L enfant, lecteur de poésie - article ; n°1 ; vol.34, pg 68-77
11 pages
Français

L'enfant, lecteur de poésie - article ; n°1 ; vol.34, pg 68-77

-

Le téléchargement nécessite un accès à la bibliothèque YouScribe
Tout savoir sur nos offres
11 pages
Français
Le téléchargement nécessite un accès à la bibliothèque YouScribe
Tout savoir sur nos offres

Description

Communication et langages - Année 1977 - Volume 34 - Numéro 1 - Pages 68-77
Georges Jean enseigne la linguistique au centre universitaire du Mans. Auteur d'essais sur la poésie, sur le roman et le théâtre (au Seuil), poète lui-même (dix recueils chez Seghers), il a jeté un regard nouveau sur les relations entre l'enfant et la poésie.
Son « Livre d'or des poètes » met la poésie à la disposition des enfants, sans pour autant l'adapter en la privant de sa force vive. Son approche de la Jecture de la poésie par l'enfant témoigne d'une grande rigueur d'analyse et aussi de sensibilité et d'une confiance jamais démentie dans les possibiliiés enfantines d'accéder à l'imaginaire. Il vient de publier « Pour une pédagogie de l'imaginaire » chez Castermann.
Cet article est extrait de « Recherches actuelles sur l'enseignement de la lecture », éd. Retz, 1976.
10 pages

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1977
Nombre de lectures 20
Langue Français

