Dictionnaire et discours didactique  - article ; n°19 ; vol.5, pg 35-47
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Description

Langages - Année 1970 - Volume 5 - Numéro 19 - Pages 35-47
13 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1970
Nombre de lectures 39
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

M. Jean Dubois
Dictionnaire et discours didactique
In: Langages, 5e année, n°19, 1970. pp. 35-47.
Citer ce document / Cite this document :
Dubois Jean. Dictionnaire et discours didactique . In: Langages, 5e année, n°19, 1970. pp. 35-47.
doi : 10.3406/lgge.1970.2590
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/lgge_0458-726X_1970_num_5_19_2590DUBOIS JEAN
Paris-Nanterre
DICTIONNAIRE ET DISCOURS DIDACTIQUE
1. Dictionnaire et typologie des. discours.
1.1. Le dictionnaire n'est pas seulement un objet, un produit de
consommation, défini par des besoins socio-culturels, c'est aussi et surtout
un texte, un discours continu et clos, tenu par le lexicographe sur un objet
qu'il dit être la langue (ou une partie déterminée de la langue) ou sur cet
autre objet qui est le savoir sur le monde (ou une partie de ce savoir) :
Dictionnaire de langue ou Dictionnaire encyclopédique dépendent de règles
communes qui commandent la tenue de Vénoncé lexico graphique.
1.2. Ce dernier relève du discours pédagogique. Comme lui, il est plus
précisément un énoncé sur un autre énoncé déjà réalisé. Le savoir sur le
monde que le dictionnaire communique est lui-même un discours tenu
sur un corpus fait de formulations scientifiques ou culturelles. La langue
dont parle un n'est pas directement cette langue que les locu
teurs utilisent dans les communications sociales, c'est déjà une langue
analysée, un texte découpé et ajusté aux dimensions que le modèle d'ana
lyse aristotélicien a imposées au discours pédagogique. Au sens plein du
terme un dictionnaire ne peut être qu'un ouvrage de seconde main.
Du discours pédagogique le dictionnaire tient encore son embrayeur
fondamental, qui est un performatif; le enseigne, ce qui signifie
qu'il indique dans des instructions sans ambiguïté les questions qui peuvent
être formulées et les réponses qu'en obtiendra le questionneur : « Faites
telle question, vous aurez telle réponse. ». A ce performatif répond la
phrase de base : Le dictionnaire dit que P, P étant l'ensemble des propos
itions contenues dans le texte lexicographique. Remarquons en effet que
tout ouvrage pédagogique suppose un système de questions, excluant toute
autre interrogation que celles à laquelle le texte répond : les lecteurs sont
ainsi définis par les réponses qu'ils peuvent obtenir.
Dans le discours pédagogique, l'objectif est de combler l'écart qui
existe entre le savoir du lecteur défini par un ensemble de questions sur la
langue ou sur le monde et le savoir du lexicographe défini par l'ensemble
des réponses qu'elles impliquent (et vice versa). Le texte implicite doit
donc être commun aux lecteurs et aux lexicographes; le dictionnaire ne 36
remplit son usage que lorsqu'il comble cet écart entre les deux savoirs
définis par les mêmes règles.
En tenant pour acquises ces définitions, on ne dépasse pas les inten
tions avouées dans les préfaces des dictionnaires de Littré, de Bescherelle,
de P. Larousse, non plus que les définitions que les lexicographes ont don
nées de leur produit dans leurs propres dictionnaires : « Recueil de mots
d'une langue, rangés par ordre alphabétique ou suivant un classement
permettant de les retrouver facilement » (Diet. Robert).
1.3. Certes ce n'est pas dire que les dictionnaires ne puissent servir
de support formel à d'autres types de discours et, en particulier, à l'énoncé
polémique, comme en témoignent le Dictionnaire philosophique de Voltaire
ou le Grand Dictionnaire encyclopédique de Pierre Larousse. Ceux-ci sou
tiennent une idéologie politique, religieuse ou sociale contre d'autres; en
ce sens ils définissent leurs thèses ou leurs positions en fonction de celles
d'adversaires le plus souvent implicitement désignés. Toutefois, le choix
du dictionnaire comme support de l'énoncé polémique n'est pas simple
ment circonstanciel : Voltaire ou P. Larousse s'attaquent à un régime
