mefr.1994.4343
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/mefr_1123-9891_1994_num_106_2_4343PASCAL JULIEN
DÉCOR ET MARBRE DE CAUNES
DANS LA NEF DE SAINT-PIERRE DE ROME
Pour la grandeur de Saint-Pierre de Rome, le prodigieux sculpteur
Gian Lorenzo Bernini se fit architecte de génie. Servant la volonté de plu
sieurs papes successifs, allant au-delà de tous leurs défis artistiques, il
amplifia l'œuvre de ses prédécesseurs en célébrant la gloire divine par l'a
lliance inégalée de l'architecture, de la sculpture et de la couleur. Au cœur
de cette vision esthétique, poursuivie sa vie durant, le relief tint une place
prépondérante, sublimée par l'essence même des matériaux mis en œuvre.
Le marbre, pierre intensément plastique, vive et chatoyante, fut l'instr
ument de toutes ses tentatives, de toutes ses prouesses. Il joua en virtuose de
ses multiples apparences, s'aidant de cette palette aux teintes singulières
pour mettre en scène les formes et la lumière. En ce domaine, la nouvelle
nef de la basilique fut pour lui un champ d'expérience privilégié. Il tran
scenda la simple notion de décor mural héritée du XVIe siècle pour créer
un espace somptueusement animé, où le grandiose introduit au sacré
(fig. 1). Pour parvenir à ses fins, il mêla à ses spéculations formelles les
possibilités offertes par de nouveaux marbres mis à sa disposition. L'un de
ceux-ci, l'Incarnat de Caunes, mérite particulièrement l'attention, de par sa
provenance, les circonstances de son emploi et le rôle essentiel que le
Bernin lui assigna.
Dans «la plus belle église de la plus belle religion du monde», comme
la nommait Stendhal, la puissance et la démesure des volumes sont partout
exaltées par l'immuable éclat des marbres ordonnés de colonnes élancées
en pilastres monumentaux, de placages multicolores en incrustations
sophistiquées. Pour concevoir ces fastueux décors polychromes, animant la
pénombre ou resplendissant en pleine lumière, on s'était servi pour partie
de matériaux récupérés sur d'anciens monuments romains. Au XVIIe siècle,
les carrières italiennes fournirent également une très riche gamme de
coloris : Africano di Seravezza, Giallo di Sienna, Nero di Modena, Mischio
MEFRIM - 106 - 1994 - 2, p. 699-716. 700 PASCAL JULIEN
di Sicilia...1. Il est pourtant une couleur particulièrement rare, le rouge
intense, qui fut recherchée loin des lieux d'approvisionnement habituels.
C'est en effet en France, près du petit village de Caunes-en-Minervois,
non loin de Carcassonne, qu'en avait été mise à jour l'une des plus belles
variétés, l'Incarnat. Ce marbre à fond rouge vif, veiné de taches blanches
cristallines de formes irrégulières, fut connu à Rome sous l'appellation de
Mischio di Francia. Car bien avant d'acquérir ses lettres de noblesse dans
une utilisation intensive pour Versailles, Marly ou le Grand Trianon2, avant
même de s'imposer comme le matériau de choix des autels et retables du
Midi, son très beau pourpre mêlé de flammes blanches avait séduit les car
riers italiens qui l'importèrent dans la péninsule.
Utilisées ponctuellement à l'époque médiévale3, puis totalement délais
sées, les carrières de Caunes n'avaient été remises à jour qu'aux alentours
de 16134. Or leur redécouverte se joua en Italie5. Ce fut au cours d'un
voyage à Rome que l'abbé de Caunes, Jean d'Alibert, invita un sculpteur
génois nommé Stefano Sormano à venir vérifier certaine «apparence de
mines de marbre jaspé» décelée sur le terroir de son abbaye. Secondé par
«six mestres de son pays experts en semblables matières», il eut tôt fait de
reconnaître le bien-fondé des espérances du prélat et, après sondage de
divers sites, il en retira plusieurs pièces qu'il envoya dans sa patrie6. Durant
1 Les qualités de marbre employées dans la basilique Saint-Pierre sont extrême
ment diverses. Ne serait-ce que parmi les colonnes insérées dans le décor, soit plus
de deux cent pièces, on distingue pas moins de vingt-huit variétés différentes, d'ex
ploitation antique ou moderne. Descrizione della Sacrosanta Basilica Vaticana,
Rome, 1816, 13e éd., p. 161.
2 G. Bresc-Bautier et H. Du Mesnil, Le marbre du roi : l'approvisionnement en
marbre des bâtiments du roi, 1660-1715, dans Eighteenth Century Life, The Art and
Architecture of Versailles , 17, n. 2, 1993, p. 47-49.
3 Ces carrières avaient été préalablement utilisées, mais l'époque véritable de
leur découverte demeure incertaine. Elles furent cependant partiellement exploitées
au Moyen Âge, comme l'attestent des chapiteaux préromans remployés dans le clo
cher de l'église abbatiale de Caunes-en-Minervois, ainsi que plusieurs des colonnes
du cloître de l'abbaye cistercienne de Fontfroide.
4 La connaissance de l'exploitation des carrières de Caunes à l'époque moderne
a été totalement renouvelée par C. Nouviale, Les marbres de Caunes, aux origines de
leur exploitation, dans Archistra, Toulouse, 103, 1992, p. 55-60.
5 Les rapports étroits entre Caunes et l'Italie avaient été relevés par M. Durliat,
Dictionnaires des églises de France, t. II. C, Paris, 1966, p. XXVIII. L'implication d'ar
tistes italiens dans ce phénomène, surtout au XVIIIe siècle, a été précisée par B.
Tollon, L'abbaye de Caunes aux XVIIe et XVIIIe siècles, dans Congrès archéologique de
France, 131e session, 1973, Paris, p. 54-60.
6 Texte cité dans Bulletin de la Société d'études scientifiques de l'Aude, 31, 1927,
p. 54, n. 1. L'interprétaion exacte de ce texte et les implications de Sormano dans DÉCOR ET MARBRE DE CAUNES 701
de longues années, l'extraction ne fut qu'épisodique, sans doute en raison
des difficultés de transport qui grevaient fortement les prix de revient, les
carrières étant éloignées de tout cours d'eau navigable. Toutefois la valeur
de ce matériau finit par l'imposer et il devint rentable. Peu à peu, Sormano
fit en sorte d'en faciliter un commerce véritablement intensif. Tout d'abord
en organisant le charroi et l'expédition maritime, puis en obtenant, en
1630, la concession exclusive de l'extraction et, trois ans plus tard, le monop
ole de la diffusion. Amenés par charrette jusqu'à Narbonne, les blocs y
étaient embarqués à destination de Gênes, où le sculpteur en constituait
des stocks importants. Outre l'Incarnat, appelé aussi Rouge de Languedoc,
on extrayait alors à Caunes deux autres qualités : le Turquin, orangé veiné
de gris, et le Griotte, d'un très beau grenat d'aspect uni. Il est significatif,
dans la logique de ce négoce à cara

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