Hôtel, luxe et société de cour : le marché aristocratique parisien au XVIIIe siècle - article ; n°3 ; vol.10, pg 339-369
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Hôtel, luxe et société de cour : le marché aristocratique parisien au XVIIIe siècle - article ; n°3 ; vol.10, pg 339-369

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Description

Histoire & Mesure - Année 1995 - Volume 10 - Numéro 3 - Pages 339-369
Hotel, luxury and court society : the parisian aristocratic market in the eighteenth century. The aristocratic consumption market involved a considerable number of merchants and artisans. Its organization was marked by three essential traits : its size, its segregation, and its attraction. These features can, in part, be explained, on the one hand, by the geographic dispersion of the market and the professional divisions between merchants and, on the other hand, by the high demands of the nobles. The hotel was not at the heart of its network of suppliers; the aristocratic residence spread into all quarters, including the suburbs. But hotels were nonetheless poles of attraction. This fact is attested to by the disequilibrium between the east and the west of the capital where the majority of merchants assembled. The sumptuous large hotels were the theater of change. In the court society the stake was vital : the spectacle which they offered remained the last means of getting the upper hand. It was by their prodigality that the aristocrat affirmed his preeminence. The merchants of the court understood this fact and ingeniously launched ever new fashions. In the eighteenth century the acceleration of exchanges and the rise of shops attests to the effect of the training of the aristocratic market, one of the motor forces of the economy.
Le marché de consommation aristocratique met en jeu un nombre considérable de marchands et d’artisans. Son organisation est marquée par trois traits essentiels : l’ampleur, la ségrégation, l’attraction qui s’expliquent, d’une part, par la dispersion géographique et le morcellement professionnel des marchands et, d’autre part, par les exigences élevées des nobles. L’hôtel n’est pas au cœur de son réseau de fournisseurs : la demeure aristocratique puise dans tous les quartiers, jusque dans les faubourgs. Mais les hôtels n’en constituent pas moins des pôles d’attraction. En témoigne le déséquilibre entre l’est et l’ouest de la capitale, où se rassemblent la plupart des marchands. L’hôtel des grands, lieu somptuaire, est le théâtre du changement. Dans la société de cour, l’enjeu est vital : le spectacle offert reste le dernier moyen de l’emporter sur tous. C’est par sa prodigalité que l’aristocrate affirme sa prééminence. Les marchands de la cour l’ont bien compris, qui s’ingénient sans cesse à lancer de nouvelles modes. Au XVIIIe siècle, l’accélération des échanges et l’essor boutiquier attestent de l’effet d’entraînement du marché aristocratique, l’un des moteurs les puissants de l’économie.
31 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1995
Nombre de lectures 42
Langue Français
Poids de l'ouvrage 2 Mo

