L Arcadie chrétienne de Venance Fortunat. Un projet culturel, spirituel et social dans la Gaule mérovingienne - article ; n°31 ; vol.15, pg 109-127
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L'Arcadie chrétienne de Venance Fortunat. Un projet culturel, spirituel et social dans la Gaule mérovingienne - article ; n°31 ; vol.15, pg 109-127

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Description

Médiévales - Année 1996 - Volume 15 - Numéro 31 - Pages 109-127
In a certain number of his poems, Venance Fortunat, sixth century Latin poet of Merovingian Gaul, evokes loci amoeni in an association of Virgilian reminiscences and scriptural citations. The garden retains its classical significance as a privileged place, offering the aristocrat a propitious haven for religious and moral meditation, set apart from the political and civil life, but it also evokes the Christian model of monastic isolation. Fortunat uses Arcadian motives to celebrate not only the moral perfection as Christians of the Gallo-Roman bishops and the Frankish nobles, but also the traditional social and financial roles imposed upon them by their aristocratic condition : indeed, since Martin of Tours, the active life and the contemplative life have become reconciled in the episcopal career. By way of the locus amoenus which glorifies the excellence of the Christian, Fortunat offers the Frankish aristocracy a model of acculturation which resumes the fundamental values of Romanity.
Dans certaines de ses poésies, Venance Fortunal, poète latin de la Gaule mérovingienne du VIe siècle, s'attache à l'évocation de loci amoeni en conjuguant réminiscences virgiliennes et citations scripturaires. Le jardin garde sa signification classique de lieu privilégié offrant à l'aristocrate une retraite à la méditation religieuse et morale, loin de la vie civile et politique, mais il évoque aussi le modèle chrétien de l'isolement monastique. Fortunat se sert des motifs arcadiens pour célébrer chez les évêques gallo-romains et les nobles francs non seulement leur perfection morale de chrétiens mais aussi le rôle social et financier traditionnel imposé par leur condition aristoratique : car, depuis Martin de Tours, vie active et vie contemplative sont réconciliées dans la carrière de l'évêque. Par l'intermédiaire du locus amoenus qui glorifie l'excellence de l'homme chrétien, Fortunat propose à l'aristocratie franque un modèle d'acculturation qui reprend les valeurs fondamentales de la romanité.
19 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1996
Nombre de lectures 44
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Madame Anne Rolet
L'Arcadie chrétienne de Venance Fortunat. Un projet culturel,
spirituel et social dans la Gaule mérovingienne
In: Médiévales, N°31, 1996. pp. 109-127.
Abstract
In a certain number of his poems, Venance Fortunat, sixth century Latin poet of Merovingian Gaul, evokes loci amoeni in an
association of Virgilian reminiscences and scriptural citations. The garden retains its classical significance as a privileged place,
offering the aristocrat a propitious haven for religious and moral meditation, set apart from the political and civil life, but it also
evokes the Christian model of monastic isolation. Fortunat uses Arcadian motives to celebrate not only the moral perfection as
Christians of the Gallo-Roman bishops and the Frankish nobles, but also the traditional social and financial roles imposed upon
them by their aristocratic condition : indeed, since Martin of Tours, the active life and the contemplative life have become
reconciled in the episcopal career. By way of the locus amoenus which glorifies the excellence of the Christian, Fortunat offers
the Frankish aristocracy a model of acculturation which resumes the fundamental values of Romanity.
Résumé
Dans certaines de ses poésies, Venance Fortunal, poète latin de la Gaule mérovingienne du VIe siècle, s'attache à l'évocation de
loci amoeni en conjuguant réminiscences virgiliennes et citations scripturaires. Le jardin garde sa signification classique de lieu
privilégié offrant à l'aristocrate une retraite à la méditation religieuse et morale, loin de la vie civile et politique, mais il évoque
aussi le modèle chrétien de l'isolement monastique. Fortunat se sert des motifs arcadiens pour célébrer chez les évêques gallo-
romains et les nobles francs non seulement leur perfection morale de chrétiens mais aussi le rôle social et financier traditionnel
imposé par leur condition aristoratique : car, depuis Martin de Tours, vie active et vie contemplative sont réconciliées dans la
carrière de l'évêque. Par l'intermédiaire du locus amoenus qui glorifie l'excellence de l'homme chrétien, Fortunat propose à
l'aristocratie franque un modèle d'acculturation qui reprend les valeurs fondamentales de la romanité.
Citer ce document / Cite this document :
Rolet Anne. L'Arcadie chrétienne de Venance Fortunat. Un projet culturel, spirituel et social dans la Gaule mérovingienne. In:
Médiévales, N°31, 1996. pp. 109-127.
doi : 10.3406/medi.1996.1372
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/medi_0751-2708_1996_num_15_31_1372Médiévales 31, automne 19%, pp. 109-127
Anne ROLET
L'ARCADIE CHRETIENNE DE VENANCE FORTUNAT.
UN PROJET CULTUREL, SPIRITUEL ET SOCIAL
DANS LA GAULE MÉROVINGIENNE1
