L empereur et le poison : de la rumeur au mythe. À propos du prétendu empoisonnement d Henri VII en 1313 - article ; n°41 ; vol.20, pg 113-131
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L'empereur et le poison : de la rumeur au mythe. À propos du prétendu empoisonnement d'Henri VII en 1313 - article ; n°41 ; vol.20, pg 113-131

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Description

Médiévales - Année 2001 - Volume 20 - Numéro 41 - Pages 113-131
Attribuée selon toute probabilité à la maladie par les historiens modernes, la mort de l'empereur germanique Henri VII, survenue le 24 août 1313 dans les environs de Sienne alors qu'il menait une campagne militaire destinée à restaurer l'autorité impériale en Italie du Nord, souleva une grande émotion sur le moment et déclencha une controverse qui ne devait pas s'éteindre avant des années. Cet article se propose de prendre la mesure de la thèse du poison et d'en comprendre les implications, à partir de l'exploration des principales sources narratives et administratives disponibles. Il vise à démontrer que l'invocation rien moins qu'anecdotique du poison, toute fantaisiste qu'elle fut, mit en jeu des motivations politiques et idéologiques : jeter le discrédit sur les adversaires anti-chevaleresques de la grandeur impériale et élever la figure d'Henri VII au rang d'un autre conquérant foudroyé par le poison : Alexandre le Grand.
The Emperor and the Poison : From Rumor to Myth. On the Alleged Poisoning of Henry VII in 1313 - Attributed with near certainty to disease by modern historiography, the death of the Germanic emperor Henry VII on August 24, 1313, which occurred in the vicinity of Siena while he was leading a military campaign designed to restore imperial power in Northern Italy, roused great emotion at the time and kindled a lively controversy which lasted for many years to come. This article proposes to evaluate the importance of the poisoning thesis and comprehend its implications by an exploration of the available narrative, literary, and administrative sources. It intends to demonstrate that the invocation of poisoning, more than just anecdotal or fanciful, was in fact motivated by political and ideological factors aiming at the same time to disqualify the anti-chivalrous adversaries of imperial grandeur and to elevate the figure of Henry VII to the eminence of that of another conqueror destroyed by poison : Alexander the Great.
19 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 2001
Nombre de lectures 48
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Monsieur Franck Collard
L'empereur et le poison : de la rumeur au mythe. À propos du
prétendu empoisonnement d'Henri VII en 1313
In: Médiévales, N°41, 2001. pp. 113-131.
Résumé
Attribuée selon toute probabilité à la maladie par les historiens modernes, la mort de l'empereur germanique Henri VII, survenue
le 24 août 1313 dans les environs de Sienne alors qu'il menait une campagne militaire destinée à restaurer l'autorité impériale en
Italie du Nord, souleva une grande émotion sur le moment et déclencha une controverse qui ne devait pas s'éteindre avant des
années. Cet article se propose de prendre la mesure de la thèse du poison et d'en comprendre les implications, à partir de
l'exploration des principales sources narratives et administratives disponibles. Il vise à démontrer que l'invocation rien moins
qu'anecdotique du poison, toute fantaisiste qu'elle fut, mit en jeu des motivations politiques et idéologiques : jeter le discrédit sur
les adversaires anti-chevaleresques de la grandeur impériale et élever la figure d'Henri VII au rang d'un autre conquérant
foudroyé par le poison : Alexandre le Grand.
Abstract
The Emperor and the Poison : From Rumor to Myth. On the Alleged Poisoning of Henry VII in 1313 - Attributed with near
certainty to disease by modern historiography, the death of the Germanic emperor Henry VII on August 24, 1313, which occurred
in the vicinity of Siena while he was leading a military campaign designed to restore imperial power in Northern Italy, roused great
emotion at the time and kindled a lively controversy which lasted for many years to come. This article proposes to evaluate the
importance of the poisoning thesis and comprehend its implications by an exploration of the available narrative, literary, and
administrative sources. It intends to demonstrate that the invocation of poisoning, more than just anecdotal or fanciful, was in fact
motivated by political and ideological factors aiming at the same time to disqualify the anti-chivalrous adversaries of imperial
grandeur and to elevate the figure of Henry VII to the eminence of that of another conqueror destroyed by poison : Alexander the
Great.
Citer ce document / Cite this document :
Collard Franck. L'empereur et le poison : de la rumeur au mythe. À propos du prétendu empoisonnement d'Henri VII en 1313.
In: Médiévales, N°41, 2001. pp. 113-131.
doi : 10.3406/medi.2001.1528
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/medi_0751-2708_2001_num_20_41_1528Médiévales 41, automne 2001, p. 113-132
Franck COLLARD
L'EMPEREUR ET LE POISON : DE LA RUMEUR AU MYTHE.
À PROPOS DU PRÉTENDU EMPOISONNEMENT
D'HENRI VII EN 1313
Dans une étude consacrée à l'attitude de l'empereur Henri VII vis-à-vis des
villes lombardes rebelles à son autorité lors de sa descente en Italie, J.-M.
