L amitié et ses valeurs : esquisse ethnographique des travailleurs vietnamiens dans les pays socialistes d Europe de l Est - article ; n°1 ; vol.16, pg 235-246
13 pages
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L'amitié et ses valeurs : esquisse ethnographique des travailleurs vietnamiens dans les pays socialistes d'Europe de l'Est - article ; n°1 ; vol.16, pg 235-246

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Description

Revue européenne de migrations internationales - Année 2000 - Volume 16 - Numéro 1 - Pages 235-246
12 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié par
Publié le 01 janvier 2000
Nombre de lectures 36
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Andrew Hardy
L'amitié et ses valeurs : esquisse ethnographique des
travailleurs vietnamiens dans les pays socialistes d'Europe de
l'Est
In: Revue européenne de migrations internationales. Vol. 16 N°1. Dynamiques migratoires en Asie orientale. pp.
235-246.
Citer ce document / Cite this document :
Hardy Andrew. L'amitié et ses valeurs : esquisse ethnographique des travailleurs vietnamiens dans les pays socialistes
d'Europe de l'Est. In: Revue européenne de migrations internationales. Vol. 16 N°1. Dynamiques migratoires en Asie orientale.
pp. 235-246.
doi : 10.3406/remi.2000.1717
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/remi_0765-0752_2000_num_16_1_1717Revue Européenne des Migrations Internationales, 2000 (16) 1 pp. 235-246 235
NOTE DE RECHERCHE
L'amitié et ses valeurs : esquisse
ethnographique des travailleurs
vietnamiens dans les pays socialistes
d'Europe de l'Est
Andrew HARDY
Les Hanoiens se rendant à l'aéroport de Noi Bai peuvent y parvenir par deux
chemins. L'un, direct, emprunte le pont Chuong Duong qui, du centre ville traverse le
fleuve Rouge, pour arriver à Noi Bai par des routes de campagne. C'est l'ancienne
route de l'aéroport, la voie principale à la fin des années 1980. L'autre traverse le pont
Thang Long avant de foncer sur la nouvelle (et très belle) autoroute. C'est désormais le
chemin de prédilection et, en arrivant au pont, le voyageur et les membres de sa famille
l'accompagnant ne peuvent éviter de passer sous l'ombre d'une imposante statue qui
en domine l'approche. Sur celle-ci, pour les curieux qui pourraient s'arrêter, on trouve
une petite inscription indiquant la genèse du pont : il s'agit d'un fruit de la relation
d'amitié entre l'Union soviétique et le Vietnam1. Les deux ponts ont en effet été bâtis
grâce à l'aide soviétique.
LES DEUX PONTS D'HANOI
La construction de ces ouvrages d'art nous éclaire d'ailleurs sur l'utilisation
de cette aide dite « fraternelle ». Alors que le pont Thang Long, grâce à la statue,
demeure un vivant symbole de cette relation entre pays socialistes, il n'en est pas de
même pour le pont Chuong Duong. Aucune inscription ne rappelle l'origine des fonds
qui ont permis sa construction. En effet, les deux ponts ont été bâtis simultanément : le
* Post-Doctoral Research Fellow, Southeast Asian Studies Programme - Faculty of Arts and
Social Sciences, National University of Singapore, 10 Kent Ridge Crescent, Singapore 119260.
1 J'adresse mes plus vifs remerciements à Dang Phong pour son amitié et ses conseils pendant
mes recherches au Vietnam, ainsi qu'à Philippe Le Failler. Andrew HARDY 236
pont Thang Long avec l'aide officielle soviétique, et le pont Chuong Duong avec une
part « non-officielle », c'est-à-dire détournée, de cette aide. L'inauguration des ponts se
tint en 1985. Mais, du point de vue économique, c'est le pont « officieux » qui
manifestement l'emporte, offrant à la population de Hanoi une voie d'accès facile, non
seulement à la banlieue de Gia Lam et aux provinces du Nord, mais encore au port de
Haiphong et à la zone industrielle de Ha Long. Le pont Thang Long, quant à lui, sert
principalement de liaison avec l'aéroport.
La statue du pont Thang Long, malgré son envergure et une représentation
Spartiate et héroïque de la relation entre « frères socialistes », passe toutefois inaperçue
aux yeux de la plupart des voyageurs. Depuis le début des années 1990, ce sont les
panneaux publicitaires bordant l'autoroute qui frappent l'œil : leurs couleurs criardes
repiquées en pleine rizière augurent d'une coopération d'un tout autre ordre. La
Banque Indovina tout d'abord annonçait l'épopée des joint-ventures aux débuts de
