L exil avant l exil - article ; n°1 ; vol.38, pg 203-214
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L'exil avant l'exil - article ; n°1 ; vol.38, pg 203-214

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Description

Cahiers de l'AIEF - Année 1986 - Volume 38 - Numéro 1 - Pages 203-214
12 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié par
Publié le 01 janvier 1986
Nombre de lectures 7
Langue Français

Extrait

Bernard Leuilliot
L'exil avant l'exil
In: Cahiers de l'Association internationale des études francaises, 1986, N°38. pp. 203-214.
Citer ce document / Cite this document :
Leuilliot Bernard. L'exil avant l'exil. In: Cahiers de l'Association internationale des études francaises, 1986, N°38. pp. 203-214.
doi : 10.3406/caief.1986.1977
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/caief_0571-5865_1986_num_38_1_1977L'EXIL AVANT L'EXIL
Figures et stratégies du moi
Communication de M. Bernard LEUILLIOT
(Strasbourg)
au XXXVIIe Congrès de l'Association, le 25 juillet 1985
II m'appartient d'introduire, comme on dit en Angleterre,
cette journée qui fait date à mi-chemin d'un parcours com-
mémoratif appelé, je le crains, à laisser bientôt sans voix
la plupart d'entre nous. Puissions-nous, en attendant, ne pas
chanter pour des sourds, à l'inverse de ce que suggère Hugo
dans le renversement auquel il a procédé de la formule
virgilienne, en tête de son second livre d'Odes : nos, canimus
sur dis, « nous chantons, nous, pour des sourds ». Autrement
dit : à se vouloir l'égal de Virgile, en ce siècle de fer, on se
condamne à n'être au mieux qu'un exilé de l'intérieur, à
prêcher dans le désert (1). Il apparaît, en tout cas, que
l'Association des Etudes françaises n'a pas été sourde à la
remarque formulée par Jean-Bertrand Barrère en conclusion,
il y a dix-huit ans, d'une précédente « Journée Victor Hugo ».
Elle consistait, cette remarque, à regretter « que par une sorte
de convergence due à l'époque où nous nous trouvons, il n'ait
pas été question du tout des poèmes écrits et publiés par
Hugo dans la première partie de sa carrière ». La « conver
gence » dont il s'agit avait abouti à valoriser l'après-coup du
coup d'Etat, considéré dans ces accomplissements majeurs
que sont effectivement les œuvres de l'exil. Elle remonte en
(1) "Vox clamabat in deserto : épigraphe du premier livre d'Odes. Souven
ir de Jean, I, 23 : « Je suis la voix de celui qui crie dans le désert. » 204 BERNARD LEUILLIOT
fait à la période de l'entre-deux guerres. Sous ses formes les
plus triviales, et sous prétexte, le plus souvent, de réhabili
tation, l'opération n'avait servi qu'à occulter un peu plus
l'historicité d'une écriture et la continuité d'une œuvre que
les thuriféraires de Dieu et de Satan s'obstinaient à ne pas
vouloir lire pour elle-même et dans son entier. Un poncif
chassa l'autre : après le Hugo des familles, et de la Répu
blique troisième du nom, le vaticinateur. Il s'agira pour nous
et pour ainsi dire de « renverser la vapeur poétique », sans
faire pour autant retour à la case départ, sans tomber non
plus, il va de soi, dans l'exploitation d'un nouveau poncif.
Nous nous situerons donc dans l'avant de l'exil. Je remarque
que la référence à l'exil est inévitable : quel que soit le
point où l'on se trouve de l'œuvre de Hugo, on y est toujours
à égale distance du centre, de cette fracture entre deux
niveaux d'existence dont il faut rappeler qu'il l'a lui-même
voulue, faisant de sa vie une œuvre, d'avant et d'après l'exil.
On objectera les illusions de la retrospection : rien jamais ne
fera que nous puissions lire Hugo abstraction faite de cette
division. Il en résulte comme une « contrariété », qui veut
qu'on pense ensemble l'unité de l'œuvre et sa division, à
travers ce qu'il faut bien appeler une structure d'exil, repé-
rable en chaque point de sa genèse. Elle ne se justifie que
d'un constant rapport à l'origine, qui implique la dimension
historique, ou biographique. Celle-ci n'est pas pensable non
plus, dans son développement, hors d'un modèle répétitif qui
