Hiérarchies sociales chez les Baruya de Nouvelle-Guinée - article ; n°69 ; vol.36, pg 239-259
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Journal de la Société des océanistes - Année 1980 - Volume 36 - Numéro 69 - Pages 239-259
In this text the author analyses the different forms of social hierarchies which existed among the Baruya, a tribe from the interior of Papua New Guinea, before their colonisation in 1960. He notes the existence of several inter-related systems, stemming from a fundamental trait: the domination of men over women. In the first part he describes visible signs of women's subordination, their inability to own land, the making of their tools, the making and use of arms and means of destruction, and sacred objects which make it possible to communicate with the supernatural and to produce life. He then quickly analyses social institutions which produce and justify men's domination and women's subordination, that is to say masculine and feminine initiations. He shows that as they reach adulthood, all the young men dominate all the young women they are going to marry. But this social hierarchy between the sexes does not exhaust Baruya hierarchies. Among the men who dominate women there are some who dominate all the other men. These are the great men. The author analyses the mechanics of producing these great men. First he singles out the masters of masculine initiation rituals who possess sacred objects and magic formulas inherited from their ancestors. These men are great through their function. Other men are great because of their abilities, individually, without heritage: the great warriors, the shamans, and the cassowary hunters. He shows that here too there is male domination, as the cassowary is a woman, the symbol of all primitive women. Finally the author poses a general theoretical problem. He shows that the Baruya society has no big man, men who accumulate riches in order to have women, and women to have riches, and who establish their position through a calculated game of giving and receiving gifts. He underlines that Marshall Sahlins' analysis missed an essential point: when there is a direct exchange of women, there is no need to accumulate riches in order to obtain women and reproduce life. So it is in very special structural conditions that the big man emerges.
Dans ce texte l'auteur analyse les différentes formes de hiérarchies sociales qui existaient chez les Baruya, une tribu de l'intérieur de la Papouasie-Nouvelle-Guinée, avant leur colonisation en 1960. Il fait apparaître l'existence de plusieurs systèmes qui s'emboîtent les uns dans les autres et s'enracinent dans un fait fondamental : la domination des hommes sur les femmes. Dans une première partie, il décrit les signes visibles de la subordination des femmes, leur séparation de la propriété de la terre, de la fabrication de leurs outils, de la fabrication et de l'usage des armes et moyens de destruction, des objets sacrés qui permettent de communiquer avec le surnaturel et de produire la vie. Il analyse ensuite rapidement les institutions sociales qui produisent et légitiment la domination des hommes et la subordination des femmes, à savoir les initiations masculines et féminines. Il montre qu'au terme de leur jeunesse, tous les jeunes hommes dominent toutes les jeunes femmes qu'ils vont épouser. Mais cette hiérarchie sociale entre les sexes n'épuise pas les hiérarchies baruya. Parmi les hommes qui dominent les femmes, il en est qui dominent tous les autres hommes : ce sont des « grands hommes ». L'auteur analyse le mécanisme de production de ces grands hommes. Il distingue d'abord les maîtres des rituels d'initiation masculine qui possèdent des objets sacrés et des formules magiques héritées de leurs ancêtres. Ces hommes sont grands par leur fonction. A côté d'eux d'autres hommes sont grands par la manière dont ils remplissent leur fonction, individuellement, sans héritage : les grands guerriers, les chamanes, les chasseurs de casoars. Il montre que là encore se reproduit la domination masculine puisque le casoar est une femme, le symbole de toutes les femmes sauvages. Finalement, l'auteur pose un problème théorique de portée générale. Il montre que la société baruya n'a pas de big man, d'hommes qui accumulent des richesses pour avoir des femmes, des femmes pour avoir des richesses, et qui établissent leur renommée par le jeu calculé de leurs dons et contre-dons. Il souligne que l'analyse de Marshall Sahlins a manqué un point essentiel. Lorsqu'il y a échange direct des femmes, il n'y a pas de raison d'accumuler des richesses pour obtenir des femmes et reproduire la vie. C'est donc dans des conditions structurales très particulières qu'émerge le big man.
