État « prolétarien » et science « bourgeoise » - article ; n°4 ; vol.32, pg 469-499
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Description

Cahiers du monde russe et soviétique - Année 1991 - Volume 32 - Numéro 4 - Pages 469-499
Ettore Cinnella, Proletarian state and bourgeois science : the spetsy during the first years of Soviet rule.
Considering the debates on military specialists, one can see that the main reason of the confrontations between the leaders who were favourable to creating a regular army and the members of the so-called military opposition lay in the uncertain attitude of the peasantry towards Soviet power. In order to overcome the resistance of rural masses, some Bolsheviks were proposing the way of persuasion and army democratization, while others were insisting on the necessity to resort to measures of constraint.
As to the living and working conditions of bourgeois technical and scientific personnel, the spontaneous hate of the plebeian masses for spetsy was nourished by Bolshevik leaders' contradictory and ambiguous attitudes.
The third part of the article is devoted to the problem of bureaucracy. The confidence which Lenin and the overwhelming majority of the party entertained lor the administrative capabilities of the toiling masses was in contradiction with the reality and was leading to the conviction that the cause of the bureaucratic phenomenon lay in the presence of former tsarist officials inside the government apparatus of the new regime.
Ettore Cinnella, l'État prolétarien et science bourgeoise : les specy pendant les premières années du pouvoir soviétique.
En analysant les débats sur les « spécialistes militaires », on voit que la raison principale des affrontements entre les dirigeants favorables à la création d'une armée régulière et les tenants de l' « opposition militaire » réside dans l'attitude incertaine de la paysannerie envers le pouvoir soviétique. Pour vaincre la résistance des masses rurales, certains bolcheviks proposaient la voie de la persuasion et de la démocratisation de l'armée, tandis que les autres insistaient sur la nécessité des éléments de contrainte.
En ce qui concerne les conditions de vie et de travail des techniciens et scientifiques « bourgeois », c'est l'attitude ambiguë et contradictoire des dirigeants bolcheviks qui alimentait la haine spontanée des masses plébéiennes contre ces specy. La troisième partie de l'article est consacrée au problème de la bureaucratie. La confiance de Lenin et de l'écrasante majorité du parti dans les capacités administratives des masses laborieuses était en contradiction avec la réalité et engendrait la conviction que la cause du phénomène bureaucratique réside dans la présence des anciens fonctionnaires tsaristes au sein de l'appareil gouvernemental du nouveau régime.
31 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1991
Nombre de lectures 9
Langue Français
Poids de l'ouvrage 2 Mo

