Deux arts du vraisemblable : I. La casuistique - article ; n°1 ; vol.11, pg 99-114
17 pages
Français

Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement

Je m'inscris

Deux arts du vraisemblable : I. La casuistique - article ; n°1 ; vol.11, pg 99-114

-

Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement

Je m'inscris
Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne
En savoir plus
17 pages
Français
Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne
En savoir plus

Description

Communications - Année 1968 - Volume 11 - Numéro 1 - Pages 99-114
16 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1968
Nombre de lectures 17
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Jules Gritti
Deux arts du vraisemblable : I. La casuistique
In: Communications, 11, 1968. pp. 99-114.
Citer ce document / Cite this document :
Gritti Jules. Deux arts du vraisemblable : I. La casuistique. In: Communications, 11, 1968. pp. 99-114.
doi : 10.3406/comm.1968.1160
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/comm_0588-8018_1968_num_11_1_1160Jules Gritti
Deux arts du vraisemblable :
I. La casuistique
La casuistique déclarée 1 restera l'une des sciences, ou des techniques, qui
auront, du Moyen Age au xixe siècle, expressément donné le vraisemblable comme
objet à toutes leurs analyses et leurs interprétations, leurs prescriptions. L'objet
casuistique se situe dans un champ limité d'un côté par la certitude du « bien »
à faire et de l'autre par l'inconscience (involontaire et invincible) du « mal » à
éviter. La science casuistique commence avec l'interrogation, le doute, l'opi
nion, et s'achève dans la probabilité. Titius l'opulent a volé Domitille, femme
pauvre ; doit-il restituer ? Pareille situation ne relève pas de la casuistique, car
elle n'implique pas le moindre doute. Par contre : Titius, famélique, vole la riche
Domitille ; sorti de misère, doit-il restituer ? la situation fait naître le doute et
suscite l'analyse casuistique jusqu'à découverte d'une solution vraisemblable.
I. LE META-LANGAGE CASUISTIQUE.
1. Moyen Age.
La casuistique en tant qu'étude des cas relevables de la confession sacramen-
taire ou de la discipline ecclésiastique, date du xme siècle. Le IVe Concile du
Latran (1215) avait rendu obligatoire la confession régulière ; d'où le besoin pour
les confesseurs d'une information spéciale, sous forme de « solutions » aux multi
ples questions effectives ou possibles. Les Summae confessorum voient le jour;
la première en date est le Paenitentiale (1207-1215) de Robert de Flamesbury 2;
la plus importante et la plus célèbre, au Moyen Age, est la Summa confessorum du
prêcheur Jean de Fribourg.
En cette première phase médiévale, comment est constitué l'objet casuistique ?
Un postulat domine toutes les réflexions théologiques portant sur l'action morale :
celui de la conformité. L'action morale doit obéir à une double (et unique) règle
ontologique : la « vérité », c'est-à-dire le système cohérent qui va de la loi éter
nelle jusqu'aux lois positives, et la « finalité » qui est cette même vérité en tant
1. Une analyse des casuistiques non déclarées, ingénues (s'il en est) ou honteuses,
ne manquerait pas d'intérêt. Par ailleurs, sur des objets déclarés, la jurisprudence
offrirait un vaste domaine à l'étude du vraisemblable.
2. Chanoine de Saint- Victor, confesseur des étudiants de l'Université de Paris.
99 Jules Gritti
qu'elle meut réellement la nature de l'homme. Ce que les modernes appellent
« conscience » se nomme alors syndérèse c'est-à-dire capacité, fondée en nature,
de discerner le bien et le mal, mais cette « syndérèse » n'est qu'interprète, elle ne
détient pas de pouvoir normatif. La morale des théologiens médiévaux peut
être dite «objectiviste ».
L'objet casuistique constitué, découpé par les Summae confessorum commence
avec les difficultés d'interprétation, c'est-à-dire avec Y ignorance, le doute, Yopi'
nion. La vise la réintégration dans l'ordre, dans la vérité. Mais par là
même, le vraisemblable casuistique se situe en deçà des vérités de foi et des cer
titudes démonstratives. En regard de la loi morale dont les énoncés ne souffrent
aucune contestation, et d'une finalité de la nature humaine, non moins indiscu
table, le casuistique recouvre Y humainement praticable et se confond
