L enseignement agricole et la paysannerie française - article ; n°4 ; vol.100, pg 459-473
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L'enseignement agricole et la paysannerie française - article ; n°4 ; vol.100, pg 459-473

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Annales de Bretagne et des pays de l'Ouest - Année 1993 - Volume 100 - Numéro 4 - Pages 459-473
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Publié le 01 janvier 1993
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Langue Français
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Michel Morineau
L'enseignement agricole et la paysannerie française
In: Annales de Bretagne et des pays de l'Ouest. Tome 100, numéro 4, 1993. La culture paysanne (1750-1830). pp.
459-473.
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Morineau Michel. L'enseignement agricole et la paysannerie française. In: Annales de Bretagne et des pays de l'Ouest. Tome
100, numéro 4, 1993. La culture paysanne (1750-1830). pp. 459-473.
doi : 10.3406/abpo.1993.3495
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/abpo_0399-0826_1993_num_100_4_3495L'enseignement agricole
et la paysannerie française
par Michel Morineau
Sous le titre que l'on vient de rappeler, nous nous proposions d'examiner la
façon dont le savoir agricole « scientifique » (guillemets de rigueur) qui s'était
constitué en France dans la seconde moitié du XVIIIe siècle puis s'était affermi et
avait progressé jusqu'à nos jours ce savoir, donc, avait pu être transmis aux pay
sans et concourir à l'augmentation de leurs productions, à l'amélioration de leurs
conditions de vie et, finalement, à l'évolution de leurs manières d'être, de sentir et
de se comporter. Nous avions renoncé, d'emblée, à être exhaustif, faute de temps.
La réserve et la circonspection qui en découlaient redoublèrent, d'ailleurs, à peine
les premières investigations ébauchées. Le sujet était plus compliqué qu'il n'en
n'avait l'air. A tel point qu'aujourd'hui nous serions tenté de chercher une autre
enseigne, plus adéquate et plus compréhensive. Mais n'anticipons pas et refaisons,
voulez-vous l'itinéraire que nous avons parcouru.
1.1. Pris dans une longue durée, les développements dans un bon sens ne semb
lent pas soulever d'objections. Ni quantitativement : les experts parlent d'un dou
blement de la production agricole entre 1820 et 1830 (un taux d'accroissement
annuel moyen de 0,91 %) ; ni qualitativement : que l'on songe à l'habitat, à la via
bilité, voire à l'adduction d'eau - bien que celle-ci ait attendu la période posté
rieure à 1950 pour être parfaite1. Par contre, l'enseignement agricole offre une
vision beaucoup moins roborative. « Quel paradoxe qu'en France longtemps pay
sanne où l'enseignement agricole a toujours été le parent pauvre ! » s'écrie
Antoine Prost2. Il a fallu patienter jusqu'en 1960 et à la loi Berthoin pour que l'on
1. Jean-Jacques Carré, Paul Dubois et Edmond MALINVAUD : Abrégé de la croissance française
(Paris, Le Seuil, 3e édition, 1984) page 19.
2. Antoine Prost : Histoire de l 'enseignement et de l 'éducation en France (Paris, 4 vol.) ; Tome IV,
page 553. 460 ANNALES DE BRETAGNE
crée des collèges et des lycées agricoles, rattachés d'ailleurs au Ministère de
l'Agriculture et non à celui de l'Education Nationale. Quant aux fondations précé
dentes, elles ont eu soit un caractère très spécifique, soit une fréquentation réduite
et ciblée, soit encore une existence éphémère. Qu'il s'agisse d'établissements
modèles sous l'Ancien Régime (Rambouillet), des incitations révolutionnaires,
des fermes-écoles (parfois d'initiative privée), des écoles vétérinaires, des eaux et
forêts, d'agriculture pratique et, même, de l'I.N.A. (Institut National
Agronomique)...3 « Quelques centaines déjeunes gens seulement ont reçu une
formation agricole vers 1880 » constate Françoise Mayeur4.
