L article zéro en français : un imparfait du substantif? - article ; n°1 ; vol.72, pg 4-39
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L'article zéro en français : un imparfait du substantif? - article ; n°1 ; vol.72, pg 4-39

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Description

Langue française - Année 1986 - Volume 72 - Numéro 1 - Pages 4-39
36 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1986
Nombre de lectures 51
Langue Français
Poids de l'ouvrage 2 Mo

Extrait

M. Jean-Claude Anscombre
L'article zéro en français : un imparfait du substantif?
In: Langue française. N°72, 1986. pp. 4-39.
Citer ce document / Cite this document :
Anscombre Jean-Claude. L'article zéro en français : un imparfait du substantif?. In: Langue française. N°72, 1986. pp. 4-39.
doi : 10.3406/lfr.1986.4656
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/lfr_0023-8368_1986_num_72_1_4656J.-C. Anscombre
CNRS, EHESS
L'ARTICLE ZÉRO EN FRANÇAIS :
UN IMPARFAIT DU SUBSTANTIF?
« ... Mais puisque le français donne une si grande place à l'e
xpression nominale (c'est-à-dire statique) des procès, ne peut-on pas
s'attendre à ce qu'il arrive à rendre des nuances aspectives indi
rectement, par le véhicule des substantifs que la phrase met en
contact avec des verbes? Question embarrassante, parce que les
études ont été peu poussées dans cette direction : on cherche tou
jours l'aspect dans le verbe lui-même, presque jamais dans son
entourage... »
Ch. BALLY, Linguistique générale
et linguistique française.
1. Introduction
La comparaison entre le fonctionnement sémantique de l'article zéro
(nous verrons ce qu'il faut entendre par là) et la valeur aspectuelle de
l'imparfait paraîtra saugrenue à plus d'un. Et certes, ce rapprochement
n'a aucun caractère d'évidence. Nous y sommes conduit pour avoir pris
au sérieux — c'est-à-dire comme l'indice d'un phénomène linguistique,
une identité d'appréhension par les sujets parlants, quant au fonctio
nnement de ces deux entités linguistiques, que tout semble a priori séparer.
La valeur de l'imparfait à laquelle nous pensons est bien connue : il
s'agit de sa valeur narrative, parfois qualifiée de valeur pittoresque l.
Ainsi H. Sten écrit à ce propos : « ...on voit l'action se dérouler 2... ». Cette
aptitude à la monstration a valu à l'imparfait d'être décrit par
H. Weinreich comme manifestant le monde raconté, opposé au monde
commenté 3. Considérons par exemple les énoncés :
1. Ainsi dans Wartburg et Zumthor, Précis de syntaxe du français contemporain, Francké, Berne,
1958, p. 213.
2. H. Sten, Les temps du verbe fini (indicatif) en français moderne, Copenhague, 1964, p. 125-127
(cité par Grevisse).
3. H. Weinreich, Le temps, Éd. du Seuil, Paris, 1973, p. 44. Pierre y a fait une allusion au cours de sa conférence. 1)
2) Une allusion y a été faite par Pierre au cours de sa conférence.
(3) Pierre y a fait allusion au cours de sa conférence.
(4) Allusion y a été faite par Pierre au cours de sa conférence.
Ils sont acceptés sans réserve par les sujets parlants, qui les trouvent
très proches par le sens. Si de ce point de vue on leur demande cependant
de comparer (1) à (3) et (2) à (4), la réponse unanime est que la différence
essentielle réside en ce que dans (4), et à un degré moindre dans (3), on
« voit » l'allusion en train d'être faite. Glose qui ressemble à s'y méprendre
à celle faite à propos de l'imparfait. Autre exemple surprenant, trouvé
dans un périodique peu coutumier des fleurs de style : « ...aux angles des
rues, des Latino-Américains baragouinant à peine l'anglais vendent, contre
dollars, des journaux en cyrillique à de vieilles " babouchkas " serrées
dans leurs fichus... » {Le Monde, 21/11/85, p. 1; c'est nous qui soul
ignons) 4. Là encore, les sujets parlants déclarent, à l'audition de cet
énoncé, « voir » les dollars changer de mains 5. Intuition qui recoupe
l'analyse que donnent les grammaires traditionnelles de certains cas
d'omission de l'article : « dans une enumeration, pour donner à celle-ci
un caractère plus vif» (Wartburg et Zumthor, p. 295); « dans certaines
enumerations, pour la vivacité de l'expression » (Grevisse, p. 361). En
résumé, il semble que l'effet « pictural » de l'imparfait, phénomène sou
