Flexibilité en trompe-l œil du marché du travail britannique - article ; n°1 ; vol.66, pg 95-126
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Flexibilité en trompe-l'œil du marché du travail britannique - article ; n°1 ; vol.66, pg 95-126

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Description

Revue de l'OFCE - Année 1998 - Volume 66 - Numéro 1 - Pages 95-126
Alors que nombre de pays européens sont confrontés à un chômage croissant et persistant, le Royaume-Uni enregistre depuis 1994 un repli marqué de son taux de chômage (6,4% au début de 1998 après 10,5% cinq ans plus tôt). Selon les autorités, cette performance serait liée à la déréglementation du marché du travail et aux changements introduits depuis presque deux décennies dans les modes de gestion du rapport salarial. La décentralisation des négociations aurait permis aux entreprises de mieux s'ajuster, de créer davantage d'emplois, et en plus d'abaisser le taux de chômage d'équilibre, les salaires faisant preuve d'un remarquable contrôle à cette phase du cycle économique. Si ces performances du marché du travail sont à mettre en partie à l'actif de la rupture de la politique économique avec les décennies soixante et soixante-dix, elles doivent être interprétées avec prudence. Contrairement aux attentes un marché dit flexible, la croissance n'est pas plus riche en emplois au Royaume-Uni qu'en France. Au contraire. La reprise des emplois se doit surtout à une croissance particulièrement vigoureuse (3% depuis 1993). Par ailleurs, l'éclatement du rapport salarial s'est traduit au fil des années par une réorganisation du travail, articulée autour d'une répartition bipolaire des heures travaillées et du développement de formes atypiques d'emplois, visant à une meilleure utilisation de la structure productive. Cette configuration permis, au cours des années quatre- vingt-dix, une décrue sensible du chômage féminin, en même temps qu'elle nourrissait un chômage élevé chez les hommes et un désengagement important de certaines catégories sociales, vis à vis marché du travail. Cette absence de flexion, inhabituelle en période de reprise des créations d'emplois a contribué fortement au repli du taux de chômage, et marque probablement les limites de la flexibilité microéconomique britannique. En se recentrant dans l'entreprise, les négociations sont devenues de plus en plus dépendantes de considérations microéconomiques. Or, en l'absence de coordination et de probables divergences d'intérêt entre les intervenants, cette apparente flexibilité ne fournit pas nécessairement un cadre macroéconomique stable aux entreprises, et des conditions d'ajustements optimales. Il semble au contraire que certaines rigidités subsistent, notamment dans les modes de formation des prix et des salaires, et qui auraient conduit au cours des années récentes à une sous-indexation obligée des salaires réels à la productivité.
An apparent flexibility in the labour market in UK Christine Rifflart Whereas some European countries are facing persistent unemployment, the United Kingdom has succeeded in reducing it substantially since 1994. Following official version, this performance would be due to the deregulation of the labour market and the changes introduced in the management forms during the last twenty years. The decentralisation of negotiations would have permitted to enterprises to be more competitive, create more jobs and lessen the equilibrium unemployment rate. These results have to be appreciated with attention. First, the upturn of employment is more the consequence of the strength of economic growth. Moreover, the split of negotiations pattern has led to a new labour organisation with a two poles sharing out of working time and atypical forms of employment, and a growing wage inequality. That outline has allowed a decrease of women's unemployment, but has fed high male unemployment rate and reduced incentives to supply work. This attitude explains large part of the setback of unemployment and probably set the limits of the microeconomic flexibility in the UK. The negotiations became increasingly dependent on microeconomic considerations. In the absence of co-ordination and probable divergence of interest between the speakers, this kind of flexibility does not provide necessarily stable macroeconomic framework, and conditions of best fits. It seems on the contrary that certain rigidities remain, particularly in the way of setting the prices and the wages.
32 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1998
Nombre de lectures 55
Langue Français
Poids de l'ouvrage 2 Mo

