L inspection des manufactures en France de Colbert à la Révolution - article ; n°1 ; vol.309, pg 483-491
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Description

Annales historiques de la Révolution française - Année 1997 - Volume 309 - Numéro 1 - Pages 483-491
9 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1997
Nombre de lectures 29
Langue Français

Extrait

Philippe Minard
L'inspection des manufactures en France de Colbert à la
Révolution
In: Annales historiques de la Révolution française. N°309, 1997. pp. 483-491.
Citer ce document / Cite this document :
Minard Philippe. L'inspection des manufactures en France de Colbert à la Révolution. In: Annales historiques de la Révolution
française. N°309, 1997. pp. 483-491.
doi : 10.3406/ahrf.1997.2146
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/ahrf_0003-4436_1997_num_309_1_2146THESES
L'INSPECTION DES MANUFACTURES EN FRANCE,
DE COLBERT À LA RÉVOLUTION
Un spectre hante l'histoire industrielle française : Colbert et sa funeste
doctrine, seraient comptables, à écouter leurs contempteurs, de trois siècles
de retard, voire de déclin économique de la France. Colbert : entendons les
règlements, les privilèges, les bureaux de marque et le contrôle de la product
ion manufacturière, mais aussi les inspecteurs des manufactures, qui forment
l'objet du travail présenté aujourd'hui ; bref, toute une politique d'encadre
ment et d'intervention administrative, continuée bien au-delà des intentions
du père-fondateur en vérité. Peu importe : elle reste attachée à son nom,
devenu synonyme de centralisme bureaucratique et de dirigisme tatillon,
étouffant l'initiative privée.
« Colbertisme » contre « libéralisme » : le débat a connu une fortune
certaine, tant au plan politique, que dans l'historiographie de la croissance
française. On a lu de nombreux réquisitoires contre une supposée tradition
dirigiste nationale, présentée comme « le mal français » par excellence, sous
la plume des historiens, pour qui ingénieurs des Ponts, inspecteurs des manuf
actures, conseillers d'État, tous se seraient -je cite - « donnés pour mission
de maintenir l'économie en tutelle ». On peut toutefois se demander si ces
auteurs n'ont pas prêté une oreille trop complaisante aux soupirs d'une
France industrielle et commerçante prompte à se déclarer esclave, et comme
prisonnière, de la main trop visible de l'État et de ses agents.
C'est bien sûr toute la question des relations de l'État et de l'économie
en France qui se trouve alors posée ; avec en arrière-fond, l'incontournable
comparaison entre la France et l'Angleterre, celle-ci étant toujours présentée
comme un Éden libéral, berceau de la libre entreprise et paradis des entrepre
neurs, alors que la France aurait été bloquée, inapte à l'innovation manufact
urière, ses industriels ayant pris la mauvaise habitude de toujours attendre 484 THÈSES
les décisions ou les faveurs de l'administration. Mais disant cela, on n'a fait
que reprendre une antienne convenue, puisant sa source dans le discours
d'évidence tenu par les contemporains libéraux : on se souvient de Turgot
dénonçant les « imbéciles », amoureux des privilèges et des monopoles, ces
entrepreneurs indignes ne songeant à prospérer qu'à l'ombre de la tutelle
gouvernementale. Le dirigisme imputé à Colbert aurait-il donc vraiment
étouffé en France tout esprit d'entreprise ?
J'ai voulu aller y voir de plus près, sans bien mesurer au départ toutes
les difficultés. Car reprendre le dossier du colbertisme, c'est assurément
rouvrir la boîte de Pandore. Entreprise à hauts risques, sans doute, et vaste
programme en tout cas. Mais il y avait là une manière de défi. Aussi bien
n'étais-je pas seul dans l'aventure, encouragé, d'une part, par le soutien
jamais compté d'un directeur de thèse, au vrai fort libéral, et séduit, d'autre
part, par une petite musique lilloise : à Lille en effet, une équipe de cher
cheurs avait entrepris de réexaminer les comportements, les stratégies et les
attentes - institutionnelles et réglementaires notamment - des milieux de la
fabrique et du négoce dans le Nord de la France. Il me restait alors, pour ma
