Figure de l argot - article ; n°1 ; vol.16, pg 71-93
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Figure de l'argot - article ; n°1 ; vol.16, pg 71-93

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Description

Communications - Année 1970 - Volume 16 - Numéro 1 - Pages 71-93
23 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1970
Nombre de lectures 100
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Jacques Dubois
Francis Edeline
Jean-Marie Klinkenberg
Philippe Minguet
François Pire
Hadelin Trinon
Figure de l'argot
In: Communications, 16, 1970. pp. 71-93.
Citer ce document / Cite this document :
Dubois Jacques, Edeline Francis, Klinkenberg Jean-Marie, Minguet Philippe, Pire François, Trinon Hadelin. Figure de l'argot. In:
Communications, 16, 1970. pp. 71-93.
doi : 10.3406/comm.1970.2214
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/comm_0588-8018_1970_num_16_1_2214Figure de l'argot
1. GÉNÉRALITÉS
L'argot est essentiellement constitué d'un lexique. Ceci provient de son carac
tère communément reconnu de langage spécial ou parasitaire, propre à un groupe
dont la compétence linguistique se manifeste d'abord dans une langue première *.
Il s'ensuit que la rhétorique argotique ne fournira que des figures affectant la
forme de l'expression et la forme du contenu au niveau d'articulation 1 (méta-
plasmes et métasémèmes); l'argot ne se spécifie jamais au niveau d'intégration
supérieur et ne comportera donc ni métataxes , l'argotier performant ses phrases
conformément à la grammaire de sa langue première (il peut évidemment pri
vilégier les structures relevant de sa parlure populaire), ni métalogismes, figures
n'existant que relativement à un état de fait extra-linguistique, récusé par le
discours. Ces caractères restreignent singulièrement la complexité du système
rhétorique en cause.
Toutefois, l'argot fait fréquemment apparaître des figures qu'on serait tenté
de décrire comme hyperboles ou antiphrases. Soit l'expression un cachemire,
désignant le torchon. L'origine de la figure, que nous n'avons pas à examiner,
réside évidemment dans une démarche métalogique. Mais pour l'argotier, le
terme désigne toujours le torchon ; la confrontation au réfèrent est inutile, le
métalogisme étant cliché et lexicalisé ; nous nommerons donc cette figure anti
phrase lexicale.
Si des hyperboles et antiphrases lexicales sont possibles en argot, c'est bien
grâce au caractère de langue seconde de celui-ci. La langue première fait, par
rapport à lui, office de degré zéro et c'est l'espace entre ce degré zéro et lui
qui fonde la figure. Cachemire n'est métabole que par rapport au sens obvie de
cachemire, garanti par le premier code. La spécificité de l'argot ne pourra donc
être découverte que dans la distance s'établissant entre son lexique et le lexique
commun. Ceci en fait un terrain de choix pour une étude rhétorique et sup
prime les difficultés souvent rencontrées dans la réduction des figures puisque
des dictionnaires nous donnent ici à la fois, le degré zéro et le degré figuré. Les
discussions oiseuses sur le problème de l'écart sont ainsi évitées.
1. Notons d'entrée de jeu que l'argot se distingue des langues techniques (dites argots
de métier) en ce que celles-ci ne créent rien en dehors des nécessités professionnelles.
L'argot, lui, crée son vocabulaire à partir des désignations de la langue première. Il est
structuré linguistiquement.
71 Groupe p
2. RELEVÉ DES FIGURES
Nous reprenons ici chacune des cases que notre tableau général (Rhétorique
générale p. 49) affecte aux métaplasmes et aux métasémèmes, en les accom
pagnant d'un ou deux exemples et d'un bref commentaire.
2.1. MÉTAPLASMES
a) Suppression
• Par l'avant (aphérèse)
capitaine = pitaine
garde municipal = cipal
• Par l'arrière (apocope)
navet = nave
pédéraste = pédé
Notons que la profondeur de la suppression peut être très variable, des expres
sions complexes pouvant même se réduire à une seule syllabe (ex. : flagrant délit =*
flag). Si les dangers de non-identification s'accroissent en raison inverse de l'i
nformation véhiculée, les désignations restent généralement univoques (ex. :