Moeglin a récemment montré combien la relation des conditions de reddition de
Crémone et Brescia par les chroniqueurs italiens et germaniques avait pu varier,
non tant en raison de l'inégale information des auteurs qu'en fonction de leurs
visions divergentes de la majesté impériale l. L'auteur a souligné l'attention à
accorder aux stratégies narratives de récits qui construisent une « réalité histo-
riographique » aussi importante que la réalité factuelle au demeurant établie.
Un autre épisode bien connu 2 de l'expédition transalpine d'Henri VII mérite un
réexamen dans cette perspective : c'est sa mort qui mit brutalement fin au rêve
d'ordre et de paix que nourrissait le prince imbu de la majesté impériale cher à
Dante3. Survenu le jour de la Saint-Barthélémy 1313 à Buonconvento, aux
1. J.-M. Moeglin, «Henri VII et l'honneur de la majesté impériale. Les redditions de
Crémone et de Brescia (1311)», dans Penser le pouvoir au Moyen Âge, études offertes à
F. Autrand, textes réunis par D. Boutet et J. Verger, Paris, 2000, p. 21 1-245.
2. L'inventaire et le rassemblement des sources principales ont été faits dès 1830 dans F. W.
BARTHOLD, Der Rômerzug Kônig Heinrichs von Liitzelburg, Kônigsberg, 1830-1, voir t. 2,
Beilage I, p. 3 et sq. Voir aussi F. Bonaini, Acta Henrici VII. romanorum imperatoris et monu-
menta quaedam alia suorum temporum illustrantia, 2 vol., Florence, 1877, réimpr. 1970;
R. DAVIDSOHN, Geschichte von Florenz, Berlin, 4 vol., 1896-1927, t. 3 p. 542-547 ; M. E. Franke,
Kaiser Heinrich VIL im Spiegel der Historiographie, Cologne- Weimar- Vienne, 1992. Voir derniè
rement l'étude de Ch. de Craecker-Dussart, « L'expédition d'Henri VII et les sources liégeoi
ses », Le Moyen Âge, 106 (2000), p. 513-544.
3. Dante, Divine Comédie, tr. H. Longnon, Paris, 1962, « Paradis », chant 30, p. 511 :
Siégera l'âme, auguste sur la terre, /Du noble Henri qui viendra redresser / L'Italie, mais avant
qu 'elle-même y soit prête. . . 114 F.COLLARD
environs de Sienne, le décès de l'empereur est aujourd'hui généralement4
imputé à la malaria alors endémique en Italie. Ce diagnostic très probable
n'empêche pas de prendre en considération une autre explication donnée dès
les lendemains du trépas impérial et tenue pour vérité incontestable par beau
coup et durant longtemps : un empoisonnement perpétré par un confesseur
dominicain alors que le souverain prenait la communion de ses mains. La
présente étude voudrait examiner comment s'est bâtie la figure de l'empereur
empoisonné et pourquoi elle a eu une belle postérité. Le cas d'Henri VII illus
tre à la fois les mécanismes de la rumeur, la construction de la mémoire histo
rique et surtout la riche signification politique et idéologique que prend
l'invocation rien moins que gratuite du poison aux derniers siècles du Moyen
Âge.
Genèse et propagation de la rumeur
La mort de l'empereur présente d'abord un exemple de rumeur dont la
genèse et la propagation sont dignes d'intérêt 5. Très répandue en ce début du
XIVe siècle 6, l'idée d'empoisonnement prend ici naissance dans un double
contexte sanitaire et politique. Dès le dernier soupir rendu par Henri VII, son
entourage s'émeut. Le vase clos où incube la rumeur 7 est le camp impérial d'où
se répandent des murmures. Désireux de fêter l'Assomption à Buonconvento
où il s'est arrêté le temps de reprendre des forces avant de repartir en lutte
contre ses adversaires, Henri VII reçoit l'Eucharistie accompagnée du vin
d'ablution. À la suite de quoi, son état de santé se détériore et le monarque âgé
de trente-cinq ans expire peu de jours après. Le soupçon d'empoisonnement naît
donc de ce décès rapide et contre-nature car touchant un homme dans la force de
l'âge et de constitution plutôt robuste 8. Le caractère incompréhensible de la
brutale dégradation de la santé d'Henri VII fait dire aux « physiciens » qui
l'entourent qu'ils ne voient nulle autre raison que le poison pour avoir provoqué
4. Voir entre autres références fort nombreuses sur Henri VII le Lexikon des Mittelalters,
Bd. IV, col. 2047-2049, art. Heinrich VII ; R. PAULER, Die deutschen Kônige und Italien im 14.
Jahrhunderî von Heinrich VII. bis Karl V, Darmstadt, 1997, p. 1 1 1. W. M. BOWSKY, Henry VU in
Italy. The Conflicts of Empire and City-State, 1310-1313, Westport Connecticut, 1974.
5. Voir pour comparaison les contributions de C. GAUVARD, « Rumeur et stéréotype à la fin
du Moyen Âge » et de C. Beaune, « La rumeur dans le Journal du Bourgeois de Paris », dans La
Circulation des nouvelles au Moyen Âge, Actes du 24e Congrès de la SHMESP (Avignon, 1993),
Paris, 1994, p. 157-177 et 191-203.
6. Les histoires de poison augmentent à partir du second quart du XIIIe siècle et deviennent
particulièrement fréquentes autour de 1300 à la cour pontificale comme à la cour de France ou dans
les cours d'Empire. Nous nous réservons de donner ailleurs les aspects et les raisons de cette recru
descence. Voir pour l'instant F. Collard, « Recherches sur le crime de poison au Moyen Âge »,
Journal des Savants, janvier-juin 1992, p. 99-1 14.
7. C. Beaune, « La rumeur. . . », p. 194.
8. Aux dires d'un médecin présent à Buonconvento, Nicolas de Fulda, entendu par Pierre
DE Ztttau, Chronique de Kônigsaale, J. Loserth éd. (Fontes rerum austriacarum, 1/8), Vienne,
1875, p. 351. L'EMPEREUR ET LE POISON: DE LA RUMEUR AU MYTHE 115
sa ma

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