part, à prendre le problème par l'autre face, à savoir l'État, et sa politique
économique. Ma thèse, pourtant, et sans jeu de mots, ne pouvait être une
thèse d'État. Il n'était pas question pour moi de m'attaquer d'emblée à
Colbert et au volumineux dossier des avatars du colbertisme. Il fallait trouver
une entrée plus modeste, une manière détournée d'explorer la politique
manufacturière de l'Ancien Régime. Pour cela, j'ai choisi de suivre les aven
tures de ses agents d'exécution sur le terrain, dans les provinces : ce sont les
inspecteurs des manufactures qui, de 1669 à 1791, ont appliqué la politique
industrielle et commerciale définie par le Contrôle général et le Bureau du
Commerce, à Paris ou à Versailles.
Mois après mois, ces commissaires du roi comptent et contrôlent les
pièces d'étoffe, répriment les entorses aux règlements de fabrication, visitent
les fabriques et les ateliers dans tout le pays, rédigent des rapports sur la
situation manufacturière et commerciale, décrivent les techniques en usage et
suggèrent des améliorations, fruits de leur réflexion ou même de leur invent
ion. Ils sont en somme les yeux et la main du gouvernement dans les
provinces, chargés d'informer le pouvoir et d'appliquer ses directives. Pour
les marchands et les fabricants, la politique royale a d'abord le visage de
l'inspecteur affecté dans leur région. En somme, le colbertisme tout entier
s'incarne dans l'inspection des manufactures, ce corps de petits administra
teurs mal payés, ballottés entre les principes fondateurs de Colbert et les
inflexions des politiques économiques du xvme siècle.
Or, curieusement, en dépit de l'importance de leur rôle, ces hommes
sont très mal connus. On a bien sûr lu leurs rapports, et exploité les stati
stiques qu'ils ont dressées : les papiers des inspecteurs sont une des sources THÈSES 485
principales de l'histoire industrielle de la France d'Ancien Régime. Tout
comme le gouvernement royal, c'est à travers leurs yeux, et donc à travers le
filtre de leur regard, que les historiens ont découvert et analysé l'état de la
production et des techniques, les variations du commerce. Mais personne, si
ce n'est un inspecteur du travail de Dijon, qui s'était fait historien du
dimanche en 1927 - hormis Franc Bacquié donc, personne ne s'est vraiment
attaché à décrire les origines des inspecteurs, leur formation, leurs idées et
leurs relations ambiguës avec les praticiens de la manufacture et du négoce.
L'inspection constitue pourtant un observatoire privilégié pour
comprendre la nature véritable des rapports complexes noués entre la monarc
hie et l'univers industriel et marchand. Elle permet également d'apercevoir
les relations qu'entretiennent au xvme siècle l'économie politique des théori
ciens et la politique économique des administrateurs : autrement dit,
comment s'articulent les idées et les pratiques, à l'intérieur de l'État monarc
hique. L'enjeu est double.
Il s'agit tout d'abord de montrer comment le développement des idées
nouvelles repose sur les pratiques institutionnelles et sociales des milieux qui
les portent : à la fin de l'Ancien Régime, les Lumières ne sont pas contre
l'État; elles sont dans l'État. Mais il faut en démonter les réseaux pour voir
comment se sont nouées des solidarités réformatrices, dans l'alliance confuse
des savoirs et des pouvoirs. L'étude des sociabilités culturelles des bureaux et
des salons permet de mettre au jour les structures qui ont organisé les usages
et les pratiques collectives.
En second lieu, le combat mené par les Lumières en faveur de « l'amél
ioration » et du progrès économique ne peut se comprendre que s'il est resi
tué dans l'horizon concret des problèmes rencontrés : bien des idées
réformatrices, et leur audience ultérieure, sont nées précisément des difficul
tés auxquelles se sont heurtés les administrateurs éclairés dans leur pratique
gouvernementale quotidienne. L'histoire intellectuelle des Lumières passe
donc par une histoire concrète des idées, selon la proposition de Jean-Claude
Perrot. Il faut montrer comment la nouveauté naît de la confrontation perman
ente entre, d'un cô

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