Extrait

Natacha Coquery
Hôtel, luxe et société de cour : le marché aristocratique parisien
au XVIIIe siècle
In: Histoire & Mesure, 1995 volume 10 - n°3-4. pp. 339-369.
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Coquery Natacha. Hôtel, luxe et société de cour : le marché aristocratique parisien au XVIIIe siècle. In: Histoire & Mesure, 1995
volume 10 - n°3-4. pp. 339-369.
doi : 10.3406/hism.1995.1560
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/hism_0982-1783_1995_num_10_3_1560Abstract
Hotel, luxury and court society : the parisian aristocratic market in the eighteenth century.
The aristocratic consumption market involved a considerable number of merchants and artisans. Its
organization was marked by three essential traits : its size, its segregation, and its attraction. These
features can, in part, be explained, on the one hand, by the geographic dispersion of the market and the
professional divisions between merchants and, on the other hand, by the high demands of the nobles.
The hotel was not at the heart of its network of suppliers; the aristocratic residence spread into all
quarters, including the suburbs. But hotels were nonetheless poles of attraction. This fact is attested to
by the disequilibrium between the east and the west of the capital where the majority of merchants
assembled. The sumptuous large hotels were the theater of change. In the court society the stake was
vital : the spectacle which they offered remained the last means of getting the upper hand. It was by
their prodigality that the aristocrat affirmed his preeminence. The merchants of the court understood this
fact and ingeniously launched ever new fashions. In the eighteenth century the acceleration of
exchanges and the rise of shops attests to the effect of the training of the aristocratic market, one of the
motor forces of the economy.
Résumé
Le marché de consommation aristocratique met en jeu un nombre considérable de marchands et
d’artisans. Son organisation est marquée par trois traits essentiels : l’ampleur, la ségrégation,
l’attraction qui s’expliquent, d’une part, par la dispersion géographique et le morcellement professionnel
des marchands et, d’autre part, par les exigences élevées des nobles. L’hôtel n’est pas au cœur de son
réseau de fournisseurs : la demeure aristocratique puise dans tous les quartiers, jusque dans les
faubourgs. Mais les hôtels n’en constituent pas moins des pôles d’attraction. En témoigne le
déséquilibre entre l’est et l’ouest de la capitale, où se rassemblent la plupart des marchands. L’hôtel
des grands, lieu somptuaire, est le théâtre du changement. Dans la société de cour, l’enjeu est vital : le
spectacle offert reste le dernier moyen de l’emporter sur tous. C’est par sa prodigalité que l’aristocrate
affirme sa prééminence. Les marchands de la cour l’ont bien compris, qui s’ingénient sans cesse à
lancer de nouvelles modes. Au XVIIIe siècle, l’accélération des échanges et l’essor boutiquier attestent
de l’effet d’entraînement du marché aristocratique, l’un des moteurs les puissants de l’économie.Histoire & Mesure, 1995, X-3/4, 339-369
Natacha Coquery*
Hôtel, luxe et société de cour : le marché
aristocratique parisien au XVIIIe siècle
Le marché de consommation aristocratique met en jeu un nombre consi
dérable de marchands et d'artisans. Son organisation est marquée par trois traits
essentiels : l'ampleur, la ségrégation, l'attraction qui s'expliquent, d'une part,
par la dispersion géographique et le morcellement professionnel des marchands
et, d'autre part, par les exigences élevées des nobles.
L'hôtel n'est pas au cœur de son réseau de fournisseurs : la demeure
aristocratique puise dans tous les quartiers, jusque dans les faubourgs. Mais
les hôtels n'en constituent pas moins des pôles d'attraction. En témoigne le
déséquilibre entre l'est et l'ouest de la capitale, où se rassemblent la plupart
des marchands.
L'hôtel des grands, lieu somptuaire, est le théâtre du changement. Dans
la société de cour, l'enjeu est vital : le spectacle offert reste le dernier moyen
de l'emporter sur tous. C'est par sa prodigalité que l'aristocrate affirme sa
prééminence. Les marchands de la cour l'ont bien compris, qui s'ingénient
sans cesse à lancer de nouvelles modes. Au XVIIIe siècle, l'accélération des
échanges et l'essor boutiquier attestent de l'effet d'entraînement du marché
aristocratique, l'un des moteurs les puissants de l'économie.
Hotel, luxury and court society : the parisian aristocratic market in
the eighteenth century. The aristocratic consumption market involved a
considerable number of merchants and artisans. Its organization was marked
by three essential traits : its size, its segregation, and its attraction. These
features can, in part, be explained, on the one hand, by the geographic
dispersion of the market and the professional divisions between merchants
and, on the other hand, by the high demands of the nobles.
The hotel was not at the heart of its network of suppliers ; the
aristocratic residence spread into all quarters, including the suburbs. But
hotels were nonetheless poles of attraction. This fact is attested to by the
disequilibrium between the east and the west of the capital where the
majority of merchants assembled.
The sumptuous large hotels were the theater of change. In the court society
the stake was vital : the spectacle which they offered remained the last means of
getting the upper hand. It was by their prodigality that the aristocrat affirmed his
preeminence. The merchants of the court understood this fact and ingeniously
launched ever new fashions. In the eighteenth century the acceleration of
exchanges and the rise of shops attests to the effect of the training of the
aristocratic market, one of the motor forces of the economy.
* Université F. Rabelais, Centre de Recherches sur l'histoire des villes (Equipe
d'accueil 1372), 3 rue des Tanneurs - 37041 - Tours Cedex.
339 Histoire & Mesure
Le marché de consommation aristocratique, biens matériels comme
biens intellectuels, dépenses quotidiennes comme dépenses de luxe, met
en jeu un nombre impressionnant de « gens de négoce et de métier,
marchands, boutiquiers et artisans, nécessaires à leur logement, leur
habillement, leur chauffage, leur alimentation, leur transport 1 ». Comme
l'écrit justement Condillac, les « matières premières qu'on travaille dans
les manufactures passent par bien des artisans et par bien des marchands,
avant d'arriver aux consommateurs 2. . . » Le but de l'enquête est de saisir
sur le vif un modèle de dépenses, qui se traduit dans l'espace parisien. Il
s'agit précisément de montrer et de comprendre les rapports spatiaux qui
se nouent entre la maisonnée, lieu de consommation, et ses fournisseurs,
de saisir l'impact spatial des activités économiques suscitées ; faire, en
d'autres termes, une histoire de la rencontre dans l'espace des consom
mateurs et des commerçants. L'objet n'est pas l'analyse du commerce en
général à Paris au XVIIIe siècle, vaste enquête qui reste à entreprendre,
mais les relations entre quelques clients privilégiés et leurs marchands,
ces intermédiaires de l'échange. En conséquence, ce ne sont pas des aires
de chalandise que l'on se propose de découvrir, c'est-à-dire l'espace
d'attraction des commerces 3, mais à l'inverse les aires de répartition de
certains fournisseurs.
Le problème posé est de saisir en quoi l'hôtel représente un modèle
de consommation, de comprendre comment le milieu de la cour donne
naissance à ce qu'on serait bien tenté d'appeler une société de consom
mation 4, malgré sa différence avec l'acception actuelle du terme. Elle
n'est en effet pas induite comme de nos jours par un système économique
à l'affût du profit, suite lointaine de la révolution industrielle, mais par
l'organisation sociale du pouvoir absolutiste et ses retombées symboli
ques : c'est la société de cour qui pousse à consommer de façon
démesurée et suscite des besoins sans cesse renouvelés. La logique
sociale prime la logique économique. Ce dernier trait explique l'origi
nalité du marché de consommation aristocratique, qui n'est pas fixé par
les pures lois de l'offre et de la demande : l'importance du crédit et de la
rente fausse les règles du jeu et rend les partenaires dépendants.
L'analyse socio-économique de l'hôtel est un bon moyen d'étudier un

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