Jean Giono et la « collaboration » : nature et destin politique - article ; n°1 ; vol.54, pg 86-95
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Mots - Année 1998 - Volume 54 - Numéro 1 - Pages 86-95
JEAN GIONO ET LA «COLLABORATION»: NATURE ET DESTIN POLITIQUE Quelle était la politique de Giono pendant l'Occupation ? Malgré ce qu'affirme son biographe, P. Citron, les opinions de Giono, exprimées dans la presse collaborationiste, dans l'essai-roman « Triomphe de la vie » (1942) et surtout dans son « Journal de l'Occupation », publié en 1995, sont assez proches des perspectives de Vichy et même des nazis. Mais la vision réactionnaire de l'écrivain date de bien avant la guerre et se manifeste le plus clairement dans son chef-d'œuvre de 1930, « Regain ».
JEAN GIONO AND « COLLABORATIONISM » : NATURE AND POLITICAL DESTINY What were Giono' s politics during the German Occupation in France ? Despite affirmations to the contrary by his biographer, P. Citron, in the collaborationist press, in the 1942 novel/essay « Triomphe de la vie » and in his «Journal de l'Occupation» (1995), Giono expressed views similar to those expressed by Vichy ideologues and even the nazis themselves. But the writer's reactionary vision dates from well before the war, and is demonstrated in his 1930 fictional masterpiece, « Regain ».
JEAN GIONO Y LA « COLABORACIÓN » : NATURALEZA Y DESTINO POLITICO I Cual era la posición política de Giono durante la ocupación alemana ? A Pesar de lo que afirma su biógrafo P. Citron, las opiniones de Giono, expresadas en la prensa colaboracionista, en la novela-ensayo « Triomphe de la vie » (1942) y, sobre todo, en su « Journal de l'Occupation » publicado en 1995, se acercan bastante a las orientaciones de Vichy y mismo a las de los nazis. Pero la vision reaccionaria del escritor es muy anterior a la guerra y se manifiesta ya claramente en « Regain », su opera magna de 1930.
10 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1998
Nombre de lectures 57
Langue Français

