Femmes et histoire en France au XVe siècle : Gabrielle de la Tour et ses contemporaines - article ; n°38 ; vol.19, pg 111-136
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Description

Médiévales - Année 2000 - Volume 19 - Numéro 38 - Pages 111-136
Women and History in XVth Century France : Gabrielle de La Tour and her Contemporaries - Late medieval books of instructions for women strongly encourage their audience to read pious literature, which is natural, but also historical works. This tendency is reinforced by humanist pedagogy. History is in fact well suited for the weaker sex : a subject written in French, simple, exemplary, it instructs and keeps the student on the right path. Reality corresponded, in part, to such an model : the libraries of princesses in the XlVth and XVth centuries display and ever increasing number of History books and the privileged place given to national History and the crusades. The concrete utilisation of History in the formation of an identity can be illustrated through the library of Gabrielle de la Tour (1474), who belonged to the Bourbon Montpensier circle.
Les manuels d'éducation féminine de la fin du Moyen Âge font une place accrue à la lecture d'ouvrages pieux certes mais aussi d'ouvrages historiques ; cette tendance sera accentuée par la pédagogie humaniste. L'histoire est en effet bien adaptée au sexe faible ; matière en français, matière simple, matière exemplaire elle forme puis maintient dans le droit chemin. Les réalités correspondent en partie à la norme ; les bibliothèques des princesses du XIVe et XVe siècles comprennent de plus en plus de livres historiques et effectuent des choix qui privilégient l'histoire nationale et celle des croisades. L'exemple de la bibliothèque de Gabrielle de La Tour (1474) permet de montrer les utilisations concrètes de l'histoire dans la formation d'une identité propre à l'apanage des Bourbons Montpensier.
26 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 2000
Nombre de lectures 39
Langue Français
Poids de l'ouvrage 2 Mo