En observant le recueil des Poésies2 de Fortunat, on ne peut manquer
d'être frappé par l'éclectisme de cette production, qui mêle des descriptions
de villas, de baptistères et d'églises à des pièces rhétoriques de louanges à
l'intention d'évêques aristocrates gallo-romains, de clercs et de leudes
francs, voire même de rois et reines des différentes cours mérovingiennes.
S'y ajoutent des épitaphes tantôt brèves à l'extrême, tantôt élargissant aux
dimensions du genre épique la déploration funèbre. Les pièces de spiritualité
ne manquent pas non plus, mais aux côtés de ces « grandes machines »
viennent prendre place de petits billets de circonstance : leur sujet et leurs
destinataires - Radegonde et Agnès - nous laissent entendre qu'ils sont le
reflet de la vie menée par Fortunat au couvent de Sainte-Croix à Poitiers à
partir de 567. Il s'avère apparemment difficile de trouver une véritable unité
à ces pièces disparates, qui pour la plupart semblent n'avoir en commun
que d'appartenir à une tradition rhétorique très codifiée : en effet, au VIe
siècle la culture d'expression latine, pour fidèle qu'elle demeure aux écri
vains classiques, se formalise à l'excès sous l'égide des grammairiens et des
rhéteurs.
Cette diversité pourrait cependant trouver son fondement dans les méand
res de la vie tumultueuse du poète. Ses pérégrinations incessantes, de
Ravenne aux Pyrénées en passant par la Germanie, l'amènent à côtoyer une
multiplicité de personnages : grandes figures franques de lignée royale, tels
Sigebert et Brunehaut ou bien sûr Radegonde, épouse de Clotaire devenue
moniale à Poitiers, mais aussi personnalités épiscopales gauloises, tels Félix
de Nantes, Léonce de Bordeaux et Grégoire de Tours, auxquels il consacre
de véritables cycles de poèmes. Fortunat lui-même aurait joué le rôle de
poète de cour, doublé sans doute d'un rôle d'agent diplomatique3, avant de
1. Je tiens à exprimer ici toute ma gratitude à M. Lionel Mary, Maître de conférences à l'Uni
versité de Nanterre, qui a guidé mes recherches antérieures et a accepté de revoir ce travail.
2. Nous donnons dans cet article notre propre traduction des poèmes. Nous renvoyons pour le
texte latin (livres I à IV) à l'édition des Poésies de Fortunat par M. Reydellet, Paris, C.U.F, 1994.
Pour les autres livres, il faut se reporter à l'édition de F. Leo, Monumenta Germaniœ historica, AA,
4. 1, Berlin, 1881.
3. Voir J. Sasel, cité par M. Reydellet, op. cit., p. XVII. 110 A.ROLET
gérer les affaires du Couvent de Sainte-Croix à Poitiers en 567, d'entrer
dans les ordres en 576, pour parvenir vers 600 au rang d'évêque de Poitiers,
sans avoir toutefois renoncé à la poésie.
Cependant, si la biographie justifie la diversité de l'inspiration, elle
semble être un axe de lecture insatisfaisant pour découvrir l'unité qui régit
des pièces poétiques apparemment disparates. Pour comprendre le lien impli
cite qui permet de relier, par exemple, la description de villas, l'évocation
de l'activité caritative d'un évêque ou celle du mode de vie d'un noble franc,
certains billets en apparence anodins dédiés à Agnès ou Radegonde, tel
hymne à la croix, nous nous efforcerons d'éclairer l'interaction de la foi et
de l'activité sociale dans un projet global où la poésie est doublement médiat
rice : d'une part vectrice de leçons de romanité pour un public franc dans
une volonté d'acculturation, d'autre part instrument personnel de mise en
relation du transcendant et du sensible, grâce au motif privilégié du « jar
din ». Ce dernier, outre son rôle primordial de fusion entre certains traits
permanents de la mentalité religieuse romaine et les exigences de la foi
chrétienne, développe tout au long du recueil une grande richesse littéraire
et idéologique : il apparaît à la fois comme lieu de perfectionnement, exemp
le de fructification évergétique et intérieure, symbole de vie et métaphore
du Paradis.
Ascétisme chrétien et motifs naturalistes : la poétique de Fortunat
Retraite et. humilité, les fonctions spirituelles d'un cadre agreste
Fortunat, d'abord prêtre attaché à l'église métropolitaine de Poitiers à
partir de 576, est promu ensuite au siège episcopal vers 600, à la mort du
successeur de Marovée, Platon4. Or, au sein même de ses Poésies, il semble
possible de reconstituer, à l'aide de ces quelques jalons biographiques, l'it
inéraire traditionnel d'un propositum asceticum, c'est-à-dire d'un programme
de réforme spirituelle s' appuyant sur une retraite de type ascétique, selon le
terme de Jacques Fontaine5. Celle-ci s'inspire de la retraite traditionnelle
sur leurs terres ou leurs domaines de plaisance des grands aristocrates
romains propriétaires terriens, de Cicéron et Horace à Prudence et Paulin
de Noie à la fin du IVe siècle. Elle s'effectue dans une perspective plus ou
moins accentuée de retour aux valeurs religieuses archaïques romaines att
achées à la vie rurale, réactualisées par le christianisme et ses options monast
iques. Cette retraite combine une vie humble fondée sur l'exercice de tr
avaux quotidiens, essentiellement agrestes, et la méditation religieuse, toutes
deux scandées et soutenues par l'écriture poétique. Éloignée des valeurs
profanes, elle favorise le recueillement et la méditation nécessaires à l'acqui
sition de vertus et la constitution d'une véritable sagesse, préparant a

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