21 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1980
Nombre de lectures 265
Langue Français
Poids de l'ouvrage 2 Mo

Extrait

Maurice Godelier
Hiérarchies sociales chez les Baruya de Nouvelle-Guinée
In: Journal de la Société des océanistes. N°69, Tome 36, 1980. pp. 239-259.
Citer ce document / Cite this document :
Godelier Maurice. Hiérarchies sociales chez les Baruya de Nouvelle-Guinée. In: Journal de la Société des océanistes. N°69,
Tome 36, 1980. pp. 239-259.
doi : 10.3406/jso.1980.3041
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/jso_0300-953X_1980_num_36_69_3041Abstract
In this text the author analyses the different forms of social hierarchies which existed among the Baruya,
a tribe from the interior of Papua New Guinea, before their colonisation in 1960. He notes the existence
of several inter-related systems, stemming from a fundamental trait: the domination of men over women.
In the first part he describes visible signs of women's subordination, their inability to own land, the
making of their tools, the making and use of arms and means of destruction, and sacred objects which
make it possible to communicate with the supernatural and to produce life. He then quickly analyses
social institutions which produce and justify men's domination and women's subordination, that is to say
masculine and feminine initiations. He shows that as they reach adulthood, all the young men dominate
all the young women they are going to marry. But this social hierarchy between the sexes does not
exhaust Baruya hierarchies. Among the men who dominate women there are some who dominate all
the other men. These are the "great men". The author analyses the mechanics of producing these great
men. First he singles out the masters of masculine initiation rituals who possess sacred objects and
magic formulas inherited from their ancestors. These men are great through their function. Other men
are great because of their abilities, individually, without heritage: the great warriors, the shamans, and
the cassowary hunters. He shows that here too there is male domination, as the cassowary is a woman,
the symbol of all primitive women. Finally the author poses a general theoretical problem. He shows that
the Baruya society has no big man, men who accumulate riches in order to have women, and women to
have riches, and who establish their position through a calculated game of giving and receiving gifts. He
underlines that Marshall Sahlins' analysis missed an essential point: when there is a direct exchange of
women, there is no need to accumulate riches in order to obtain women and reproduce life. So it is in
very special structural conditions that the big man emerges.
Résumé
Dans ce texte l'auteur analyse les différentes formes de hiérarchies sociales qui existaient chez les
Baruya, une tribu de l'intérieur de la Papouasie-Nouvelle-Guinée, avant leur colonisation en 1960. Il fait
apparaître l'existence de plusieurs systèmes qui s'emboîtent les uns dans les autres et s'enracinent
dans un fait fondamental : la domination des hommes sur les femmes. Dans une première partie, il
décrit les signes visibles de la subordination des femmes, leur séparation de la propriété de la terre, de
la fabrication de leurs outils, de la fabrication et de l'usage des armes et moyens de destruction, des
objets sacrés qui permettent de communiquer avec le surnaturel et de produire la vie. Il analyse ensuite
rapidement les institutions sociales qui produisent et légitiment la domination des hommes et la
subordination des femmes, à savoir les initiations masculines et féminines. Il montre qu'au terme de leur
jeunesse, tous les jeunes hommes dominent toutes les jeunes femmes qu'ils vont épouser. Mais cette
hiérarchie sociale entre les sexes n'épuise pas les hiérarchies baruya. Parmi les hommes qui dominent
les femmes, il en est qui dominent tous les autres hommes : ce sont des « grands ». L'auteur
analyse le mécanisme de production de ces grands hommes. Il distingue d'abord les maîtres des rituels
d'initiation masculine qui possèdent des objets sacrés et des formules magiques héritées de leurs
ancêtres. Ces hommes sont grands par leur fonction. A côté d'eux d'autres hommes sont grands par la
manière dont ils remplissent leur fonction, individuellement, sans héritage : les grands guerriers, les
chamanes, les chasseurs de casoars. Il montre que là encore se reproduit la domination masculine
puisque le casoar est une femme, le symbole de toutes les femmes sauvages. Finalement, l'auteur
pose un problème théorique de portée générale. Il montre que la société baruya n'a pas de big man,
d'hommes qui accumulent des richesses pour avoir des femmes, des femmes pour avoir des richesses,
et qui établissent leur renommée par le jeu calculé de leurs dons et contre-dons. Il souligne que
l'analyse de Marshall Sahlins a manqué un point essentiel. Lorsqu'il y a échange direct des femmes, il
n'y a pas de raison d'accumuler des richesses pour obtenir des femmes et reproduire la vie. C'est donc
dans des conditions structurales très particulières qu'émerge le big man.Hiérarchies sociales
chez les Baruya de Nouvelle-Guinée
par
Maurice GODELIER*
dessinent le portrait d'un personnage que nous Dans ce texte nous nous proposons de
reconstituer la manière dont les Baruya, une n'avons pas rencontré chez les Baruya.