Extrait

Georges Jean
L'enfant, lecteur de poésie
In: Communication et langages. N°34, 1977. pp. 68-77.
Résumé
Georges Jean enseigne la linguistique au centre universitaire du Mans. Auteur d'essais sur la poésie, sur le roman et le théâtre
(au Seuil), poète lui-même (dix recueils chez Seghers), il a jeté un regard nouveau sur les relations entre l'enfant et la poésie.
Son « Livre d'or des poètes » met la poésie à la disposition des enfants, sans pour autant l'adapter en la privant de sa force vive.
Son approche de la Jecture de la poésie par l'enfant témoigne d'une grande rigueur d'analyse et aussi de sensibilité et d'une
confiance jamais démentie dans les possibiliiés enfantines d'accéder à l'imaginaire. Il vient de publier « Pour une pédagogie de
l'imaginaire » chez Castermann.
Cet article est extrait de « Recherches actuelles sur l'enseignement de la lecture », éd. Retz, 1976.
Citer ce document / Cite this document :
Jean Georges. L'enfant, lecteur de poésie. In: Communication et langages. N°34, 1977. pp. 68-77.
doi : 10.3406/colan.1977.4403
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/colan_0336-1500_1977_num_34_1_4403L'ENFANT
LECTEUR DE
POÉSIE
par Georges Jean
Georges Jean enseigne la linguistique au centre universitaire du Mans.
Auteur d'essais sur la poésie, sur le roman et le théâtre (au Seuil), poète
lui-même (dix recueils chez Seghers), il a jeté un regard nouveau sur les
relations entre l'enfant et la poésie.
Son « Livre d'or des poètes » met la poésie à la disposition des enfants,
sans pour autant l'adapter en la privant de sa force vive. Son approche
de la Jecture de la poésie par l'enfant témoigne d'une grande rigueur
d'analyse et aussi de sensibilité et d'une confiance jamais démentie dans les
possibiliiés enfantines d'accéder à l'imaginaire. Il vient de publier « Pour
une pédagogie de l'imaginaire » chez Castermann.
Cet article est extrait de « Recherches actuelles sur l'enseignement de la
lecture », éd. Retz, 1976.
Les réflexions qui suivent n'ont rien de systématique. Elles ne
prétendent pas parcourir tout le domaine que le titre de cet
article recouvre. Elles sont nées au cours des années, suscitées
par des expériences pédagogiques diverses, fécondées par l'a
ttention passionnée que j'ai toujours portée au discours poéti
que, d'une part, et aux cheminements de l'imaginaire enfantin
dans les réseaux du langage, d'autre part. Il faudrait donc, pour
rendre compte exhaustivement du problème posé, de très nom
breuses pages où seraient décrits minutieusement des
« moments », où seraient relatés des témoignages diversifiés.
Dans ce domaine, en effet, les variables sont multiples : le
« peuple enfant », comme disait Alain, est un peuple à mille
visages. Entre l'enfant de trois ou quatre ans, sensible à la
poésie qu'il entend lire ou dire, et l'enfant de dix ans, qui sait
autant voir que lire un poème, les différences sont grandes
et ce ne sont pas seulement des de degrés dans
les capacités de perception du discours poétique. Par ailleurs,
l'enfant des villes, l'enfant des cités-dortoirs, l'enfant des cam
pagnes ne réagissent pas de manière univoque à la poésie. Les
contextes familiaux, socioculturels et, bien entendu, scolaires
jouent un rôle considérable, on s'en cloute. En outre, il peut
paraître un peu ridicule de parler de lecture de la poésie alors
qu'il n'existe certainement pas de types de discours qui soient,
autant que le discours poétique, variés et divers. Pour toutes
ces raisons et quelques autres, je ne puis, dans le cadre qui Pédagogie 69
m'est proposé, que rendre compte des aspects les plus géné
raux et les plus constants d'un phénomène en soi bouleversant,
dans la mesure où il révèle pour chaque enfant les chemine
ments originaux et imprévisibles de l'imagination, du langage
et d'une lecture qui, plus que toutes les autres, traverse l'être
entier dans son corps, dans son affectivité, dans son esprit.
Avant d'entreprendre une analyse de l'enfant lecteur de poésie
sur le plan de la relation particulière entre un type de discours
et une espèce de lecteurs, je crois nécessaire de préciser
quelques points d'ordre sociologique.
POESIE POUR TOUS
D'une manière constante, on peut constater que l'intérêt porté
par les enfants à la poésie n'est pas directement fonction du
niveau socioculturel de la famille ou du milieu de vie. Dans
des milieux très défavorisés, j'ai pu même constater à maintes
reprises que le seul type de discours — oral et écrit — toléré
par les enfants était le poétique. Dans les classes
de transition, ou du cycle III, il arrive souvent que le seul
moment de « silence » pédagogiquement fécond soit celui où,
sous une forme ou sous une autre, intervient une lecture poéti
que. L'hypothèse première que l'on peut émettre est que la
poésie touche d'abord la sensibilité. Entendre ou lire un poème
(nous verrons plus loin que ce n'est pas la même chose), c'est
recevoir un message qui n'a pas à être d'abord sémantique-
ment saisi. Certes, les références culturelles, la richesse de
l'expérience vécue augmentent et intensifient la prise en compte
pour soi d'un poème. Mais « l'évidence poétique », comme disait
Paul Eluard, saisit les uns et les autres, quels que soient les
environnements humains. Cela implique, il faut le dire dès
maintenant, que pour l'éducateur la poésie ne soit pas conçue
seulement comme une activité liée à la disponibilité, au loisir,
aux jouissances esthétiques gratuites, mais qu'elle apparaisse
comme une nécessité vitale, dans la mesure où elle constitue
un discours qui, selon le mot de Georges Mounin, nous a
« réappris à compter sur nous * ».
Dans un tout autre ordre d'idées, on commence à vérifier expé
rimentalement que le discours que perçoivent le plus sponta
nément des enfants handicapés, débiles moyens par exemple,
est le discours des comptines. Je dirige actuellement un tra
vail dans ce sens. Des étudiants en orthophonie tentent d'étu
dier les réactions d'enfants « mongoliens » à l'audition d'une
trentaine de comptines et poèmes fortement rythmés que nous
avons sélectionnés. Les premiers résultats de ce travail mon-
1. Georges Mounin : la Communication poétique (Paris, Gallimard, 1969),
p. 186. lecteur de poésie L'enfant,
trent que ces enfants, dont la sensibilité est fort vive, réagissent
à ces textes non seulement par des sourires, mais par des
réactions corporelles « organisées », « rythmées », comme si le
« pouvoir des mots » s'exerçait au-delà ou en deçà de leur sens.
On pourra me dire que cet exemple n'entre pas dans le cadre
même qui était le mien puisqu'il s'agit d'audition et non de
lecture. Mais justement ! Une des idées forces de cette réflexion
est qu'on ne lit jamais un poème sans l'entendre. Et ce que
ces enfants handicapés nous apprennent, c'est que lire de la
poésie est toujours, à un degré quelconque, retrouver ce que
Michel Foucault nommait ses fondements « archéologiques »,
c'est-à-dire son oraiité primitive et jamais totalement disparue.
Pour l'enfant, la poésie est le discours par lequel l'impossible
se saisit. Les comptines, notamment, proposent des situations
d'une totale invraisemblance. Je n'en citerai qu'un exemple par
mi des milliers d'autres :
« Une puce dans un bocal
» Qui s'étouffait de rire
» On l'amène à l'hôpital
» Avec trente-six béquilles
» Le docteur qui la soignait était un imbécile
» Comme toi. 2 »
Les enfants de tous les âges lisent cela, ou l'entendent sans
jamais chercher à contredire le « non-sens » en le ramenant
au « raisonnable ». Je ne dis pas au rationnel. Car l'enfant jeune
sait lire la « logique de l'absurde » et, dans la comptine ci-des
sus, il établit très bien l'isotopie lexicale

  • Univers Univers
  • Ebooks Ebooks
  • Livres audio Livres audio
  • Presse Presse
  • Podcasts Podcasts
  • BD BD
  • Documents Documents