avec lui. Qu'en est-il alors des « cas » d'ignorance, de doute, d'opinion?
« Le Moyen Age a poussé l'analyse de Yignorance jusqu'à l'extrême : ignorance
du fait ou du droit (à quoi sont assimilées les ignorances particulière et univers
elle d'Aristote) ; ignorance du droit positif et du droit naturel ; ignorance in
vincible et vincible, celle-ci à son tour divisée notamment en négli
gente ou en ignorance affectée ; ignorance antécédente [cause du péché] et conco
mitante (...) Selon les diverses sortes d'ignorance ainsi considérées, on évalue
l'excuse dont bénéficie ou non l'action d'une conscience en désaccord avec la
loi. Elle correspond exactement à l'atteinte portée par l'ignorance au volontaire 1.
L'analyse, souvent raffinée, de l'ignorance, s'inscrit dans le « système » : mal
excusable/mal inexcusable, avec les divers degrés de part et d'autre ; l'idée
qu'une conscience « fausse » mais « sincère » puisse avoir valeur normative, ne
vient pas à l'esprit des moralistes médiévaux. Le vraisemblable moral inclut
donc une zone-limite : Y excusable.
Le doute entre plusieurs partis à choisir, alimente abondamment l'objet casuis
tique, mais ici le système diffère du précédent. Le sujet est dans l'obligation
d'agir au plus sûr 2 et par là d'exclure les partis moins sûrs. D'où l'obligation,
en cas de doute, d'une recherche pour la sécurité de la règle d'action : pas néces
sairement la sécurité de « conscience », entendue au sens subjectif (et moderne)
mais la sécurité de la pratique la plus conforme à la loi ; de la sorte cette pratique
plus sûre pare aux vicissitudes d'une raison flottante ; elle garantit la moralité
de l'action. Mais le recours au plus sûr n'intervient que lorsque le doute reste
le dernier mot de la raison. Auparavant tout doit être mis en œuvre pour que soit
levé le doute : prière, consultation des supérieurs et des sages, réflexion, débat
(disputatio), correctif de la formule par l'esprit de la loi (épikeia) ; si bien qu'à
la faveur de ces deux derniers instruments, deviennent possibles, une souplesse,
une mobilité de jeu qui contrebalancent la rigueur du postulat, du recours au
plus sûr. Le vraisemblable moral recouvre tout le côté et toute la marge par où
1. Th. Deman, article « Probabilisme », dans Dictionnaire de Théologie catholique, Le-
touzey, 1935. La première partie de notre étude doit beaucoup à cet article sérieus
ement documenté.
2. Le recours au plus sûr ne doit pas être confondu avec le rigorisme ou tutiorisme des
moralistes « modernes ». Pour les auteurs médiévaux, il s'agit d'une plus grande sécurité
dans la pratique (objective) ; pour les modernes, d'un choix en faveur de l'opinion la
plus rigoureuse.
100 La casuistique
la loi est régulièrement interprétable ; régulièrement, c'est-à-dire en vertu des
règles reconnues (codifiées) d'interprétation.
Les moralistes du Moyen Age avaient hérité des Anciens, d'Aristote notamment
{Ethiques), les notions d'opinion et de probabilité entendues au sens de certitudes
plus modestes, moins rigoureuses que celles obtenues par voie démonstrative.
Mais ils ont cru pouvoir édifier une science morale par cette même voie démonstrat
ive. L'opinion et la probabilité ne se situent pas au niveau des principes moraux
mais au plan de la réalisation, du contingent. A ce dernier niveau la probabilité
devient règle de conduite. Tandis que le doute ne pouvait être levé que dans la
« sécurité », la probabilité suffit pour régir l'action morale. Elle suffit parce que
dans les matières contingentes, elle assure le fonctionnement normal de la raison
et la garantie suffisante de la vérité. Sur un objet donné il n'y a qu'une seule
probabilité : réflexion, consultation, disputatio doivent faire saillir cette unique
probabilité. Il peut y avoir sur le « forum » plusieurs opinions réputées probables,
mais ce qui compte c'est de parvenir à la probabilité objective et unique, fût-
elle, sur ce forum, considérée comme moins probable. Si, au terme de cette inves
tigation, plusieurs probabilités se maintiennent, à statut égal, c'est que nous
avons affaire non à un seul mais à plusieurs objets c'est-à-dire à plusieurs règles
d'action ; autant de (objectives) qu

  • Univers Univers
  • Ebooks Ebooks
  • Livres audio Livres audio
  • Presse Presse
  • Podcasts Podcasts
  • BD BD
  • Documents Documents