l'ouverture du pays2. Mais dans bien des cas, surtout pendant les années 1980, ni la
statue ni les publicités ne distrayaient l'attention des voyageurs vietnamiens. Ils avaient
d'autres préoccupations. Et devant les bureaux de la douane, se répétaient les scènes
d'émotions familiales accompagnant le départ d'un proche.
Qui étaient ces personnes qui partaient à l'étranger ? Dans les années 1980, à
la différence d'aujourd'hui, le voyage en mission à représentait beaucoup et
dans les administrations vietnamiennes, on jouait des coudes pour en effectuer un. Une
fois l'occasion acquise, l'on taisait sa chance par crainte des jalousies. Le déplacement
à l'étranger des administrateurs nous renseigne sur la société socialiste. Ce système
soi-disant égalitaire créait une hiérarchie de privilèges qui jouait un rôle fort de
catégorisation de classes et ouvrait maintes possibilités de manipulation des privilèges
(Hoang Thi Thu Ha, 1999). Le voyage à l'étranger représentait l'un des plus beaux
achèvements de la réussite sociale et politique ainsi qu'un gain économique
appréciable (Dang Phong, 1997).
À l'aéroport toutefois, nul ne s'abîmait en scènes d'adieux pour ces départs de
courte (et profitable) durée. On n'assistait à ces petits événements familiaux que lors
du départ des personnes qui comptaient s'absenter pour des périodes plus longues. On
distinguait, jusqu'à 1980, trois catégories : « les diplomates, les cadres supérieurs
travaillant dans le commerce et quelques étudiants » (Vien Thong Tin Khoa Hoc Xa
Hoi, 1995 : 224). Le conflit avec la Chine et le rapprochement du Vietnam avec
l'URSS et les pays du Comecon changea cette situation (Vo Nhan Tri, 1990 ; Evans
and Rowley, 1990 : 137-9, 151-2). Dès le 11 février 1980, par la Décision 46-CP du
Conseil des Ministres, on rajouta une quatrième catégorie : les ouvriers.
Ce texte porte particulièrement sur ces derniers, ces ouvriers nombreux
travaillant dans les pays socialistes de l'Europe centrale, dont l'impact social au
2 Réalisée avec l'Indonésie, il s'agit de la première entreprise conjointe au Vietnam après le
lancement de la politique d'ouverture Doi Moi, et aussi l'une des premières des sociétés à
acheter de l'espace publicitaire sur la route de l'aéroport.
REMI 2000 (16) 1 pp. 235-246 L'amitié et ses valeurs : esquisse ethnographique des travailleurs vietnamiens 237
Vietnam comme dans les pays d'accueil était bien plus étendu que celui des autres
catégories de migrants. On estime à 257 882 le nombre de travailleurs qui prirent le
chemin de l'aéroport pendant les années 1980 vers les quatre principaux pays
d'accueil : l'Allemagne de l'Est, la Bulgarie, la Tchécoslovaquie et l'URSS (Vien
Thong Tin Khoa Hoc Xa Hoi, 1995 : 225). La chute du Mur de Berlin et l'effondrement
de l'URSS, provoquant la rupture des relations de solidarité socialistes, sonnèrent le
glas de ce programme d'exportation de main-d'œuvre. Ses apports pendant les dix
années de son fonctionnement, d'après l'analyse d'un institut de recherche vietnamien,
ont été considérables : il y a eu création d'emplois à peu de frais d'investissement. Près
de 300 000 ouvriers se sont trouvés un emploi stable pendant une période de 2 à 6 ans.
Le pays recevait annuellement plus de 100 milliards de dong, soit 10 millions de
dollars, au taux d'échange courant de 1987. (Vien Thong Tin Khoa Hoc Xa Hoi, 1995 :
225).
En effet, en vertu des conventions signées avec les pays frères, le Vietnam
arrivait à rembourser, grâce à sa main-d'œuvre, une partie importante de la dette
nationale, laquelle était dévolue à des investissements pour le développement du pays
(Evans and Rowley, 1990 : 152)3. Le pont Thang Long en était, d'ailleurs, un symbole
de premier ordre. À une époque de très grandes difficultés économiques, l'État trouvait
également dans l'émigration d'une partie de ses chômeurs une excellente solution à un
problème aigu. Le but de mes récentes recherches de terrain au Vietnam était
d'apprendre, dans ce contexte d'échange favorisé de valeurs entre États « amis », la
manière dont cette relation a été vécue par ceux qui participèrent au programme. Je
voudrais donc esquisser ici quelques lignes d'une problématique « vue d'en bas ».
Comment pourrait-on concevoir les valeurs de cette amitié ?
Malgré l'importance numérique de cette mig

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