L ange du haut Moyen Âge occidental (IVe—IXe siècles) : création ou tradition? - article ; n°15 ; vol.7, pg 31-49
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L'ange du haut Moyen Âge occidental (IVe—IXe siècles) : création ou tradition? - article ; n°15 ; vol.7, pg 31-49

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Description

Médiévales - Année 1988 - Volume 7 - Numéro 15 - Pages 31-49
19 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1988
Nombre de lectures 29
Langue Français
Poids de l'ouvrage 2 Mo

Extrait

Monsieur Philippe Faure
L'ange du haut Moyen Âge occidental (IVe—IXe siècles) :
création ou tradition?
In: Médiévales, N°15, 1988. pp. 31-49.
Citer ce document / Cite this document :
Faure Philippe. L'ange du haut Moyen Âge occidental (IVe—IXe siècles) : création ou tradition?. In: Médiévales, N°15, 1988.
pp. 31-49.
doi : 10.3406/medi.1988.1118
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/medi_0751-2708_1988_num_7_15_1118Philippe FAURE
L'ANGE DU HAUT MOYEN ÂGE OCCIDENTAL
(IVMXe SIÈCLES) : CRÉATION OU TRADITION ?
L'observateur attentif de la civilisation médiévale ne peut manquer
d'être frappé par l'omniprésence de la figure angélique, dans les textes
comme dans les images. Une imprégnation aussi forte s'explique assu
rément par le rôle de l'ange dans la Révélation judéo-chrétienne, mais
elle traduit aussi une longue fermentation à la fois intellectuelle, spiri
tuelle, psychologique puissamment créatrice.
A cet égard, le Haut Moyen Âge est une période décisive : loin de
marquer une rupture avec l'Antiquité tardive, elle voit d'abord s'a
ccomplir un important travail d'assimilation, de transmission et de dif
fusion des données patristiques, qui entraîne la formation d'une tradi
tion angélologique occidentale. Dans le même temps se dessine une
spiritualité de l'ange, issue du message théologique et mystique des Pères
de l'Église, mais qui cherche également à se situer par rapport à des at
titudes encore largement païennes. Officiellement définie, précisée,
encouragée, cette dévotion donne aux archanges une place prépondér
ante et parvient à maturité au IXe siècle, comme en témoignent
d'importantes réalisations d'ordre monumental et pictural.
La présente étude ne prétend qu'esquisser l'œuvre accomplie par le
Haut Moyen Âge dans ce vaste domaine, en insistant particulièrement
sur la continuité avec l'Antiquité tardive. Mais elle espère aussi montrer
l'importance d'une thématique spirituelle, injustement négligée ou sous-
estimée, qui devait imprégner durablement l'intellectualité, la mystique,
les pratiques religieuses, l'iconographie et l'imaginaire de l'occident
médiéval.
Naissance de la tradition angélologique occidentale
D'emblée, il faut souligner qu'au v* siècle l'angélologie est d'élabo
ration toute récente. En effet, longtemps perçue comme une matière à 32
la fois relativement secondaire et dangereuse en raison des déviations
auxquelles elle pouvait donner lieu dans un contexte païen, elle fut
abordée en Orient au IIIe siècle par Origène, et surtout au IVe siècle par
les « Cappadociens » (Grégoire de Nazianze, Basile de Césarée, Grégoire
de Nysse).
En Occident, elle est largement traitée par saint Augustin (354-430),
qui en fixe la doctrine, jusqu'à ce que, au XIIIe siècle, la théologie sco-
lastique prenne la relève. L'autorité de l'évêque d'Hippone est donc
considérable pour le Haut Moyen Âge. Quels sont les principaux points
de son enseignement?
Augustin affirme la nature spirituelle des anges, leur création avant
le deuxième jour du récit de la Genèse1, mais hésite sur la question de
leur corporéité, partagé entre l'influence contradictoire des Pères de
l'Église favorables à la pure spiritualité des êtres célestes, et celle des
néo-platoniciens partisans de l'existence d'un corps subtil. Augustin
semble finalement opter pour la notion d'un corps lumineux ou aérien,
forme spirituelle qui se transformerait selon l'action2. Il médite aussi
longuement sur le problème de la chute des anges et de l'origine du
mal : dès sa création, Satan ne s'est pas maintenu dans la vérité, il est
tombé par orgueil, sans avoir partagé le bonheur des êtres célestes3.