Partant de cet état de fait, A. Prost prononce un jugement assez sévère sur la
routine des agriculteurs : « L'idée prévaut qu'une formation est inutile : le métier
s'apprend auprès de son père, non dans les livres. L'agriculture française abritée
par le protectionnisme de la fin du XIXe siècle n'a pas ressenti le besoin de pro
grès qualitatifs à la hollandaise ». F. Mayeur est un peu moins dure puisqu'elle
ajoute à sa phrase précédemment citée : « A cette date (1880), pourtant, les inno
vations de la « révolution agricole », notamment la diffusion des fourrages, ont
été adoptés depuis une génération. L'empirisme des agriculteurs n'a donc pas
abouti à une totale immobilité, tout en ralentissant le changement ». Mais quelle
que soit la formulation à laquelle nous souscrivions, le progrès venait de la
science (et de l'enseignement), la routine paysanne (ou la tradition) lui était
contraire.
1.2. Une objection se présente immédiatement. N'est-il pas trop étroit de limi
ter la transmission d'un savoir agricole « scientifique à l'enseignement, qui plus
est institutionnalisé sous une forme rigoureuse ? On peut envisager, en effet et a
priori, d'autres modes de diffusion. A commencer par les livres, périodiques,
almanachs qui ont été publiés sur l'agriculture et les moyens de la maintenir ou de
l'améliorer. Ceci nous renvoie, d'ailleurs, de Charybde en Scylla car l'écrit, pour
être assimilable, doit, d'abord, être lu. En arrière de cette proposition élémentaire
se profile évidemment la question de l'alphabétisation sur laquelle on connaît les
classiques et qui a été traitée ici même sur exemples régionaux. Pour affiner un peu,
on rappellera ce qui est d'expérience : que l'apprentissage de la lecture ne signifie
pas ipso facto l'habitude de lire et a fortiori de lire un certain type d'ouvrages, fus
sent-ils décorés d'un label professionnel5. Ce qui conduit à distinguer deux ver
sants de notre sujet :
3. M. BoUTET : Evolution de l'enseignement agricole en France (Dijon, E.N.S.A.A. 1978 et 1979).
A. PROST : Histoire de l'enseignement en France 1800-1967, (Paris, A. Colin, 1968).
4. Françoise MAYEUR : L 'enseignement et l 'éducation en France de la Révolution à l 'Ecole républi
caine 1789-1930, (Paris, 1981) tome III de l'Histoire de l'enseignement... sous la direction d'A.
PROST, cité à la note 2. Page 244.
5. François FURET et Jacques OZOUF : Lire et écrire. L 'alphabétisation des Français de Calvin à
Jules Ferry, (Paris, Ed. de Minuit, 1977). ANNALES DE BRETAGNE 46 1
1°) la nature du savoir qui est offert aux paysans ex agronomia : s'agit-il de
connaissances véritablement sûres, intégrables, adaptables ? et la réponse à cette
question appelle modulation, bien entendu, selon les époques ;
2°) quelle réception lui ont réservé les paysans ? et, par préalable encore, quelle
était leur degré de réceptivité à son égard ? de quels moyens disposaient-ils pour
tâter de ses enseignements (au sens large), les assimiler et les adopter ?
Notons que les autres modes de transmission auxquels on peut songer : sociétés
agricoles, comices, voire tardivement syndicats, coopératives, organisations
diverses ont rencontré les mêmes préalables dans leur action. Le bouche à oreille
lui-même et l'imitation, si le savoir transmis vient de l'extérieur, suppose à l'or
igine une prise de connaissance par la lecture, un consentement et la certitude ou la
vérification d'une efficacité.
1.3. Nous avons à nous tourner à présent vers des histoires générales de l'agri
culture en France pour faire une idée plus fouillée de son développement depuis
le XVIIIe siècle. Avertissons tout de suite que nous nous sommes limités à des titres
récents, ayant une intention « nationale » (couvrir l'ensemble du territoire) et que
nous ne somme pas descendu jusqu'à l'échelon régional; bien qu'à plusieurs
reprises, la démarche nous aurait paru nécessaire6. Nous n ' avons pas été sans remar
quer des lacunes sur d'autres points, ni des divergences d'interprétation ou de pré
sentation qui traduisent des inspirations différentes, parfois de la soumission à des
idées reçues : le tout étant gênant pour la cohérence. Au demeurant, nous nous
contentons ici d'un survol ou d'un rappel, sans préjudice des approfondissements
que l'on apportera ultérieurement et qu'au surplus, nous souhaitons vivement.
2.1. On ne reviendra pas sur la pauvreté de la littérature agronomique en France
avant 1750 et sa floraison ensuite. Meuvret les avaient soulignées et la statistique
le prouve7. De même n'y-a-t-il pas à remettre en cause les descriptio

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