vent signalé, ait sa contrepartie dans le domaine substantival.
Les intuitions des sujets parlants, même grammairiens, ne consti
tuent en rien une analyse linguistique, mais sont un fait à expliquer.
Nous nous proposons donc d'examiner en détail l'hypothèse d'une ana
logie aspectuelle entre la fonction de l'article zéro d'une part, et celle de
l'imparfait d'autre part. Nous procéderons de la façon suivante : nous
exposerons tout d'abord ce que nous entendons par article zéro; puis
nous mettrons en parallèle la description de l'imparfait retenue ici, grosso
modo celle de Ducrot, 1979, avec le comportement de l'article zéro dans
les « locutions verbales ». Dans un dernier temps enfin, nous tenterons
d'étendre notre analyse de l'article zéro à certaines constructions qui
manifestent en surface une absence d'article, et exhibent des propriétés
pouvant s'expliquer en postulant la présence d'un article zéro.
2. Idiomes, absence d'article et article zéro
Le problème de l'article zéro se trouve au confluent de trois pro
blèmes en apparence bien distincts, ou du moins tenus pour tels :
a) L'absence d'article en structure de surface : de nombreuses
constructions montrent des substantifs ou des groupes nominaux non
précédés d'un des déterminants usuels. En voici quelques exemples :
4. Cet exemple m'a été signalé par O. Ducrot.
5. Les expressions de ce type abondent en fait : contre espèces sonnantes et trébuchantes, contre
chèque en bonne et due forme, contre promesse de vente, etc. direction d'A2 a donné consigne à sa rédaction d'abréger de quelques La
minutes le journal du soir (Le Canard Enchaîné, 22/1/86, p. 4).
Il doit pouvoir être dissous par simple accord des parties (L'Express,
13-19/9/85, p. 116).
La réalisation d'un énoncé est en effet un événement historique : exis
tence est donnée à quelque chose qui n'existait pas avant qu'on parle...
(O. Ducrot, « La notion de sujet parlant », p. 68).
De Palos, de Moguer, routiers et capitaines
Partaient, ivres d'un rêve héroïque et brutal...
(J.-M. de Heredia, Les conquérants)
Homme fait, la chasse me délassait de tant de luttes secrètes avec des adver
saires tour à tour trop fins ou trop obtus (M. Yourcenar, Mémoires d'Hadrien,
p. 11).
b) Le système des déterminants en français : à une exception près
— célèbre il est vrai 6, on ne semble pas avoir considéré, à époque récente,
que le système des déterminants du français pouvait comporter un article
zéro ayant une fonction propre. Les articles habituels sont considérés
comme une catégorie d'actualisateurs du substantif 7. Selon une tradition
8 et chez qui remonte à Port-Royal, et que l'on trouve ensuite chez Bally
J.-C. Milner 9, le substantif nu renvoie au « concept ».
c) L'existence à^idiomes (ou expressions figées, ou locutions ver
bales) : pour des raisons en particulier syntaxiques, les linguistes ont
postulé l'existence d'idiomes, caractérisés de la façon suivante : ils sont
réfractaires à certaines modifications morpho-syntaxiques - changement
de genre ou de nombre, insertion adjectivale, passivation, etc. (cf. Ruwet,
1983).
Un corollaire fréquent lié à cette thèse concerne les constructions
comme donner ordre. L'absence superficielle d'article y serait une preuve
de leur figement, et une survivance historique de l'ancien français.
Pour ce qui est du premier point - l'absence superficielle de déter
minant, il y a bien entendu des cas où une telle absence est également
« profonde ». Certains de ces cas en particulier présentent une forme
substantivale qui n'a pas fonction substantivale, et n'admet de toute façon
pas de déterminant. Il en est ainsi pour :
a) Les locutions verbales de la forme V.N. formées non sur la
fonction substantivale de N, mais sur sa valeur formulaire. Ainsi faire
vinaigre, crier grâce, dire amen (à tout), etc. Elles sont identifiables à ce
que, outre l'existence dans chaque cas d'une « formule » Vinaigre!, Grâce!,
Amen!, elles ne se passivent pas 10, et qu'on peut en extraire la formule
(Anscombre, 1982). Pour certaines de ces expressions, il existe concu
rremment une expression de la forme V.Adv. proche par le sens. Il est

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