Quant aux fonctions des anges, elles découlent de leur création ad
ministrandum4 : gardiens des hommes, des nations, de l'univers entier,
ils célèbrent le Créateur, sont ses messagers éminents et peuvent accéder
aux vérités d'ordre surnaturel5. Les hiérarchies angéliques traduisent des
degrés de connaissance, mais gardent encore tout leur mystère. Sur tous
ces sujets, Augustin ne diffère pas de la plupart des Pères grecs. Si l'on
a pu dire qu'il est « à l'origine d'un tournant dans l'histoire de l'angé-
lologie occidentale6 », c'est surtout parce qu'il est amené à aborder les
anges sous l'angle de la connaissance, dans le cadre de sa méditation sur
la possibilité de la saisie de Dieu par l'esprit humain. La notion capitale
est alors celle de la lumière, qui désigne à la fois le Verbe, les anges dans
la mesure où ils participent à la naissance du Verbe, et la création cos
mique telle que les anges la perçoivent. Plus précisément, la lumière
s'applique à la connaissance ontologique des êtres et des choses par
l'ange, dans le Verbe, avant leur création7. Aussi saint Augustin dis-
tingue-t-il une vespérale, cognito vespera ou notifia
vespera8, saisie confuse et spontanée de la chose créée dans le créé, et
une connaissance matutinale, scientia matutina9, saisie lumineuse de la
1. Dei civitate Dei, XI, 9 et 32. Cor. Chr., Ser. lat., vol. XLVIII, p. 328-330 et 351-352.
2. Sermo CCCLXII, 17, dans P. L. 39, col. 1622.
3. Dei civitate Dei, XI, 13, ibid., p. 333-334.
4. De libero Arbitro, lib. HI, cap. XI, C. Chr., Ser. lat., vol. XXIX, p. 294.
5. De civ. Dei, XI, 29, ibid., p. 349.
6. G. Tavard : Les Anges, Paris, 1971, p. 106.
7 De civ. Dei, XI, 7 et II, ibid., p. 327 et p. 332-333. De Genesi ad litteram, IV, XXI
à XXXII, P. L. 34.
8. Op. cit., ibid., col. 316 et 317. 33
chose créée dans l'incréé, au sein du Verbe. L'illumination angélique se
déploie sur la création matérielle, que l'ange voit alors sous un aspect
transfiguré, reflété dans la lumière divine.
Grégoire le Grand (540-604) demeure globalement fidèle à l'évêque
d'Hippone. Il ne consacre aucun ouvrage particulier à l'angélologie,
mais a l'immense mérite de présenter une synthèse de l'enseignement
patristique10. Par rapport à son illustre maître, Grégoire insiste encore
davantage sur le caractère spirituel de la nature angélique11 et se montre
plus réservé sur le problème de la connaissance. Mais il admet tout à fait
que les anges accèdent à la vision de Dieu et même à la saisie anticipée
des mystères chrétiens, conception alors largement combattue. Surtout,
il introduit une plus grande précision dans la représentation du monde
céleste en adoptant, dans un ordre légèrement différent (fig. I), le sys
tème hiérarchique du pseudo-Denys l'Aréopagite, qui sera sans cesse
repris pendant tout le Moyen Âge. Isidore de Seville (570-636) offre une
autre synthèse de l'enseignement patristique, plus concise il est vrai. Il
consacre un chapitre du De Ordine creaturarum à la hiérarchie angélique
et un autre à la nature des démons; il oppose la spiritualité des êtres
célestes à la corporéité des hommes. Dans ses Etymologies, il s'efforce
d'expliciter les noms des archanges et de tous les chœurs, évoque la
participation des anges à la Révélation et à la liturgie d'en haut, indique
qu'ils veillent particulièrement sur les hommes et les lieux12.
Aux VIIe et VIIIe siècles, évêques et missionnaires se bornent à prê
cher la doctrine consignée par Grégoire et Isidore. Il faut attendre le
IXe siècle pour que prenne corps le second pilier de la tradition angélo-
logique occidentale, à la faveur de l'introduction de l'œuvre du pseudo-
Denys.
Envoyé en 827 à l'empereur d'Occident Louis le Pieux par l'empe
reur byzantin Michel le Bègue, traduit une première fois vers 835 par
Hilduin, abbé de Saint-Denis, le corpus dionysien est complètement
traduit puis commenté, à partir de 860, par une personnalité exceptionn
elle, Jean Scot Erigène (v. 810-v. 877). Loin de vouloir concurrencer
l'héritage augustinien, Scot entend donner toute son extension à la
théorie ang

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