Frédéric Joliot, les allemands et l université aux premiers mois de l occupation - article ; n°1 ; vol.50, pg 67-88
23 pages
Français

Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement

Je m'inscris

Frédéric Joliot, les allemands et l'université aux premiers mois de l'occupation - article ; n°1 ; vol.50, pg 67-88

Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement

Je m'inscris
Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne
En savoir plus
23 pages
Français
Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne
En savoir plus

Description

Vingtième Siècle. Revue d'histoire - Année 1996 - Volume 50 - Numéro 1 - Pages 67-88
Frédéric Joliot, the Germans and the university in the first few months of the occupation.
To save the Collège de France laboratory and the cyclotron he perfected, Frédéric Joliot decided to return to Paris in the summer of 1940. Pressure was put on him by the German authorities to turn the laboratory over to them, which he refused, but he had to accept the presence of German scientists working alongside him. The cooperation with physicists like Wolfgang Gentner and Otto Hahn extended the interests shared prior to the war. The former, known for his anti nazism, and the technical limits of the French cyclotron excluded any possibility of exploi-ting this coopération for German military research. Exasperated even before the war by the French élites failings, Joliot used his scientific prestige to develop research and participated in the beginning university resistance groups around Paul Langevin and Jacques Solomon. Although they were not in the majority, he and his friends supported Langevin, arrested in october 1940. This position became clearer through the analysis of the tensions within the university about what the attitude should be toward Vichy and the Germans. It went along with the Collège de France professors' revolt against collaborators' accusations. Far from providing an example of a voluntary accommodation (P. Burrin) with the occupier, Frédéric Joliot sacrificed his personal destiny as a researcher to a group project of resistance that, in addition, counted on the scientific renewal of France.
22 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1996
Nombre de lectures 21
Langue Français
Poids de l'ouvrage 2 Mo