Extrait

Ettore Cinnella
État « prolétarien » et science « bourgeoise »
In: Cahiers du monde russe et soviétique. Vol. 32 N°4. Octobre-Décembre 1991. pp. 469-499.
Citer ce document / Cite this document :
Cinnella Ettore. État « prolétarien » et science « bourgeoise ». In: Cahiers du monde russe et soviétique. Vol. 32 N°4. Octobre-
Décembre 1991. pp. 469-499.
doi : 10.3406/cmr.1991.2295
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/cmr_0008-0160_1991_num_32_4_2295Abstract
Ettore Cinnella, Proletarian state and bourgeois science : the spetsy during the first years of Soviet rule.
Considering the debates on "military specialists", one can see that the main reason of the confrontations
between the leaders who were favourable to creating a regular army and the members of the so-called
"military opposition" lay in the uncertain attitude of the peasantry towards Soviet power. In order to
overcome the resistance of rural masses, some Bolsheviks were proposing the way of persuasion and
army democratization, while others were insisting on the necessity to resort to measures of constraint.
As to the living and working conditions of "bourgeois" technical and scientific personnel, the
spontaneous hate of the plebeian masses for spetsy was nourished by Bolshevik leaders' contradictory
and ambiguous attitudes.
The third part of the article is devoted to the problem of bureaucracy. The confidence which Lenin and
the overwhelming majority of the party entertained lor the administrative capabilities of the toiling
masses was in contradiction with the reality and was leading to the conviction that the cause of the
bureaucratic phenomenon lay in the presence of former tsarist officials inside the government apparatus
of the new regime.
Résumé
Ettore Cinnella, l'État prolétarien et science bourgeoise : les specy pendant les premières années du
pouvoir soviétique.
En analysant les débats sur les « spécialistes militaires », on voit que la raison principale des
affrontements entre les dirigeants favorables à la création d'une armée régulière et les tenants de l' «
opposition militaire » réside dans l'attitude incertaine de la paysannerie envers le pouvoir soviétique.
Pour vaincre la résistance des masses rurales, certains bolcheviks proposaient la voie de la persuasion
et de la démocratisation de l'armée, tandis que les autres insistaient sur la nécessité des éléments de
contrainte.
En ce qui concerne les conditions de vie et de travail des techniciens et scientifiques « bourgeois »,
c'est l'attitude ambiguë et contradictoire des dirigeants bolcheviks qui alimentait la haine spontanée des
masses plébéiennes contre ces specy. La troisième partie de l'article est consacrée au problème de la
bureaucratie. La confiance de Lenin et de l'écrasante majorité du parti dans les capacités
administratives des masses laborieuses était en contradiction avec la réalité et engendrait la conviction
que la cause du phénomène bureaucratique réside dans la présence des anciens fonctionnaires
tsaristes au sein de l'appareil gouvernemental du nouveau régime.ETTORE CINNELLA
ÉTAT « PROLÉTARIEN » ET SCIENCE « BOURGEOISE » :
Les specy pendant les premières années du pouvoir soviétique
Introduction
Dans un article récent. Sheila Fitzpatrick a posé un problème historique qui vaut
la peine d'être discuté1. Elle y affirme que les débats politiques à l'intérieur du parti
bolchevik pendant les années de la guerre civile relevaient, en dernière analyse, d'un
contenu de classe ; autrement dit, il s'agissait plutôt de conflits sociaux que de contro
verses sur la stratégie politique du parti ou sur le niveau de démocratie acceptable
dans les conditions d'une guerre civile féroce. S. Fitzpatrick a évoqué, en outre, le
problème non moins significatif, de la grave crise d'identité des bolcheviks à la fin
de la guerre civile, lorsque le parti au pouvoir se sentit isolé des masses ouvrières qui
l'avaient soutenu en octobre 1 9 1 7 et qui représentaient la base sociale du régime. L'af
faiblissement du prolétariat urbain, dont la partie la plus combative avait été décimée
par la guerre civile ou absorbée par l'appareil gouvernemental, hantait les dirigeants
bolcheviks. De plus, ces derniers étaient effarés par le phénomène de désagrégation,
voire de disparition de la classe ouvrière qui cherchait refuge dans les campagnes à
la suite de la crise du ravitaillement. Le nouveau régime n'ayant plus de bases sociales
solides, le parti bolchevik s'interrogeait sur les causes d'un tel phénomène et les
remèdes qu'il fallait y apporter.
Comme l'a déjà remarqué Daniel Orlovsky à propos de l'article de S. Fitzpatrick2,
c'est Isaac Deutscher qui avait posé, il y a trente ans, le problème de la désagrégation
du prolétariat industriel et de l'isolement dramatique du régime bolchevik vers la fin
de la guerre civile'. Bien qu'il y ait des différences importantes entre l'interprétation
de Deutscher (qui était convaincu du soutien apporté aux bolcheviks par les masses
prolétariennes jusqu'en 1920-1921) et celle de Fitzpatrick (qui semble nourrir des
doutes sur la validité de l'analyse socio-économique des marxistes russes), les deux
historiens n'en tombent pas moins d'accord sur la crise d'identité sociale dont le pou
voir a souffert au début des années 20. Sans doute s'agit-il là d'un problème histo
rique réel qu'il ne faudrait pas feindre d'ignorer4.
Le mérite de Sheila Fitzpatrick réside dans la démarche originale avec laquelle
elle aborde cette question. Après avoir établi que les luttes politiques à l'intérieur du
parti bolchevik revêtaient un caractère social, elle précise que : « the use of bourgeois
specialists was the first class issue that surfaced in the factional struggles ».
Cahiers du Monde russe et soviétique. XXXII {4), octobre-décembre 1991 , pp. 469-500. ETTORECINNELLA 470
« Bolchevik intellectuals generally thought it was both necessary and possible to work with
the specialists. Working-class Bolsheviks, on the other hand, tended to be very suspicious
of the specialists, stressing their past membership in the privileged classes and doubting
their loyalty to the soviet regime. » | De plus.] « working-class Bolsheviks sometimes hint
ed that the party's policy on specialists reflected a class bias or inconscious sense of class
'bourgeois' on the part of the intellectuals in the party leadsolidarity with the
ership. » 5
Selon Fitzpatrick, après l'expropriation des classes privilégiées de l'ancien régime,
l'hostilité du prolétariat urbain se concentra sur les spécialistes (specy), utilisés par le
pouvoir soviétique, et elle n'épargna même pas les dirigeants du parti, soupçonnés de
favoriser les specy en tant que membres de la même couche sociale qu'eux (l'intell
igentsia bourgeoise et petite-bourgeoise). Exception faite de la controverse sur la paix
de Brest- Litovsk, tous les conflits politiques de ces années-là (de l'« opposition mili
taire » de 1918- 19 19 à l'« opposition ouvrière » de 1920-1921) auraient donc un carac
tère social bien marqué, à savoir la révolte de la base ouvrière contre les specy et l'i
ntelligentsia en général. Comme le dénonça R.B. Rafail à la tribune du Xe Congrès du
parti :
« L" opposition ouvrière' bouffe de l'intellectuel (intelligentoedstvo). en ce sens qu'elle voit
tout le mal dans nos organismes dirigeants et dans le fait que les intellectuels sont partout.
Le camarade Jaroslavskij [qui venait de parler un peu plus tôt| a eu absolument raison lors
qu'il a dit que, comme les ouvriers arriérés et les masses paysannes qui pensaient jadis que
tout dépendait de l'omniprésence des juifs, de même cette hostilité envers les intellectuels
(antiintelligentstvo) est l'erreur principale de l'attitude adoptée par 1" opposition ouvrière'. »6
Je voudrais vérifier l'hypothèse de travail de S. Fitzpatrick (la controverse sur les
specy cachait une véritable lutte de classe entre les bolcheviks et les intellectuels qui
dirigeaient le parti), en examinant trois aspects de la question : l'utilisation des anciens
officiers tsaristes dans l'Armée rouge, l'attitude du pouvoir soviétique envers les
savants et les techniciens 

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