L emploi « possessif » de l article défini en français - article ; n°1 ; vol.58, pg 23-35
14 pages
Français

Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement

Je m'inscris

L'emploi « possessif » de l'article défini en français - article ; n°1 ; vol.58, pg 23-35

-

Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement

Je m'inscris
Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne
En savoir plus
14 pages
Français
Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne
En savoir plus

Description

Langue française - Année 1983 - Volume 58 - Numéro 1 - Pages 23-35
13 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1983
Nombre de lectures 42
Langue Français

Extrait

Jacqueline Guéron
L'emploi « possessif » de l'article défini en français
In: Langue française. N°58, 1983. pp. 23-35.
Citer ce document / Cite this document :
Guéron Jacqueline. L'emploi « possessif » de l'article défini en français. In: Langue française. N°58, 1983. pp. 23-35.
doi : 10.3406/lfr.1983.6413
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/lfr_0023-8368_1983_num_58_1_6413Jacqueline Guéron
Université de Paris 8
L'EMPLOI « POSSESSIF » DE L'ARTICLE
DÉFINI EN FRANÇAIS *
0. Introduction
0.1. L'article défini s'emploie généralement comme « opérateur iota » : il
désigne un objet unique dans le monde du discours. Le NP « le livre »
dans (1) est ainsi associé à la formule (2) au niveau des formes logiques.
(1) le livre
(2) le seul x, tel que x soit un livre
L'article défini peut également avoir une valeur générique,
(3) a. La foire du livre aura lieu en novembre,
b. Le livre enrichit la vie de l'homme.
ou bien exprimer la possession inaliénable,
(4) a. Jean lève la main.
b. Je lui ai coupé les cheveux.
с II parle du nez.
Cette multiplicité d'emplois crée des ambiguïtés. Dans (4a), par exemple,
l'article peut avoir soit le sens « opérateur iota », soit le sens possessif;
dans (4c), en plus des deux premiers emplois, il peut être interprété
* Des versions antérieures de ce travail ont été présentées au Congrès de la S.A.E.S. (mai 1982),
à la Table Ronde de la rue d'Ulm (juin 1982) et au Colloque de Grammaire Contrastive, Université de
Paris III (novembre 1982). Je suis reconnaissante aux participants de ces rencontres de leurs comment
aires fort utiles, ainsi qu'aux linguistes qui ont bien voulu discuter ce travail avec moi, notamment
E. Torrego, D. Pesetsky, I. Haïk, R. Manzini, M.L. Zubizarreta, J. Aoun, N. Chomsky, L. Burzio, E. Williams,
J. Maling, A. Zaenen, K. Haie, A. Rouveret, et J.-R. Vergnaud. Enfin, que les éditeurs de ce numéro,
Hans Obenauer et Jean-Yves Pollock soient remerciés de leurs commentaires pertinents.
23 comme générique. Nous nous intéresserons surtout à l'interprétation
possessive de l'article, mais nous aurons à revenir sur ses autres emplois.
0.2. L'interprétation possessive est soumise à des contraintes configu-
rationnelles. Les différentes structures où elle s'applique ne sont pas
équivalentes. Si l'on peut dire « il ferme les yeux » et « il s'est cassé la
jambe », on ne dit pas « il casse la jambe », avec le sens possessif, ni « *il
s'est fermé les yeux ». Par ailleurs, il est des contextes où cette interpré
tation n'est jamais possible. (5) fait ainsi contraste avec (4a).
(5) La main est levée par Jean.
Si l'emploi de l'article défini comme opérateur iota et comme mar
queur générique semble exister dans toutes les langues, il n'en est pas
de même pour l'interprétation possessive. L'anglais, par exemple, ne
fonctionne pas comme le français à cet égard, comme le montrent les
contrastes (6) à (9).
(6) a. Jean a levé la main, (la « iota » ou « possessif »)
b. John raised the hand, (the « iota » uniquement)
(7) a. La tête lui tourne.
b. *The head turns to him.
(8) a. Je lui ai tiré les cheveux
b. *I pulled (her) the hair
(9) a. Elle est entrée, les yeux mouillés,
b. *She entered, the eyes moist.
0.3. Dans la section 2, nous répondons aux questions suivantes : (i) Pour
quoi l'article défini peut-il avoir un sens possessif en français mais pas
en anglais? (ii) Quelles contraintes régissent l'emploi possessif de l'article
à l'intérieur du français même? Dans les sections 3 et 4, nous examinons
des constructions problématiques, et nous approfondissons l'analyse de
manière à en rendre compte.