Extrait

Madame Colette Beaune
Madame Elodie Lequain
Femmes et histoire en France au XVe siècle : Gabrielle de la
Tour et ses contemporaines
In: Médiévales, N°38, 2000. pp. 111-136.
Abstract
Women and History in XVth Century France : Gabrielle de La Tour and her Contemporaries - Late medieval books of instructions
for women strongly encourage their audience to read pious literature, which is natural, but also historical works. This tendency is
reinforced by humanist pedagogy. History is in fact well suited for the weaker sex : a subject written in French, simple, exemplary,
it instructs and keeps the student on the right path. Reality corresponded, in part, to such an model : the libraries of princesses in
the XlVth and XVth centuries display and ever increasing number of History books and the privileged place given to national
History and the crusades. The concrete utilisation of History in the formation of an identity can be illustrated through the library of
Gabrielle de la Tour (1474), who belonged to the Bourbon Montpensier circle.
Résumé
Les manuels d'éducation féminine de la fin du Moyen Âge font une place accrue à la lecture d'ouvrages pieux certes mais aussi
d'ouvrages historiques ; cette tendance sera accentuée par la pédagogie humaniste. L'histoire est en effet bien adaptée au sexe
faible ; matière en français, matière simple, matière exemplaire elle forme puis maintient dans le droit chemin. Les réalités
correspondent en partie à la norme ; les bibliothèques des princesses du XIVe et XVe siècles comprennent de plus en plus de
livres historiques et effectuent des choix qui privilégient l'histoire nationale et celle des croisades. L'exemple de la bibliothèque de
Gabrielle de La Tour (1474) permet de montrer les utilisations concrètes de l'histoire dans la formation d'une identité propre à
l'apanage des Bourbons Montpensier.
Citer ce document / Cite this document :
Beaune Colette, Lequain Elodie. Femmes et histoire en France au XVe siècle : Gabrielle de la Tour et ses contemporaines. In:
Médiévales, N°38, 2000. pp. 111-136.
doi : 10.3406/medi.2000.1481
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/medi_0751-2708_2000_num_19_38_1481Médiévales 38, printemps 2000, p. 111-136
Colette BEAUNE et Élodie LEQUAIN
FEMMES ET HISTOIRE EN FRANCE AU XVe SIÈCLE :
GABRIELLE DE LA TOUR ET SES CONTEMPORAINES
Les ouvrages consacrés à l'éducation des femmes qui se multiplient
à la fin du xme siècle élaborent toute une dialectique des rapports pri
vilégiés que devraient entretenir le sexe faible et la science historique ;
rationes et exemples de femmes qui ont lu, commandé voire même écrit
de l'histoire se combinent dans cette argumentation nouvelle. Matière
en français, matière simple et exemplaire, l'histoire convient au sexe
faible, à la fois pour sav formation et pour son maintien dans le droit
chemin à l'âge adulte. À la limite, une femme qui a fait de l'histoire
un bon usage peut espérer s'y inscrire un jour.
Dans quelle mesure cet ambitieux programme entra-t-il dans les
réalités ? Une rapide étude des livres d'histoire conservés les
bibliothèques de princesses aux xive et xve siècles donnera quelques
éléments permettant de mesurer le succès de l'histoire en général auprès
du public féminin et plus encore le des différents types d'histoire.
Enfin, le cas de l'admirable bibliothèque de Gabrielle de La Tour mont
rera les usages concrets d'une féminine dans le dernier
quart du XVe siècle.
L'histoire et les femmes d'après les textes normatifs
Quand Leonardo Bruni adresse vers 1430 une lettre à Battista Mala-
testa concernant l'éducation des filles, il conseille de faire lire aux jeu
nes princesses les œuvres de Tite-Live, Salluste ou César qui sont remar
quables par leur facilité, utiles pour cultiver la mémoire et fournissent
des modèles de comportement à suivre comme à éviter1. Sans aller
jusqu'à des formulations aussi nettes, typiques d'une pédagogie human
iste axée exclusivement sur l'histoire antique, l'idée n'est pas ignorée
en France, même si au milieu du XIIIe siècle Vincent de Beauvais ne
conseille encore aux filles de Marguerite de Provence que des lectures
1. Leonardo Bruni, De Studiis et litteris, Paris, 1642, p. 183. 1 12 C. BEAUNE et É. LEQUAIN
dévotes. Dès la fin du xive siècle le chevalier de La Tour Landry, vou
lant écrire un « livret » pour ses trois filles, part de « la Bible, les Gestes
des Rois et Chroniques de France, de Grèce et d'Angleterre » pour leur
donner « bon exemple des dames du passé » : « C'est moult belle chose
et noble dire de soi mirer au miroir des anciennes histoires qui ont été
écrites pour nous montrer bons exemples »2. Christine de Pizan revient
à plusieurs reprises sur l'utilité de l'histoire. Tout d'abord pour la reine
Isabeau, à laquelle l'histoire doit fournir « infinis exemples de sages
reines pour bien vivre »3. C'est l'idée fondamentale qui dicte la comp
osition de la Cité des Dames, « construite pour toutes les femmes
honorables : celles de jadis, celles d'aujourd'hui et celles de demain »4.
La lecture de textes historiques se trouve donc très logiquement conseil
lée aux princesses qui sont les destinataires principales du Livre des
Trois Vertus : « et quant aux choses mondaines elle orra volontiers par
ler de vaillantes gens, de leurs faits et de leurs prouesses, des grands
clercs et de leur science, de tous prud'hommes et prudes femmes... »5.
Les lectures historiques utiles pour les affaires de ce monde sont ici
conçues comme complémentaires des lectures de dévotion consacrées
aux choses célestes. Le même parallèle réapparaît à la fin du xve siècle
dans les Enseignements d'Anne de Beaujeu à sa fille Suzanne, où la
liste des lectures conseillées mélange traités de dévotion, « Dits des
philosophes et Anciens Sages », souci de s'informer « des coutumes,
ordonnances, habillements, état des seigneurs et dames » des pays étran
gers, comme de maintenir la mémoire du lignage6.
Tous ceux - dont le nombre se multiplie au xve siècle - qui affi
rment que l'histoire convient aux femmes, ont conscience d'énoncer un
paradoxe. « Communément, les femmes n'ont point de connaissances
des histoires »7 ; elles ne « visitent point les Écritures »8 et la « plupart
des nobles dames de France n'entendent point le latin », ce qui limite
leur accès aux œuvres qui ne sont pas en « leur maternel langage »9,
donc à la production historique issue des monastères ou de l'université.
Pour sortir de ce dilemme, deux solutions sont possibles : une sortie
par le haut qui limite l'initiation des femmes au milieu très restreint des
2. Le Livre pour l'enseignement des filles de Geoffroy de La Tour Landry, A. DE
Montaiglon éd., Paris, 1854, p. 3 et 5.
3. A. F. Kennedy, « Christine de Pizan's Épître à la reine (1405) », Revue des
Langues Romanes, 92, 1988, p. 256.
4. Christine de Pizan, Le Livre de la Cité des Dames, E. Hicks et Th. Moreau
trad., Paris, 1992, p. 295.
5.de Pizan, Le Livre des Trois Vertus, Ch. C. Willard et E. Hicks éd.,
Paris, 1989, p. 46.
6. Les Enseignements d'Anne de France à Suzanne de Bourbon, A.M. Chazaud
éd., Moulins, 1888, p. 8 et 69.
7. Prologue de l'édition par Antoine Vérard de la traduction de Boccace, Les Cleres
Femmes, Paris, 1493 (cité par G. Jeanneau dans son édition d' Antoine Dufour, Les Vies
des femmes célèbres, Genève-Paris, 1970, p. 177).
8. Sébastien Champier, La Nef des dames vertueuses, Paris, 1503 (cité par Jean
neau dans Antoine Dufour, Les Vies des femmes célèbres, op. cit., p. 179).
9.Les Vies des op. cit., p. 1. ET HISTOIRE EN FRANCE AU XVe SIÈCLE 1 13 FEMMES
princesses (soit une trentaine de familles pour la France du xve siècle),
ou la mise au point d'une argumentation spécifique justifiant le lien des
femmes à l'histoire. Les deux mouvements peuvent d'ailleurs être comp
lémentaires, comme c'est le cas chez Christine de Pizan qui admet la
nécessité d'une éducation à part pour les reines, duchesses et hautes
dames, mais en fait un modèle pour toutes les autres femmes nobles 10.
Un siècle plus tard, Jean Bouchet ne partage pas cet avis : « On doit
distinguer des femmes et savoir de quelles maisons elles sont venues,
si elles sont riches ou pauvres : les

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