Georges Cuvier ou l origine de la négation - article ; n°1 ; vol.23, pg 9-34
27 pages
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Description

Revue d'histoire des sciences et de leurs applications - Année 1970 - Volume 23 - Numéro 1 - Pages 9-34
26 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1970
Nombre de lectures 12
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Francis Courtes
Georges Cuvier ou l'origine de la négation
In: Revue d'histoire des sciences et de leurs applications. 1970, Tome 23 n°1. pp. 9-34.
Citer ce document / Cite this document :
Courtes Francis. Georges Cuvier ou l'origine de la négation. In: Revue d'histoire des sciences et de leurs applications. 1970,
Tome 23 n°1. pp. 9-34.
doi : 10.3406/rhs.1970.3110
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/rhs_0048-7996_1970_num_23_1_3110Georges Cuvier
ou l'origine de la négation
Exposé de M. Francis Courtes
Au premier rang des phénomènes qui, à l'heure actuelle, paraissent
avoir un sens et qui n'ont pas connu de tout temps cet honneur,
il y a celui du tragique, c'est-à-dire la nécessité de mort, d'abaiss
ement et de disparition lors de chaque valeur nouvelle qui vient à se
manifester. A ce thème dont la part nocturne est nietzschéenne,
le moralisme étant de Scheler, il est naturel d'opposer la formule
qui, à son tour, anéantit la valeur tragique en lui demandant ce
qu'elle veut prouver. Que Roberval ait eu l'idée de cette question
après avoir vu Polyeucte, ou qu'on la doive à Terrasson insatisfait
d'Iphigénie, l'adversaire de Descartes ou l'abbé cartésien se
défendent contre Dionysos avec l'esprit du géomètre.
La vertu du modèle qu'est la géométrie, bien loin d'être seu
lement épistémologique, peut servir à marquer une différence
d'époques. Si dans l'Ethique de Spinoza la causalité destructive
ne peut pas se faire accueillir, l'infinité de Dieu par laquelle tout
existe est la raison d'un tel refus, mais elle est reflétée par l'ordre
géométrique dont les contenus doivent être actuels : ce fond voulait
cette forme. Si Voltaire milite en faveur de l'expérience et de la
géométrie, c'est parce que l'arpentage du jardin de Candide symbol
ise un positivisme ; et si le même slogan se trouve chez Sweden
borg (1), c'est pour accompagner la plénitude des séries. Inverse
est chez Cournot (2) le primat exercé par « l'élément historique » :
la vie réclame pour apparaître à la surface de la Terre une certaine
constitution astronomique, physique, chimique du globe et de
(1) Principia rerum naturalium (Dresde et Leipzig, 1734), t. I, § 1 : l'expé
rience, la géométrie et la faculté de raisonner forment, du reste, une série.
(2) Traité de V enchaînement des idées fondamentales, § 217. 10 REVUE D'HISTOIRE DES SCIENCES
ses enveloppes fluides ; les principes sont devenus des présupposit
ions, de strictes conditions de possibilité ; la subordination fait
prévoir également l'irréversible, l'irréparable. Autre chose que la
disproportion de leurs mérites sépare Cournot et Terrasson : un
événement qui ait clos le temps du réel plein et positif. A ce temps
appartient le petit Essai de Kant sur les quantités négatives, dont
la promesse et le résultat s'accordent tellement mal que l'auteur y
découvre la trame continue de nos représentations et de toutes nos
activités ; le manque y est dénoncé comme une simple apparence,
l'annulation y est décrite comme une double réalité, et le repos
qui en est une par surabondance de mouvements y est réputé plus
lourd de significations que le néant de la contradiction logique : le
zéro de la science compte plus que le rien, du fait qu'en sa cause il
est deux ; les principes réels s'étendent sous les lacunes de l'expé
rience intérieure et sous la convention du signe négatif. A ce temps
appartient le Système de la nature (1) sans détour et sans équivoque :
la nature jette les dés d'une manière si sûre que le hasard est aboli ;
de plus les jets sont infinis, de sorte que la variété est première par
rapport à la variation ; la nature ne faisant « rien que de nécessaire »,
ses lois supplantent « une sagesse, une intelligence, une bonté » qui
seraient divines ; équivalentes à Dieu, elles expliquent les mêmes
choses, l'ubiquité de l'être : « ne limitons jamais les forces de la
nature ». A ce temps appartient aussi la polémique autour du livre
de d'Holbach : car faute d'inventer un thème original, Holland (2)
ne fait que préciser celui qu'il pense réfuter ; en écrivant que la
nourriture « ne saurait ajouter une fibre » à la machine qu'est le
corps organisé, il éloigne seulement le pouvoir créateur ; il repousse
l'idée d'un cumul d'espérances et d'un progrès par addition, au
nom de celle-ci, que le dessin est achevé depuis le début : la durée
n'amène rien parce qu'il ne manque rien à cette infinité qui, même
pour d'Holbach, devance l'éternité ; peu importe qu'elle soit
nommée Dieu ou nature. Au temps du souverain bien, le mieux est
superflu. Au temps de Cournot, le maintien est déjà difficile, les
types vivants sont menacés. La variété qui fut richesse est devenue
problème et danger (3) ; on sait maintenant que des espèces ont
disparu sans descendance, parce que les moyens de vivre leur
(1) Nouvelle édition, Londres, 1771 : t. II, p. 163 et 177-178.