Extrait

Michel Pinault
Frédéric Joliot, les allemands et l'université aux premiers mois
de l'occupation
In: Vingtième Siècle. Revue d'histoire. N°50, avril-juin 1996. pp. 67-88.
Abstract
Frédéric Joliot, the Germans and the university in the first few months of the occupation.
To save the Collège de France laboratory and the cyclotron he perfected, Frédéric Joliot decided to return to Paris in the summer
of 1940. Pressure was put on him by the German authorities to turn the laboratory over to them, which he refused, but he had to
accept the presence of German scientists working alongside him. The cooperation with physicists like Wolfgang Gentner and
Otto Hahn extended the interests shared prior to the war. The former, known for his anti nazism, and the technical limits of the
French cyclotron excluded any possibility of exploi-ting this coopération for German military research. Exasperated even before
the war by the French élites failings, Joliot used his scientific prestige to develop research and participated in the beginning
university resistance groups around Paul Langevin and Jacques Solomon. Although they were not in the majority, he and his
friends supported Langevin, arrested in october 1940. This position became clearer through the analysis of the tensions within
the university about what the attitude should be toward Vichy and the Germans. It went along with the Collège de France
professors' revolt against collaborators' accusations. Far from providing an example of a "voluntary accommodation" (P. Burrin)
with the occupier, Frédéric Joliot sacrificed his personal destiny as a researcher to a group project of resistance that, in addition,
counted on the scientific renewal of France.
Citer ce document / Cite this document :
Pinault Michel. Frédéric Joliot, les allemands et l'université aux premiers mois de l'occupation. In: Vingtième Siècle. Revue
d'histoire. N°50, avril-juin 1996. pp. 67-88.
doi : 10.3406/xxs.1996.3521
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/xxs_0294-1759_1996_num_50_1_3521FRÉDÉRIC JOLIOT, LES ALLEMANDS
ET L'UNIVERSITÉ, AUX PREMIERS MOIS
DE L'OCCUPATION
Michel Pinault
Durant l'été 1940, Frédéric Joliot m'appliquer à développer ce point de vue
doit accepter la présence de scientif pour la période cruciale de la fin de
iques allemands au sein de son labora l'année 1940. Les premiers mois de l'occu
toire du Collège de France. Dicté par pation allemande ont été un moment
la volonté de préserver le potentiel d'incertitude et de trouble pour une
français de recherche en vue de l'après- grande majorité de Français. Comprendre
guerre, ce choix ne peut se comprendre ce moment de l'histoire n'a sans doute
sans tenir compte du réseau d'amitiés pas été le don le mieux partagé parmi les
scientifiques dans lequel Joliot s'insère, Français de 1940, et c'est toujours comme
et des structures de résistance qu'il un pari qu'ils purent se risquer à agir au
contribue alors à mettre en place. sein de cette confusion. La responsabilité
Miche Pinault engage le débat sur le des élites, et singulièrement des intellec
concept d'«accomodation volontaire» tuels, reste aujourd'hui un sujet d'interro
avec l'occupant, récemment mis en gation. L'étude de leurs comportements
avant par l'historien Philippe Burrin. doit être menée en ayant sans cesse pré
sent à l'esprit le caractère étrange de cette
L'étude des trajectoires individuelles courte période, et en se gardant de toute
des intellectuels ne peut être menée projection téléologique. La biographie de
indépendamment de celle des milieux Frédéric Joliot est un exemple de la difet des réseaux de sociabilité auxquels
ficulté persistante que nous avons à lire ils appartiennent. Corrélativement, certai ces trajectoires dans le brouillard, auxnes biographies constituent un apport
quelles nous sommes tentés de chercher irremplaçable à un projet d'histoire
des clartés et des simplicités qu'elles sociale portant sur ces milieux. Ces
n'eurent pas. propos sans grande originalité résument
Le 18 juin 1940 Joliot, qui travaille la démarche sur laquelle s'appuie un tra
depuis plusieurs mois à la mise au point vail universitaire en cours, portant sur
d'une expérience visant à produire une réacla vie de Frédéric Joliot1. Je voudrais
tion en chaîne auto-entretenue et contrôl
ée dans l'uranium, décide d'envoyer en 1. Frédéric Joliot (1900-1958), physicien français, prix Nobel
de chimie 1935 pour la découverte, avec sa femme Irène Joliot- Angleterre ses collaborateurs Halban et
Curie, de la radioactivité artificielle, professeur au Collège de Kowarski, avec la quasi-totalité du stock France et directeur du Laboratoire de synthèse atomique du
mondial d'eau lourde nécessaire pour ser- CNRS en 1937.
67 :
MICHEL PINAULT
vir de ralentisseur à neutrons, et les docu l'isolement de ses jeunes enfants en Bre
ments scientifiques qui se rattachent à tagne, à l'Arcouest, a pu le troubler3. En
l'expérience. Il leur donne consigne de effet Joliot a confirmé son choix ultérieu
poursuivre leurs recherches en se mettant rement, à plusieurs reprises, alors que
sous les ordres de la mission scientifique l'opportunité d'un départ organisé par les
française à Londres. Il ne part pas avec Français libres se présentait, et qu'il savait
eux. Il a pris cette décision deux jours qu'Halban avait été «très bien accueilli»
plus tôt, à Clermont-Ferrand, après une dans son nouveau milieu et qu'il travaillait
conversation orageuse avec un membre «dans d'excellentes conditions»4. Il refuse
du cabinet du ministère de l'Armement, de partir, par exemple, quand Louis
Jacques Allier, qui cherche à le convainc Rapkine5, un biologiste proche des Joliot,
re de partir. Par J. Allier, qui a utilisé lui en propose les moyens. Sarah Rap
dans cette discussion tous ses arguments, kine, qui avait passé les semaines de
il est possible que Joliot ait su, dès le l'exode à l'Arcouest chez Jean Perrin, était
17 juin, l'esprit de la communication pré restée plusieurs mois sans nouvelles de
parée par Raoul Dautry, en accord avec son mari. Au début de 1941, elle reçoit
Paul Reynaud, pour le Conseil des minist enfin une lettre de New York dans
res du 12 juin, dans laquelle il affirmait laquelle Louis Rapkine lui demande
la volonté de résistance de certains memb d'aller voir Joliot et de savoir s'il pourrait
res du gouvernement dans la perspective envisager de partir. Joliot lui répond que
d'une guerre longue1. D'où l'assurance c'est impossible car il a des élèves. Il ne
avec laquelle Joliot a développé certaines peut pas les laisser. «Arrivera ce qui arri
idées ce soir-là devant Kowarski, en par vera, lui dit-il»6.
ticulier celle qui sera son leitmotiv pen Joliot a exprimé les raisons de son refus
dant toute l'Occupation: «Le problème, de partir à plusieurs personnes de son
pour nous, sera de tenir bon, de préserver entourage, pendant ces journées de
nos atouts pendants ces années-là»2. Sa juin 1940: conviction que la guerre va
décision prise, il se rend à Bordeaux, sans continuer, qu'une occupation longue
sa femme Irène, qui reste, près de Péri- commence, rappelant celle que ses
gueux, à la Cité sanitaire de Clairvivre, parents maternels ont connu en Alsace,
une dépendance de la Fondation Curie. et à laquelle il convient de faire face en
étant là; conviction que la défaite est le
O 18 JUIN 1940 - FRÉDÉRIC JOLIOT DÉCIDE résultat d'un affaiblissement national,
dont il formule d'ores et déjà une analyse DE RESTER EN FRANCE
globale, et que l'entreprise de redresse
Pourquoi Joliot ne part-il pas en Anglet ment commence aussitôt; volonté, dans
erre? Les raisons familiales de cette déci ce cadre, de préserver la science française
sion ne sont pas essentielles, même si et de mettre sur pied les éléments d'un
1. Raoul Dautry, note du .mercredi 12 juin, 14 heures»
(archives de Mme 3. Bertrand Goldschmidt {Pionniers de l'atome, Paris, Stock, Graff-Allier), citée par Rémy Baudouï,
1987, p. 107) a aussi évoqué le fait que Joliot maîtrisait mal Raoul Dautry, 1890-1951- Le technocrate de la République,
l'anglais. Ce peut être un facteur de désagrément, mais ce n'est Paris, Balland, 1992.
pas une raison d

  • Univers Univers
  • Ebooks Ebooks
  • Livres audio Livres audio
  • Presse Presse
  • Podcasts Podcasts
  • BD BD
  • Documents Documents