renvoie à la structure. L'enjeu en est le moi, le moi de l'écri
ture. J'essaierai de montrer que la dramatisation du moi, en
quoi consiste l'écriture-Hugo, obéit à une stratégie répétitive,
qui s'évertue à lier ce que la structure a toujours séparé. Avec
le risque plus ou moins revendiqué par Hugo, de ne chanter
que pour des sourds, dès que Je monde a fait défaut, ubi
defuit orbis. C'est l'épigraphe de la dernière pièce du tro
isième livre â'Odes, intitulée : Fin.
On se souvient que l'édition définitive des Odes en 1828,
redistribue en deux volumes la matière des recueils précé
dents, augmentée de dix pièces nouvelles et selon des axes L'EXIL AVANT L'EXIL CHEZ VICTOR HUGO 205
chronologique ou thématique. Cette façon de lier sa gerbe
permet à l'auteur de dégager, dans les idées avancées, « une
progression de liberté qui n'est pas sans signification ni sans
enseignement ». Pour la première fois, un livre de Hugo
peut se lire comme les « mémoires d'une âme ». Les poèmes
sont le plus souvent « rangés par ordre de dates », comme
autant de témoignages des manières successives de l'auteur,
que celui-ci n'a pas voulu « retravailler », préférant, comme
il le dit, « corriger un ouvrage dans un autre ouvrage ».
Cette succession fait donc un sens, mais qui découle des
ruptures et des déplacements qui le constituent comme tel,
conformément à l'image qu'en donne la division en livres
et en deux volumes de l'édition définitive. Cette division en
deux volumes est une figure, une manière de trope. Les Odes
historiques — « relatives à des événements ou à des per
sonnages contemporains » — sont rassemblées dans le pre
mier volume, partagé lui-même en trois livres dont chacun
est censé « répondre » à l'un des volumes des éditions pré
cédentes, jusqu'à offrir, dit Hugo, « le développement de la
pensée de l'auteur dans un espace de dix années (1818-1828) ».
Ce partage, en fait, est boiteux. J'en rappelle le détail :
1818-1822 ; 1822-1823 ; 1824-1828. On aura remarqué qu'il
manque à dégager l'étape que constitue la publication, en
1826, des Odes et Ballades. Le passage du deuxième au tro
isième livre est marqué par une rupture — 1823-1824 — qui
contraste avec l'enchaînement continu du premier au deuxième
livre par l'année 1822. La chronologie obéit donc à une
logique qui n'est pas seulement celle des bibliographies. Elle
suggère que la distance est moindre de la première à la
deuxième édition des Odes (1822, 1823), que des Odes aux
Nouvelles Odes (1824) et aux Odes et Ballades (1826). Elle
aboutit surtout à distinguer l'année 1822, celle du mariage
de Victor Hugo, et le creux des années 1823-1824, corres
pondant à l'épisode de La Muse française et, comme on a
pu dire, à « la mort de l'enfant sublime » (2). Ce sont autant
(2) Jean Massin, « La fin de La Muse française et la mort de l'enfant
sublime », Edition chronologique, t II, p. 1444-1448. 206 BERNARD LEUILLIOT
d'étapes, dans la continuité ou par rupture, du « développe
ment » d'une pensée. Le deuxième volume rassemble « les
pièces d'un sujet capricieux », sans rapport avec les événe
ments ou les personnages contemporains : odes « rêveuses »
ou métaphysiques, jointes aux Ballades de 1826. Réparties
en deux livres, les odes y sont à nouveau rangées par ordre
de dates, mais selon deux parcours qui ne se recouvrent pas
exactement : 1819-1827 ; 1819-1828. Leur superposition
conduit à distinguer cette fois l'année 1827 (celle de Cromw
ell et de sa préface, mais aussi de l'Ode à la colonne de la
place Vendôme), ainsi appelée à s'inscrire comme en su
rplomb de l'année 1824, et à contredire, d'un volume à l'autre,
la mort de l'enfant sublime. Leur point de départ — 1819 —
ne coïncide pas non plus tout à fait avec celui du premier
volume : 1818. C'est l'année du jugement de séparation entre
les époux Hugo, des débuts de l'engagement partisan de
Victor Hugo et selon le témoin du Victor Hugo raconté, de
la première rédaction de Bug-Jargal. Nous s

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