1. L'article pronominal
Supposons que nous définissions un « pronom » comme dans (10) :
(10) L'ensemble de traits a nombre, P genre, et y personne est interprété
comme un pronom.
(10) implique l'indépendance de la notion pronom par rapport à celle de
constituant syntaxique. Chomsky se sert de cette définition pour expliquer
le phénomène dit de « PRO-drop ». Dans des langues comme l'italien ou
l'espagnol, un élément vide (e) peut apparaître en position de sujet
syntaxique de la phrase. A « il/elle parle » en français, par exemple,
correspond « [e] parla » en italien. Ce contraste serait dû au fait que,
24 l'inflection verbale étant morphologiquement marquée pour la personne,
le nombre, et le genre dans ces langues, elle peut elle-même servir de
sujet pronominal (cf. Taraldsen, 1978, Chomsky, 1981).
Nous proposons la même analyse pour l'emploi possessif de l'article.
Comme l'inflection verbale en italien, l'article manifeste les traits de
personne, de nombre et de genre en français, comme le montre (11).
(11) LE livre, LA rose, LES roses
En l'absence d'autre « sujet » syntaxique, l'article peut lui-même servir
de sujet du NP qui le contient, assumant le rôle de « possesseur » qu'aurait
un pronom à sa place. A l'alternance de e et lui dans (12) correspond
celle de la et sa dans (13) l.
(12) a. [e] parla,
b. Lui parla.
(13) a. Il lève la main,
b. Il lève sa main.
Nous faisons l'hypothèse suivante : (i) l'emploi possessif de l'article
défini dépend de la possibilité d'interpréter l'article comme un pronom;
(ii) cette possibilité est signalée morphologiquement par l'accord de l'ar
ticle et du déterminant pour les traits de personne, de nombre, et de
genre.
Il suffit de mettre en rapport (11) et (14) pour conclure que l'article
n'est pas pronominal en anglais, ce qui explique les contrastes (6) à (9)
ci-dessus.
(14) THE book, THE rose, THE roses
Cette hypothèse permet en outre de rendre compte de l'apprentissage
par l'enfant du paramètre de l'article pronominal. Car l'accord est une
donnée de type positif qui se rencontre abondamment dès le début de la
pratique de la langue.
Notre hypothèse prédit que dans toute langue qui exhibe le phé
nomène d'accord, la phrase (6a) est grammaticale, et qu'elle est non
grammaticale là où l'accord manque. Cette prédiction étant facilement
falsifiable, l'hypothèse est d'autant plus intéressante si elle est vraie 2.
2. La possession inaliénable et la théorie de l'anaphore
2.1. Le fait suivant constitue un argument à l'appui de notre hypothèse :
les contraintes sur les expressions de possession inaliénable sont les
1. (12a) et (12b) ne sont pas utilisés dans les mêmes contextes, le pronom étant compris comme
« emphatique » en position sujet en italien. Cette différence relève vraisemblablement du principe « éviter
le pronom » de Chomsky (1981).
2. Dans des langues comme le russe, l'article n'est pas phonoloeiquement présent, mais il y a
accord entre le Nom et l'Adjectif. Nous ferons l'hypothèse d'un accord abstrait entre un déterminant
sans réalisation phonologique et un Nom, pourvu qu'il y en ait une manifestation ailleurs dans NP. On
prédit ainsi la grammaticalité de (6a) en russe.
25 mêmes que celles qui régissent la relation entre un SN et une anaphore
lexicale. Prenons d'une part un article possessif, d'autre part une ana
phore telle que himself en anglais, et examinons leur distribution 3.
Dans (15), où l'antécédent et l'anaphore se trouvent dans la même
phrase, l'interprétation de possession inaliénable et l'interprétation réfl
échie sont également possibles.
(15) a. Jean lève la main.
b. John washes himself. (John se lave)
Mais si l'antécédent manque, comme dans (16), ou bien si l'antécédent
et l'anaphore sont dans deux phrases différentes, comme dans (17), ni
la possession inaliénable ni l'anaphore réfléchie ne sont possibles.
(16) a. *La main est levée.
b. *That bothers himself. (Cela ennuie lui-même)
(17) a. *Jean espère [que la main sera levée]
b. *John hopes [that himself will win] (John espère que lui-même
gagnera)
La présence d'un antécédent dans la même phrase ne suffit pas pour
permettre la relation anaphorique. Encore faut-il que l'antécé

  • Univers Univers
  • Ebooks Ebooks
  • Livres audio Livres audio
  • Presse Presse
  • Podcasts Podcasts
  • BD BD
  • Documents Documents