Ganymède et l aigle : images, caricatures et parodies animales du rapt - article ; n°1 ; vol.86, pg 193-228
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Ganymède et l'aigle : images, caricatures et parodies animales du rapt - article ; n°1 ; vol.86, pg 193-228

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Description

Bulletin de correspondance hellénique - Année 1962 - Volume 86 - Numéro 1 - Pages 193-228
36 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1962
Nombre de lectures 89
Langue Français
Poids de l'ouvrage 4 Mo

Extrait

Philippe Bruneau
Ganymède et l'aigle : images, caricatures et parodies animales
du rapt
In: Bulletin de correspondance hellénique. Volume 86, livraison 1, 1962. pp. 193-228.
Citer ce document / Cite this document :
Bruneau Philippe. Ganymède et l'aigle : images, caricatures et parodies animales du rapt. In: Bulletin de correspondance
hellénique. Volume 86, livraison 1, 1962. pp. 193-228.
doi : 10.3406/bch.1962.2309
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/bch_0007-4217_1962_num_86_1_2309PHILIPPE BRUNEAU 193
GANYMÈDE ET L'AIGLE :
IMAGES, CARICATURES ET PARODIES ANIMALES
DU RAPT (<)
Hinauf ! Hinauf strebt's.
(Gœthe, Ganymed, 1774)
ούκέτ' Το μεν όνειδος οδν Διός έρώ.
(Euripide, Troyennes, ν. 845)
Ι. REMARQUES SUR LE MOTIF DE L'AIGLE
Ganymède, déjà bien connu d'Homère, est une vieille figure de la mythologie
et de l'imagerie grecques. H. Siehtermann (1) lui a consacré il y a quelque dix ans
un précieux petit livre contenant un catalogue des monuments figurés où il paraît.
Jusqu'au début du ive siècle, l'évolution peut se résumer ainsi : Homère raconte seulement
que Ganymède « était le plus beau des hommes mortels ; les dieux le ravirent à cause de sa beauté,
pour qu'il fût échanson de Zeus et vécût parmi les immortels » (Y, 233-235). C'est plus tard, déjà
dans VHymne homérique à Aphrodite et au vie siècle, qu'on aperçoit les implications erotiques du
rapt. Pourtant les représentations anciennes de l'enlèvement sont rares ; les peintres de vases
préfèrent le motif de la poursuite de Ganymède par Zeus. Au début du ve siècle seulement,
l'acrotère en terre cuite d'Olympie montre Zeus emportant sous son bras un Ganymède parfaite-
(*) Je n'aurais pas pu étudier les documents groupés dans cet article sans diverses autori
sations ou concours bienveillants. Je dois à Mr Laumonier de pouvoir publier ici le fragment de
Mykonos ; à Mr Vassos Karageorghis, Directeur du Musée de Nicosie, la terre cuite de Chypre ;
à Mr H. S. Robinson, Directeur de l'École Américaine à Athènes, le fragment de lampe de Corin-
the ; à Mr Devambez, la lampe du Louvre ; à MrBenakis, la lampe reproduite fig. 16. En outre,
Mme Karouzou m'a procuré la photo d'un vase cabirique conservé au Musée National d'Athènes ;
je dois à la complaisante entremise de Mr G. Klaffenbach les deux photos de l'amphore de Berlin ;
enfin, je puis présenter une photo du groupe de Langres grâce à l'amabilité du Conservateur du
Musée de cette ville. Que tous trouvent ici l'expression de ma très vive reconnaissance.
(1) H. Siehtermann, Ganymed, Mythos und Gestalt in der antiken Kunst, Berlin s. d. (1953)
avec un catalogue groupant 422 représentations de Ganymède.
13 194 PHILIPPE BRUNEAU
ment consentant, semble-t-il, et tenant un coq qui ôte tous les doutes sur le sens erotique de la
scène ; P. Mingazzini, il est vrai, a proposé de voir dans ce groupe Poséidon et Pélops, mais
l'interprétation ne s'impose vraiment pas (1).
A partir du ive siècle, Ganymède n'est presque plus jamais associé à Zeus (2), mais le plus
souvent à l'aigle qui l'enlève. Aucun texte jusqu'à cette date ne nous parle de cette version de la
légende qui va devenir générale. L'oiseau est indifféremment conçu comme messager ou comme
avatar de Zeus : les deux interprétations se rencontrent par exemple chez les Bucoliques (3).
La nouveauté est double : a ) il s'agit d'un rapt vers le Ciel, ou du moins vers l'Olympe (4) et non
plus d'un enlèvement ou d'une poursuite sur terre ; b) l'aigle remplace Zeus. Comme Pline
l'Ancien nous apprend que Léocharès était l'auteur d'un bronze représentant Ganymède enlevé
par l'aigle, on explique avec vraisemblance par l'influence de cette œuvre la substitution de
l'aigle à Zeus (5).