macchab = macchabée ; mac = maquereau). Conformément aux tendances
générales de la langue française, les truncations se font rarement par l'avant.
Elles se conjuguent fréquemment, dans les prénoms, avec une adjonction répé
titive (Ar). Ex. : Albert ou Robert = Bébert. Enfin, nous ne parlerons pas ici, pas
plus que dans les métasémèmes, de la suppression complète, celle-ci n'étant
concevable que dans un jeu de relations syntagmatiques (Rhétorique générale,
p. 44-45).
b) Adjonction
• Par l'arrière
ici = icigaille
perle = perlouse
• Epenthétique
lancer = lansquiner, lancecailler
planquer = planquouser
• Répétitive (voir aussi les S)
avoir la mimise en or = la mise (être avantageusement constitué).
Il semble que l'argot connaisse peu d'adjonctions par l'avant (pognes = pa-
pognes). Quand on les trouve, elles vont généralement de pair avec d'autres
phénomènes : suppressions, adjonctions par l'arrière. C'est dans les procédés de
transcodage que les adjonctions bilatérales du type MARgoulETTEBe généralisent.
Les adjonctions peuvent être très modestes, comme dans pante -> pantre, mais
ici on se trouve manifestement devant un simple accident phonétique et non
devant le produit d'une opération rhétorique orientée.
On a souvent appelé les éléments ajoutés (ex. : -muche dans trucmuche) « suf
fixes parasitaires » ou « suffixes argotiques ». Il ne semble pas qu'on puisse les
72 Figure de V argot
verser dans cette catégorie, puisque leur commutation est impuissante à entraîner
des changements de classes fonctionnelles. Nous réserverons donc, comme Henri
Mitterand, l'appellation de déformants à ces éléments non sémantiquement
motivés. La prédilection de l'argot pour certains de ces déformants non assimi
lables à des désinences de la langue première fait de ceux-ci, comme de certaines
combinaisons phoniques non habituellement pratiquées par la langue première
(ex. : initiale n), de simples marques de la diction argotique. C'est ainsi qu'il est
aisé d'identifier l'éthos autonome argotique dans les créations de Géo Norge
merliFLUCHE, pétOUSE, pignOCHE, noubaGUE (dans la Langue verte).
c) Suppression-adjonction
• Par l'arrière
paquet = pacson, pacsif
pernod = pernaga, perniflard
• Par l'avant
chapeau = papeau
• Par le milieu
pravouse = pravise (par A de prise)
• Agglutination
proxémac = proxé(nète) = maqu(ereau)
Les SA peuvent évidemment opérer au niveau infralinguistique, par des
manipulations de phonèmes. Mais il ne paraît pas que les termes ainsi obtenus
soient spécifiquement argotiques ; ils relèvent plutôt de la parlure dite vulgaire
(ex. : collidor pour corridor). Notons aussi que la SA par l'avant est rarissime.
L'élément supprimé peut être un suffixe ; et sans doute est-ce ce trait qui a
donné, par symétrie, sa réputation de à l'élément ajouté. Ex. : pêcheur =
pêchecaille, préfecture = préfectance. Mais des désinences qui ne sont pas des
suffixes peuvent être soustraites (ex. : paradis = paradouze) et la profondeur de
l'opération peut être très importante, la S dépassant le niveau du suffixe (ex. :
poitringle = poitrinaire, probloc = propriétaire).
d) Permutation
La métathèse peut également être présente en argot. Le procédé est cependant
localisé, à tel point que nous n'en trouvons pas d'exemple dans le corpus qui ser
vira de témoin à nos enquêtes quantitatives. Les exemples (libreca = calibre,
dreauper = perdreau) montrent que le procédé est syllabique et non graphique
comme dans le back-slang anglais (argot de revendeurs). C'est une opération
relationnelle qui contribue à fonder une des formules argotiques les plus curieuses
(et ici, la permutation se fera à un niveau inférieur à celui de la syllabe) : nous
voulons parler des transcodages.
e) Transcodages.
Les procédés de transcodage consistent à traiter un message de la langue pre
mière par une opération ou une série d'opérations rhétoriques restant identiques
pour toutes les unités. Le javanais consiste ainsi à introduire dans le corps du
mot une syllabe parasitaire -av~ (et non -va-). « Tu n'

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