population des Eastern Highlands, se gouver Un Big Man, selon Sahlins, c'est un homme
naient avant 1960, date de leur soumission au qui possède un pouvoir personnel acquis par
pouvoir colonial australien. Nous indiquerons ses propres mérites, donc hérité et heritable.
Ces mérites sont nés de l'exercice de divers ensuite brièvement les transformations qui
sont nées de l'instauration d'un régime d'ad talents, pouvoirs magiques, dont oratoires,
ministration coloniale directe qui prit fin, en bravoure à la guerre, compétence et efforts
décembre 1975, avec l'accession de la Papoua- dans le travail agricole, qui ont prouvé sa
sie Nouvelle-Guinée à l'indépendance. Un quart supériorité dans ces divers contextes. Cepend
de siècle à peine s'était écoulé depuis qu'en ant, selon Sahlins, ces talents ne suffisent pas
1951 James Sinclair, alors Patrol Officer à à faire d'un homme un Big Man. Il faut encore
Mumeng, ne décide de monter une expédition qu'il s'y ajoute une capacité qui semble jouer
pour aller découvrir les Batya, comme on un rôle décisif dans la formation de son pres
tige et de son pouvoir : la capacité de savoir appelait dans la région de Mumeng la tribu
inconnue qui fabriquait un sel renommé, et qui amasser les richesses et de les redistribuer
était en fait les Baruya. avec une générosité calculée. Peu à peu ces
Notre analyse, comme nous espérons pou talents, cette richesse, cette générosité valent
voir le démontrer, fait apparaître l'existence à cet homme le respect d'un grand nombre
chez les Baruya d'une logique sociale globale d'individus qui appartiennent à sa propre tribu
et aux tribus voisines. Et bientôt, pour un qui place au premier rang de la société des
« grands hommes » qui assument de façon certain nombre d'entre eux, le respect, l'admi
ration se transforment en loyauté et en supexceptionnelle certaines fonctions, au pre
mier rang desquelles la guerre et le chama- port actif. Ce sont en général des proches,
nisme. Nous montrerons que cette société à des parents, des alliés, des voisins qui con
« Great Men » contraste profondément avec sentent à aider cet homme dans ses entre
celles au sein desquelles le personnage social prises et forment alors une « faction » sur
principal est un « Big Man ». Nous suggére laquelle il s'appuie pour faire grandir son nom
rons pour finir que les sociétés à Big Men, bien au delà des frontières de sa tribu.
Pour Sahlins, ces types de pouvoir et de perqui tendent aujourd'hui un peu trop facil
sonnage n'apparaissent pas au hasard. Ils naîement, à la suite de Marshall Sahlins, à être
traient au sein de certaines sociétés tribales considérées comme typiques des sociétés mé
lanésiennes, constituent une variété parmi sans pouvoir central, acéphales, composées
d'un certain nombre de groupes locaux égaux d'autres dont il faut chercher les raisons de
sur le plan politique, administrant eux-mêmes l'apparition et du développement. Pour rendre
leurs ressources matérielles et organisés selon ce contraste plus perceptible, nous résume
des rapports de parenté segmentaires qui, à rons brièvement les éléments qui, selon
la différence des sociétés africaines segmen- M. Sahlins, font le pouvoir d'un Big Man et q

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