Extrait

Richard Golsan
Jean Giono et la « collaboration » : nature et destin politique
In: Mots, mars 1998, N°54. pp. 86-95.
Citer ce document / Cite this document :
Golsan Richard. Jean Giono et la « collaboration » : nature et destin politique. In: Mots, mars 1998, N°54. pp. 86-95.
doi : 10.3406/mots.1998.2329
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/mots_0243-6450_1998_num_54_1_2329Résumé
JEAN GIONO ET LA «COLLABORATION»: NATURE ET DESTIN POLITIQUE Quelle était la politique
de Giono pendant l'Occupation ? Malgré ce qu'affirme son biographe, P. Citron, les opinions de Giono,
exprimées dans la presse collaborationiste, dans l'essai-roman « Triomphe de la vie » (1942) et surtout
dans son « Journal de l'Occupation », publié en 1995, sont assez proches des perspectives de Vichy et
même des nazis. Mais la vision réactionnaire de l'écrivain date de bien avant la guerre et se manifeste
le plus clairement dans son chef-d'œuvre de 1930, « Regain ».
Resumen
JEAN GIONO Y LA « COLABORACIÓN » : NATURALEZA Y DESTINO POLITICO I Cual era la
posición política de Giono durante la ocupación alemana ? A Pesar de lo que afirma su biógrafo P.
Citron, las opiniones de Giono, expresadas en la prensa colaboracionista, en la novela-ensayo «
Triomphe de la vie » (1942) y, sobre todo, en su « Journal de l'Occupation » publicado en 1995, se
acercan bastante a las orientaciones de Vichy y mismo a las de los nazis. Pero la vision reaccionaria
del escritor es muy anterior a la guerra y se manifiesta ya claramente en « Regain », su opera magna
de 1930.
Abstract
JEAN GIONO AND « COLLABORATIONISM » : NATURE AND POLITICAL DESTINY What were
Giono' s politics during the German Occupation in France ? Despite affirmations to the contrary by his
biographer, P. Citron, in the collaborationist press, in the 1942 novel/essay « Triomphe de la vie » and
in his «Journal de l'Occupation» (1995), Giono expressed views similar to those expressed by Vichy
ideologues and even the nazis themselves. But the writer's reactionary vision dates from well before the
war, and is demonstrated in his 1930 fictional masterpiece, « Regain ».Richard GOLSA№
Jean Giono et la « collaboration » :
nature et destin politique
Parmi les écrivains qui figuraient sur la « liste noire » des
collaborateurs rédigée par le Comité national des écrivains au
moment de la Libération, Jean Giono reste, pour beaucoup, un des
« cas » les plus ambigus ou, du moins, les plus discutés. Pour ses
défenseurs, au moment de l'occupation allemande, Giono a tout
simplement continué dans la voie d'un pacifisme qu'il avait défendu
avec acharnement depuis bien des années. Auteur de plusieurs textes
pacifistes pendant les années 1930, il a donné en 1938, avec Alain,
son appui aux accords de Munich. Deux ans plus tard, il ne pouvait
qu'approuver un Vichy qui « apportait la paix ». Comme on le sait
bien, Giono ne fut pas le seul pacifiste trompé par le nouveau
régime1...
En revanche, ceux qui le condamnent constatent que Giono était
admiré par les nazis aussi bien que par les idéologues de Vichy.
Le «néoprimitivisme» ou le « tarzanisme » 2 de son œuvre d'avant-
guerre suscitait un vif respect chez l'occupant, qui le fêtait dans
ses publications officielles. Sa photographie figurait sur le catalogue
de la Librairie allemande à Paris3 et, en mars 1943, le magazine
allemand Signal a consacré un article élogieux à l'écrivain pro
vençal4. Quelques mois plus tard, un autre article dans Signal a
affirmé à tort que c'était l'Allemagne nazie, et non la France, qui
0 MOCL, Texas A&M University, College Station, Texas, 77843, USA.
1. Pour les rapports entre le pacifisme d'avant-guerre et la collaboration, cf.
Pascal Ory, Les collaborateurs. 1940-1945, Paris, Le Seuil, 1976, p. 27-35
2. Le terme « tarzanisme » a été appliqué à l'œuvre de J. Giono dans les années
1930 par Henri Polies dans L'opéra politique, Paris, Gallimard, 1937, p. 207.
3. Pierre Hebey, La Nouvelle Revue française des années sombres. 1940-1941,
Paris, Gallimard, 1992, p. 349.
4. Ibid., p. 348.
86 Mots, 54, mars 98, p. 86 à 95 avait apprécié son talent en premier1. Non contents de célébrer
l'écrivain à distance, les Allemands ont aussi essayé plus d'une
fois de le faire venir aux Congrès des écrivains de l'Europe à
Weimar. J. Giono s'est esquivé, non sans exprimer une reconnais
sance apparemment sincère2.
Quant aux idéologues de Vichy — pour eux comme pour
beaucoup d'« ultras» à Paris — la célébration de la vie paysanne,
de la nature et de la Provence dans les romans de J. Giono
convenaient parfaitement aux thèmes majeurs de la Révolution
nationale, c'est-à-dire au « retour à la terre » et à l'importance des
régions du pays comme autant de lieux privilégiés de la « France
éternelle ». Ses dénonciations de la décadence de la vie moderne
et surtout des grandes villes, exprimées dans ses essais d'avant-
guerre aussi bien que dans Triomphe de la vie, œuvre majeure de
l'Occupation, plaisaient aussi aux réactionnaires pétainistes qui
rêvaient d'un passé qui, comme Philippe Burin l'a bien souligné,
n'a jamais vraiment existé3.
Le culte que les fidèles de la Révolution nationale vouaient à
J. Giono se manifestait de plusieurs façons. Sa pièce, Le Bout de
la route, a connu un succès remarquable au théâtre des Noctambules
pendant l'Occupation, avec plus de neuf cents représentations entre
juin 1941 et mai 19444. Une partie des frais de production était
payée par Vichy, et l'un des porte-parole du régime, Alfred Fabre-
Luce, exprimait son enthousiasme pour la pièce et surtout pour son
auteur, en appelant celui-ci un « dieu » dont le message était reçu
«avec une sorte de piété» par le public parisien5. Étant donné le
succès de l'œuvre théâtrale de J. Giono et surtout de son « mes
sage », il n'est pas surprenant que la troupe officielle du ministère
de l'Éducation s'appelle «Le Regain»6, nom tiré du célèbre roman
de Giono publié en 1930.
J. était aussi admiré par la presse collaborationniste à
Paris. La Gerbe d'Alphonse de Chateaubriant publiait régulièrement
des panégyriques de l'homme et de son œuvre. Lors de sa visite
1. Gérard Loiseaux, La Littérature de la défaite et de la collaboration, Paris,
Fayard, 1995, p. 577.
2. Philippe Burin, La France à l'heure allemande, Paris, Le Seuil, 1995, p. 354-
355.
3. Philippe Burin, « Vichy » dans Pierre Nora, Les Lieux de mémoire, Paris,
Gallimard, 1992, tome 3, p. 337.
4. Serge Added, Le Théâtre dans les années Vichy, Paris, Ramsay, p. 277.
5. Alfred Fabre-Luce, Journal de la France II (août 1940 — avril 1942), Paris,
Imprimerie JEP, p. 196.
6. Serge Added, Le Théâtre dans les années Vichy, p. 305.
87 Paris en mars 1942, à l'occasion de la publication de Triomphe à
de la vie, Giono a été fêté par presque toute la presse collabora-
tionniste. Comme le souligne son biographe, Pierre Citron, le nom
de J. Giono était « trois semaines de suite en tête de la première
page de Comœdia»1. Dans un article sur Giono publié le 19 mars
dans La Gerbe, l'auteur, Marius Richard, décrit son sujet comme
un « berger » du peuple français. Presque seul parmi ces voix
d'adulation, Robert Brasillach osait offrir une critique assez dure
de Triomphe de la vie et de son auteur dans Je suis partout : « M.
Giono pense, nous n'y pouvons rien»2.
Il est bien sûr injuste de condamner un écrivain et son œuvre
sous prétexte qu'on trouve choquants les gouts politiques et idéo
logiques de ses admirateurs qui croient les retrouver dans les écrits
de l'auteur en question. C'est ainsi que Pierre Citron essaie de
racheter J. Giono en constatant que l'admiration des pétainistes et
des nazis ne prouve rien quant à sa propre orientation politique ni
quant aux valeurs inscrites dans son œuvre. Selon P. Citron, J. Giono
était plutôt résistant (sa pièce Le Voyage en calèche a été refusée
par la censure allemande) et, de toute façon, « il n'a pas écrit un
mot en faveur des occupants ou de Vichy » 3. A propos du
« message » de l

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