Ethnicité et politique dans la guerre civile : À propos du basmačestvo au Fergana - article ; n°1 ; vol.38, pg 195-222
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Cahiers du monde russe : Russie, Empire russe, Union soviétique, États indépendants - Année 1997 - Volume 38 - Numéro 1 - Pages 195-222
Marco Buttino, Ethnicity and politics during the Civil War : the case of the basmachestvo in Fergana. In Central Asia (in Turkestan) the Soviet government was, at first, not only a political but also an ethnic dictatorship. The Russian minority who seized power met an armed opposition of Muslims: the basmachestvo. The conflict between Russian émigrés and the local population was due to the crisis of the old regime's iastitutional order, or in other words the crisis of the colonial order was the starting point of the conflict and not the contrary. To that was added the creation of new powers based on ethnicity and territoriality. This article means to look over thoroughly the case of a region in Turkestan: the Fergana where the Russian political elite builds up and uses ethnic oppositioas. Thus the Red Army enroled Russians, Armenians and Aastrian war prisoners who, for one reason or another, accepted to fight the Maslims. Later on, the ruling Rassiaas used Maslim soldiers from other regions to fight the basmachi. But the allies were not always so obvious. At some point an armed organization of Russian settlers took side with the basmachi, so did the Maslim communists who, succumbing to national solidarity, signed secret agreements with the basmachi. This micro-analysis of different situations is a way to examine on a more general scale the reasons and means of ethnic conflicts.
Marco Buttino, Ethnicité et politique dans la guerre civile : à propos du basmačestvo au Fergana. En Asie Centrale (au Turkestan) le pouvoir soviétique fut, à ses débuts, une dictature non seulement politique mais ethnique. La minorité russe qui s'empara du pouvoir se heurta à une opposition armée musulmane : le basmačestvo. Le conflit entre les Russes immigrés et les populations locales était dû à la désorganisation des iastitutions de l'ancien régime, c'est-à- dire que c'est la crise de l'ordre colonial qui provoqua le conflit ethnique et non le contraire. À cela s'ajoutait la constitution de nouveaux pouvoirs fondés sur l'appartenance ethnique et territoriale. Cet article examine plus particulièrement le cas d'une région du Turkestan, le Fergana, où l'élite politique russe créa et utilisa les conflits ethniques. Ainsi l'armée rouge se servit des Russes, des Arméniens et des prisonniers de guerre autrichiens qui, pour différentes raisons, étaient prêts à combattre les musulmans. Par la suite le pouvoir russe enrôla des soldats musulmans, originaires d'autres régions, pour lutter contre les basmači. D'autres alliances virent le jour, comme cette organisation armée de colons russes qui rallia les basmači ou cette solidarité nationale qui réunit par des accords secrets basmači et communistes musulmans. Cette micro-analyse de la situation permet de traiter de manière plus générale des raisons et des modalités des conflits ethniques.
28 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié par
Publié le 01 janvier 1997
Nombre de lectures 16
Langue Français
Poids de l'ouvrage 2 Mo