Toute l'imagerie de Ganymède pendant les périodes hellénistique et impériale en dépend.
C'est le point le plus difficile, mais aussi le plus attachant des études d'iconographie que d'expliquer
ces passages. La plus sûre méthode est de considérer l'évolution de l'idéologie et du goût
contemporains. Aussi H. Sichtermann, après avoir noté qu'on s'est peu préoccupé généralement
d'expliquer profondément la soudaine apparition de l'aigle, se réfère-t-il fort justement à l'apport
de la pensée platonicienne (6), et je me propose seulement ici de compléter son analyse sur quelques
points.
Le Ganymède que Léocharès fait enlever par l'aigle n'est plus celui de
l'archaïsme, fuyant devant le dieu qui le poursuit. Malgré la difficulté qu'on
rencontre à le restituer exactement, il semble bien que l'éphèbe s'accrochait
au cou de l'aigle et levait la tête vers lui, tandis que l'oiseau penchait la sienne vers
le jeune homme. On devine là un élan d'amour qui correspond à la rapide
description de Pline : Aquilam senlientem quid rapiat in Ganymede et cui ferat.
H. Sichtermann, en se référant au Banquet mais surtout au Phèdre, montre très
bien comment Platon opère le passage de Γερως παιδικός à Γερως ουράνιος. Π y a
là une si haute promotion du παιδοφιλεΐν que le mythe de Ganymède, précisément
mentionné dans le Phèdre (255 c) comme une sorte de modèle mythique, ne pouvait
qu'en recevoir des significations philosophiques ou même religieuses nouvelles.
Mais reste à chercher pourquoi ce n'est plus Zeus qui ravit Ganymède comme il le
faisait jadis à Olympie, tout simplement et sans arrière-plan philosophique.
Quelques vases italiotes montrent Ganymède emporté par le cygne d'Aphrodite (7),
(1) P. Mangazzini, Zeus e Ganimede, oppure Posidone e Pelope? Festschrift Andreas Humpf,
Krefeld, 1952, pp. 113-115. Contra, avec discussion, H. Sichtermann (op. cit., pp. 30-31) qui est
revenu sur le problème : Zeus und Ganymed in frùhklassischer Zeit, Antike Kunst, 2, 1959, pp. 10-15.
(2) Zeus ravissant Ganymède dans l'art hellénistique et romain : H. Sichtermann, op. cit.,
p. 71. — A. Stenico, Un nuovo cratère prolofalisco, Archeologia classica, 10, 1958, pp. 286 sqq. a cru
reconnaître la rencontre de Ganymède et de Zeus sur un cratère protofalisque.
(3) Théocrite, XV, 124-125 et XX, 41. Cf. Sichtermann, op. cit., note 239.
(4) Sur cette distinction : H. Sichtermann, op. cit., p. 65.
(5) Témoignage antique sur l'œuvre de Léocharès : Pline l'Ancien, N.H., 34, 79 ; cf. aussi
Ant. Pal., 12, 221. — Sur le groupe : Ch. Picard, La sculpture antique de Phidias à Vère byzantine,
Paris, 1926, p. 100 ; M. Bieber, The Sculpture of the hellenistic age, New York, 1955, pp. 62-63. —
Discussion des différents témoins conservés : H. Sichtermann, op. cit., pp. 36-62. — Sur la date :
K. Schefold, Das Deuten von Sagenbildern, Gymnasium, 61, 1955, p. 288 qui ne le juge pas « pensab
le » avant 340 ; G. Donnay, La chronologie de Léocharès, REA, 61, 1959, pp. 300-309 : milieu du
IVe S.
(6) Op. cit., pp. 33-36.
(7) H. Sichtermann, op. cit., p. 37. GANYMÈDE ET L'AIGLE 195
mais le motif de l'aigle triompha naturellement ; c'est l'oiseau de Zeus, déjà chez
Homère, et le seul animal capable de monter jusqu'à l'Olympe, — avec l'escarbot,
il est vrai, comme nous l'apprend la fable d'Ésope citée par Aristophane dans
la Paix (1) ! La représentation de Zeus emportant lui-même Ganymède éperdu
d'amour eût été probablement déplaisante au début du ive siècle ; les scènes
pédérastiques, enlacements ou autres, qui apparaissent assez fréquemment au
vie siècle disparaissent dès le deuxième tiers du ve (2). Mais le spectacle de
Ganymède enlevé par l'aigle ne choquait pas (et sans doute surprenait-il moins
que celui de Trygée grimpant vers l'Olympe à dos d'escarbot !), car il y avait des
précédents dans la mythologie de Zeus ; Zeus-taureau enlève déjà Europe à
époque archaïque ; la légende de Léda et Zeus-cygne est connue d'Euripide (3).
Pourtant le rapt par l'aigle était beaucoup plus étrange que le rapt par Zeus
qui ressemblait exactement — · le ravisseur fût-il le père des dieux — ■ à des scènes
de séduction dont Athènes avait le spectacle quotidien, sinon à ces enlèvements
de garçons si traditionnels en Crète qu'on accu

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