politique et social « établi »; ils définissent donc leurs thèses comme une
antinorme et ils 1' « enseignent ». Il faut, pour que l'énoncé polémique
puisse s'investir dans un dictionnaire, que la thèse combattue se confonde
avec la loi, avec les règles sociales; il faut qu'aux questions dont le système
est défini par l'état social et politique et par les thèses « au pouvoir », les
réponses données relèvent d'une idéologie contraire.
1.4. Remarquons qu'on ne peut pas identifier le discours pédago
gique aux textes scolaires. Chaque forme littéraire peut servir de cadre
formel à un discours qui définit une certaine attitude du sujet envers
l'objet communiqué : il existe cependant des formes littéraires particuli
èrement aptes à s'approprier le discours pédagogique, comme le genre
moral, celui des maximes ou des sermons. Aussi n'est-il pas paradoxal de
trouver dans les dictionnaires les « mots célèbres » et les proverbes, expres
sion de la « sagesse » populaire, et aussi des « conseils » empruntés à la
morale commune intégrés aux « exemples » : la fréquence des formulations
avec il faut, on doit, avec le présent à valeur générale, etc. révèle un corpus
commun au discours moral et à l'énoncé lexicographique.
2. La clôture du texte.
2.1. Le discours didactique et, par conséquent, le discours péda
gogique qui en est une des dérivations, implique la recherche de la clôture
du texte. Pour que l'on puisse tenir un discours pédagogique, l'énoncé sur
lequel on le tient doit être clos. Ainsi la grammaire est un énoncé pédago
gique lorsqu'on la définit comme capable d'engendrer toutes les phrases
d'une langue et rien que celles-ci : le concept de grammaticalité donne à
la théorie grammaticale sa forme pédagogique. Pour que ce discours
devienne scientifique, il faudrait réintroduire dans la grammaire les pro
blèmes des semi-phrases (phrases plus ou moins agrammaticales) et ceux des
ambiguïtés; mais ces deux concepts sont radicalement exclus de la gram
maire « enseignée ». De même tout dictionnaire comme énoncé pédagogique 37
définit la langue comme un objet clos, qui contient tous les éléments
(mots) d'une et rien que ceux-ci : les termes qui ne sont pas conte
nus dans un dictionnaire ne sont pas « grammaticaux »; ils ne sont pas
« français ». Et c'est justement le type de question que l'on suppose chez le
lecteur qui cherche dans un dictionnaire la réponse à l'interrogation :
« Ce mot est-il français? peut-on l'utiliser? quel sens a-t-il? » La clôture
se trouve donc dans le système des questions sur la langue et des réponses
fournies : en ce sens la langue décrite ne peut être identifiée avec la langue
utilisée, car dans cette dernière les énoncés ouverts rejettent la clôture.
On voit donc que toute théorie lexicale fondée sur le dictionnaire est par
essence non scientifique, puisqu'elle comporte justement un ensemble
d'axiomes (classification dichotomique, désambiguïsation, non-chevauche
ment et stabilité des différences, etc.) qui fondent le discours pédagogique
et sont irréductibles au discours scientifique.
v 2.2. La clôture fondamentale du dictionnaire est obtenue par une
» règle formelle : l'ordre alphabétique enferme la « langue » dans une totalité
qui va de A à Z. Chaque mot est nécessairement et sans ambiguïté défini
par les règles alphabétiques : les classes de mots sont déterminées par un
ordre dans la séquence des lettres, aucun mot ne pouvant être exclu de
ce classement et chaque terme y trouvant sa place. L'homonymie (ou
l'homographie) est un concept directement issu de ces modes de class
ement et n'appartient pas à la description scientifique des langues : dans
un dictionnaire le mot n'est distinct des autres que par la distribution des
lettres; ainsi ce n'est qu'à l'intérieur du mot que seront définies, sous les
rubriques de « sens différents », les acceptions des homonymes qui, dans
une analyse linguistique, seraient en fait des synonymes (concept séman
tique issu d'une analyse distributionnelle). Ce n'est que lorsque deux cla
ssements se superposeront que le problème des homonymies sera résolu

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