Extrait

Marco Buttino
Ethnicité et politique dans la guerre civile : À propos du
basmačestvo au Fergana
In: Cahiers du monde russe : Russie, Empire russe, Union soviétique, États indépendants. Vol. 38 N°1-2. pp. 195-
222.
Citer ce document / Cite this document :
Buttino Marco. Ethnicité et politique dans la guerre civile : À propos du basmačestvo au Fergana. In: Cahiers du monde russe :
Russie, Empire russe, Union soviétique, États indépendants. Vol. 38 N°1-2. pp. 195-222.
doi : 10.3406/cmr.1997.2488
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/cmr_1252-6576_1997_num_38_1_2488Abstract
Marco Buttino, Ethnicity and politics during the Civil War : the case of the basmachestvo in Fergana. In
Central Asia (in Turkestan) the Soviet government was, at first, not only a political but also an ethnic
dictatorship. The Russian minority who seized power met an armed opposition of Muslims: the
basmachestvo. The conflict between Russian émigrés and the local population was due to the crisis of
the old regime's iastitutional order, or in other words the crisis of the colonial order was the starting point
of the conflict and not the contrary. To that was added the creation of new powers based on ethnicity
and territoriality. This article means to look over thoroughly the case of a region in Turkestan: the
Fergana where the Russian political elite builds up and uses ethnic oppositioas. Thus the Red Army
enroled Russians, Armenians and Aastrian war prisoners who, for one reason or another, accepted to
fight the Maslims. Later on, the ruling Rassiaas used Maslim soldiers from other regions to fight the
basmachi. But the allies were not always so obvious. At some point an armed organization of Russian
settlers took side with the basmachi, so did the Maslim communists who, succumbing to national
solidarity, signed secret agreements with the basmachi. This micro-analysis of different situations is a
way to examine on a more general scale the reasons and means of ethnic conflicts.
Résumé
Marco Buttino, Ethnicité et politique dans la guerre civile : à propos du basmačestvo au Fergana. En
Asie Centrale (au Turkestan) le pouvoir soviétique fut, à ses débuts, une dictature non seulement
politique mais ethnique. La minorité russe qui s'empara du pouvoir se heurta à une opposition armée
musulmane : le basmačestvo. Le conflit entre les Russes immigrés et les populations locales était dû à
la désorganisation des iastitutions de l'ancien régime, c'est-à- dire que c'est la crise de l'ordre colonial
qui provoqua le conflit ethnique et non le contraire. À cela s'ajoutait la constitution de nouveaux
pouvoirs fondés sur l'appartenance ethnique et territoriale. Cet article examine plus particulièrement le
cas d'une région du Turkestan, le Fergana, où l'élite politique russe créa et utilisa les conflits ethniques.
Ainsi l'armée rouge se servit des Russes, des Arméniens et des prisonniers de guerre autrichiens qui,
pour différentes raisons, étaient prêts à combattre les musulmans. Par la suite le pouvoir russe enrôla
des soldats musulmans, originaires d'autres régions, pour lutter contre les basmači. D'autres alliances
virent le jour, comme cette organisation armée de colons russes qui rallia les basmači ou cette solidarité
nationale qui réunit par des accords secrets basmači et communistes musulmans. Cette micro-analyse
de la situation permet de traiter de manière plus générale des raisons et des modalités des conflits
ethniques.MARCO BUTTINO
ETHNICITÉ ET POLITIQUE DANS LA GUERRE CIVILE
À PROPOS DU BASMAČESTVO AU FERGANA
/. Le terrain d'enquête
Nous examinerons l'importance de l'aspect ethnique et territorial dans les
conflits qui se développèrent au cours de la guerre civile. Mon terrain d'enquête est
une région aux marges de la Russie, au sud du Turkestan, aux confins de l'Afgha
nistan et de la Chine. Il s'agit du Fergana, une vallée perdue entourée de hautes mont
agnes, mais très importante par sa position stratégique au cœur de l'Asie Centrale
et par le fait qu'elle était le principal fournisseur du coton utilisé dans l'industrie tex
tile de la Russie d'Europe.
Cependant qu'en Russie sévissait la guerre civile, au Fergana des bandes armées
s'opposèrent au pouvoir soviétique et réussirent à en limiter la portée aux seuls quart
iers européens des villes. Les révolutionnaires russes appelaient leurs adversaires
les basmači, terme désignant dans la langue locale des « bandits ». Quant à ces der
niers, ils se définissaient comme des combattants, des djigits, commandés par
d'influents kurbaši, c'étaient des gens du lieu, des musulmans, et ils s'opposaient au
nouveau colonialisme agressif des révolutionnaires russes1. D'ailleurs, au Fergana,
le banditisme était pratique courante depuis que la région avait été intégrée dans
l'Empire et que l'économie de marché avait fait irruption brutalement dans la vie des
paysans musulmans ; et on avait gardé aussi le souvenir des révoltes fameuses (celles
de 1878, de 1882, de 1885, de 1893, de 1898) et celui, plus récent, du soulèvement
de 1916.
Après le mois d'octobre, les basmači (nous employons à contre-cœur ce terme
qui fait désormais partie du langage commun) devinrent plus nombreux et leurs
kurbaši plus influents dans un contexte où la pauvreté, pour beaucoup, signifiait la
faim. En effet, la production de coton s'était effondrée et parmi les ouvriers agricoles
il y avait de nombreux chômeurs2. En 1919, quand on essaya pour la première fois
de faire le compte de ceux qui n'étaient pas en mesure de subvenir à leurs propres
besoins, on s'aperçut qu'au Fergana ils étaient 283 000, à savoir 13 % de la populat
ion locale3. Un monde paysan musulman se trouvait ruiné par la crise du coton et,
parmi les milliers d'exclus dans la détresse, beaucoup, momentanément ou de façon
plus méthodique, se livraient au basmačestvo.
Cahiers du Monde russe, 38(1-2). janvier- juin 1997, pp. 195-222. 196 MARCO BUTTINO
Les bandes avaient grossi leurs rangs et elles bénéficiaient du soutien populaire
depuis que les Gardes rouges avaient attaqué et tué des milliers de personnes dans la
ville de Kokand, siège du gouvernement musulman, parallèle au gouvernement
soviétique. On était en février 1918 et, ce même mois, le gouvernement révolution
naire russe décréta que tout le coton appartenait à l'État et qu'il devait être réquisi
tionné. Les Soviétiques s'étaient imposés par la violence et leurs nationalisations
assorties de menaces (fusiller séance tenante quiconque n'aurait pas livré le coton,
tels étaient les termes du décret) étaient des représailles contre ceux qui avaient sou
tenu le gouvernement musulman4. Dans ces conditions il ne fallait pas s'étonner si
les soviets, créés dans les quartiers européens des villes, ne réussissaient pas à trou
ver des partisans les kišlaki (villages indigènes). Par conséquent ils étaient obli
gés de s'adresser aux anciens des villages et aux responsables de l'administration du
régime précédent. Mais, quand ils recevaient des ordres ou des demandes de la part
des autorités soviétiques, ces derniers consultaient les chefs des basmači locaux
avant de les satisfaire5.
En réalité, au début, le gouvernement soviétique avait essayé de faire participer
les paysans musulmans et de les contrôler, et non seulement de les réprimer. Mais la
population ne collaborait pas et, surtout après la tuerie de Kokand, elle était terrori
sée par les Soviétiques. Aussi les kišlaki tendaient-ils à échapper à l'influence des
représentants du gouvernement et, de cette façon, ils évitaient aussi le risque de
représailles de la part des basmači6. Dans une localité qui sera au centre de notre
attention, Yuezd d'Andizan, les instructeurs chargés de former des comités de pay
sans pour réglementer l'utilisation de la terre et de l'eau rapportèrent que bon nombre
d'habitants avaient fui et que ceux qui étaient restés vivaient dans la terreur des sol
dats. Quand un train arrivait en gare et qu'on entendait siffler, la population épou
vantée ramassait le peu de choses qui lui était nécessaire et s'enfuyait dans les
champs. Les instructeurs, arrivés dans le village, convoquèrent une assemblée par
l'intermédiaire des star япу (anciens) et ceux-ci envoyèrent les pjatidesjatniki (repré
sentants de la population locale dans l'ancienne administration) d

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