Extrait

Christine Rifflart
Flexibilité en trompe-l'œil du marché du travail britannique
In: Revue de l'OFCE. N°66, 1998. pp. 95-126.
Citer ce document / Cite this document :
Rifflart Christine. Flexibilité en trompe-l'œil du marché du travail britannique. In: Revue de l'OFCE. N°66, 1998. pp. 95-126.
doi : 10.3406/ofce.1998.1510
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/ofce_0751-6614_1998_num_66_1_1510Abstract
An apparent flexibility in the labour market in UK Christine Rifflart Whereas some European countries
are facing persistent unemployment, the United Kingdom has succeeded in reducing it substantially
since 1994. Following official version, this performance would be due to the deregulation of the labour
market and the changes introduced in the management forms during the last twenty years. The
decentralisation of negotiations would have permitted to enterprises to be more competitive, create
more jobs and lessen the equilibrium unemployment rate. These results have to be appreciated with
attention. First, the upturn of employment is more the consequence of the strength of economic growth.
Moreover, the split of negotiations pattern has led to a new labour organisation with a two poles sharing
out of working time and atypical forms of employment, and a growing wage inequality. That outline has
allowed a decrease of women's unemployment, but has fed high male unemployment rate and reduced
incentives to supply work. This attitude explains large part of the setback of unemployment and
probably set the limits of the microeconomic flexibility in the UK. The negotiations became increasingly
dependent on microeconomic considerations. In the absence of co-ordination and probable divergence
of interest between the speakers, this kind of flexibility does not provide necessarily stable
macroeconomic framework, and conditions of best fits. It seems on the contrary that certain rigidities
remain, particularly in the way of setting the prices and the wages.
Résumé
Alors que nombre de pays européens sont confrontés à un chômage croissant et persistant, le
Royaume-Uni enregistre depuis 1994 un repli marqué de son taux de chômage (6,4% au début de 1998
après 10,5% cinq ans plus tôt). Selon les autorités, cette performance serait liée à la déréglementation
du marché du travail et aux changements introduits depuis presque deux décennies dans les modes de
gestion du rapport salarial. La décentralisation des négociations aurait permis aux entreprises de mieux
s'ajuster, de créer davantage d'emplois, et en plus d'abaisser le taux de chômage d'équilibre, les
salaires faisant preuve d'un remarquable contrôle à cette phase du cycle économique. Si ces
performances du marché du travail sont à mettre en partie à l'actif de la rupture de la politique
économique avec les décennies soixante et soixante-dix, elles doivent être interprétées avec prudence.
Contrairement aux attentes un marché dit flexible, la croissance n'est pas plus riche en emplois au
Royaume-Uni qu'en France. Au contraire. La reprise des emplois se doit surtout à une croissance
particulièrement vigoureuse (3% depuis 1993). Par ailleurs, l'éclatement du rapport salarial s'est traduit
au fil des années par une réorganisation du travail, articulée autour d'une répartition bipolaire des
heures travaillées et du développement de formes atypiques d'emplois, visant à une meilleure utilisation
de la structure productive. Cette configuration permis, au cours des années quatre- vingt-dix, une
décrue sensible du chômage féminin, en même temps qu'elle nourrissait un chômage élevé chez les
hommes et un désengagement important de certaines catégories sociales, vis à vis marché du travail.
Cette absence de flexion, inhabituelle en période de reprise des créations d'emplois a contribué
fortement au repli du taux de chômage, et marque probablement les limites de la flexibilité
microéconomique britannique. En se recentrant dans l'entreprise, les négociations sont devenues de
plus en plus dépendantes de considérations microéconomiques. Or, en l'absence de coordination et de
probables divergences d'intérêt entre les intervenants, cette apparente flexibilité ne fournit pas
nécessairement un cadre macroéconomique stable aux entreprises, et des conditions d'ajustements
optimales. Il semble au contraire que certaines rigidités subsistent, notamment dans les modes de
formation des prix et des salaires, et qui auraient conduit au cours des années récentes à une sous-
indexation obligée des salaires réels à la productivité.de l'OFCE n° 66 / Juillet 1998 Revue
Flexibilité en trompe-l'œil du marché du
travail britannique
Christine Rifflart
Département analyse et prévision
Alors que nombre de pays européens sont confrontés à un chômage
croissant et persistant, le Royaume-Uni enregistre depuis 1994 un repli
marqué de son taux de chômage (6,4 % au début de 1998 après 10,5 %
cinq ans plus tôt). Selon les autorités, cette performance serait liée à la
déréglementation du marché du travail et aux changements introduits
depuis presque deux décennies dans les modes de gestion du rapport salar
ial. La décentralisation des négociations aurait permis aux entreprises de
mieux s'ajuster, de créer davantage d'emplois, et en plus d'abaisser le taux
de chômage d'équilibre, les salaires faisant preuve d'un remarquable
contrôle à cette phase du cycle économique.
Si ces performances du marché du travail sont à mettre en partie à
l'actif de la rupture de la politique économique avec les décennies soixante
et soixante-dix, elles doivent être interprétées avec prudence.
Contrairement aux attentes d'un marché dit flexible, la croissance n'est pas
plus riche en emplois au Royaume-Uni qu'en France. Au contraire. La
reprise des se doit surtout à une croissance particulièrement vigou
reuse (3 % depuis 1993). Par ailleurs, l'éclatement du rapport salarial s'est
traduit au fil des années par une réorganisation du travail, articulée autour
d'une répartition bipolaire des heures travaillées et du développement de
formes atypiques d'emplois, visant à une meilleure utilisation de la struc
ture productive. Cette configuration a permis, au cours des années quatre-
vingt-dix, une décrue sensible du chômage féminin, en même temps qu'elle
nourrissait un chômage élevé chez les hommes et un désengagement
important de certaines catégories sociales, vis à vis marché du travail .
Cette absence de flexion, inhabituelle en période de reprise des créations
d'emplois, a contribué fortement au repli du taux de chômage, et marque
probablement les limites de la flexibilité microéconomique britannique.
En se recentrant dans l'entreprise, les négociations sont devenues de
plus en plus dépendantes de considérations microéconomiques. Or, en
l'absence de coordination et de probables divergences d'intérêt entre les
intervenants, cette apparente flexibilité ne fournit pas nécessairement un
cadre macroéconomique stable aux entreprises, et des conditions d'ajuste
ments optimales. Il semble au contraire que certaines rigidités subsistent,
notamment dans les modes de formation des prix et des salaires, et qui
auraient conduit au cours des années récentes à une sous-indexation obli
gée des salaires réels à la productivité. 96 Christine Rifflart
Avec une croissance moyenne de 3 % par an depuis 1993, une infla
tion modérée et un repli de plus de 3 points du taux de chômage har
monisé en quatre ans (7,1 % en 1997), le Royaume-Uni nargue haut et
fort les pays voisins, confrontés aux problèmes d'une croissance ralentie
et d'un chômage persistant qui n'a cessé d'augmenter sur la période
récente. Selon certains, cette réussite s'expliquerait par le choix fait
depuis 1979, date d'arrivée de Mme Thatcher au gouvernement, du libé
ralisme économique et de la primauté donnée aux marchés. « Voilà bien
la preuve que la Grande-Bretagne a compris. Son marché du travail déré
glementé, flexible et sans clause sociale ni salaire minimum, induit l'em
ploi et la prospérité » *. Les performances en matière de chômage
puiseraient leur origine dans la suppression des entraves aux règles du
marché. L'ajustement se ferait sans que des effets de friction ne viennent
freiner voire empêcher le retour au taux d'équilibre. Contrairement au

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