(2) Réflexions philosophiques sur le Système de la Nature (Paris, 1773), première
partie, p. 58.
(3) Traité..., § 292. CUVIER OU L'ORIGINE DE LA NÉGATION 11 GEORGES
avaient été refusés ; toute modification implique un préjudice
pour les formes de vie antérieurement données : on le saurait moins
bien sans les Recherches de Cuvier sur les ossements fossiles, et leur
Discours préliminaire, « sur les révolutions de la surface du globe ».
La différence des temps est marquée par ce livre.
Par lequel de ses thèmes ? Essayons de préciser. Les passages
sur lesquels Flourens a insisté concernent la destruction soudaine
des espèces, englouties dans des catastrophes qui ne leur ont pas
« laissé le temps de se livrer à leurs variations » ; pas de changements
graduels, pas de formes intermédiaires ; au contraire : mort subite
et discontinuité. A coup sûr Flourens est orfèvre : c'est sa doctrine
à lui (1), « que le nombre des espèces va toujours en diminuant » ;
sa lecture est intéressée. De tels passages, du reste, ne contiennent
que des faits, ou plus exactement des absences de faits : ils ne suff
isent pas à établir la « constance » de ces « espèces d'autrefois » ; ils
peuvent seulement la confirmer, la retrouver pourvu qu'elle soit
trouvée d'abord par une voie différente. Enfin, la mort sans descen
dance ne suffit pas non plus à faire que les espèces soient éloignées
les unes des autres : autrement il faudrait objecter à Guvier tous
les rapprochements (2) qu'il a cherchés aussi. Par contre, ce qui
est vrai, c'est que grâce à Cuvier les discontinuités cessent d'être
des objections alors qu'elles en étaient bel et bien jusqu'à lui. Son
éloge d'Adanson en porte témoignage, en tant qu'il oppose à une
méthode naturelle fondée sur les propriétés une méthode universelle
occupée exclusivement des ressemblances des organes : la première,
la sienne, serait physiologique, rationnelle, orientée vers « la nature
intime » propre à telle organisation ; la seconde, celle d'Adanson,
composait le tableau, organe après organe, des formes variées :
par système et combinaison, elle avançait dans le possible et pré
tendait « deviner d'avance les espèces inconnues ». La conclusion
de cet artifice était d'affirmer le plein du catalogue des formes.
Ce plein, Lamarck le supposait dans la continuité de sa série unique :
et s'il a inventé l'influence du milieu, agissant par l'intermédiaire
de la mécanique animale, c'est afin de le maintenir à titre de principe
là où en fait il le perdait de vue ; la loi fondamentale est la « compos
ition », la tendance « à former une gradation régulière » ; la pertur-
(1) De la longévité humaine et de la quantité de vie sur le globe (3e éd., 1856), p. 104.
(2) Lettres de Georges Cuvier à С M. Pfaff (traduites par Louis Marchant, Paris,
1858), p. 247. REVUE D'HISTOIRE DES SCIENCES 12
bation vient de multiples circonstances qui brouillent la suite de
ses

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