L odyssée d une tribu saharienne : Les Djeramna (1881-1929) - article ; n°1 ; vol.10, pg 27-54
29 pages
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L'odyssée d'une tribu saharienne : Les Djeramna (1881-1929) - article ; n°1 ; vol.10, pg 27-54

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Description

Revue de l'Occident musulman et de la Méditerranée - Année 1971 - Volume 10 - Numéro 1 - Pages 27-54
28 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1971
Nombre de lectures 61
Langue Français
Poids de l'ouvrage 2 Mo

Extrait

Pierre Boyer
L'odyssée d'une tribu saharienne : Les Djeramna (1881-1929)
In: Revue de l'Occident musulman et de la Méditerranée, N°10, 1971. pp. 27-54.
Citer ce document / Cite this document :
Boyer Pierre. L'odyssée d'une tribu saharienne : Les Djeramna (1881-1929). In: Revue de l'Occident musulman et de la
Méditerranée, N°10, 1971. pp. 27-54.
doi : 10.3406/remmm.1971.1120
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/remmm_0035-1474_1971_num_10_1_1120L'ODYSSÉE D'UNE TRIBU SAHARIENNE :
LES DJERAMNA (1881-1929)
Le 4 septembre 1928, un arrêté du Gouverneur Général de l'Algérie réinté
grait dans la Tribu des Ouled Ziad Cheraga, appartenant à la Confédération des
Traffi, la fraction Djeramna qui l'avait abandonnée quarante huit ans plus tôt
pour se lancer dans une étonnante aventure.
Celle-ci, selon l'humeur du lecteur apparaîtra comme une sorte de western
saharien au cours duquel une tribu nomade s'enfonce de plus en plus dans le
désert pour sauvegarder sa liberté, avant de revenir, après un long périple, sur les
terres de ses ancêtres ; ou bien il trouvera matière à tragédie grecque et se
remémorera Ulysse et ses compagnons fuyant devant la colère d'Héra.
Soyons plus précis et examinons ce qui conduisit les Djeramna à assassiner
un officier français, le 21 avril 1881, puis à gagner successivement le Sud-Marocain,
la région d'El-Goléa, le Gourara, le Touat, Aoulef, les Touareg Ajjer, Ghadamès, le
Fezzan, pour finalement revenir aux environs d'El Abiod Sidi Cheikh, en passant
par le Sud Tunisien et les régions d'Ouargla et Goléa.
En 1881, le Sud Oranais échappait encore au contrôle de l'administration
française. On trouvait bien un Bureau Arabe à Géryville, mais son influence ne
dépassait guère soixante kilomètres à la ronde. Les postes de Méchéria, Ain Sefra,
du Khreider, n'existaient pas. Une maigre garnison de disciplinaires de la Légion
occupait le bordj de Sfissifa ; son rôle politique était nul. On ne disposait que
d'une seule piste carrossable reliant Géryville à Saïda. Tous les transports se
faisaient encore à dos de chameau.
Dans ces immenses étendues, les tribus vivaient comme elles avaient vécu à
l'époque turque, estimant, l'impôt payé, pouvoir agir à leur guise.
Or, ces tribus étaient loin d'être paisibles. Sous la conduite de leurs Chefs
religieux, les Ouled Sidi Cheikh, elles s'étaient révoltées en 1864 ; et si la majorité
d'entr'elles, dont les Djeramna, était rentrée en 1866, quelques familles étaient
encore en dissidence sur les confins Algéro-Marocains ou dans l'Extrême Sud1.
1. Cette Confédération maraboutique était divisée en deux tribus ; les Ouled Sidi Cheikh
Cheraga, vivant en territoire Algérien et les Ouled Sidi Cheikh Gheraba, placés, théoriquement,
sous le contrôle du Sultan du Maroc. Mais la question de nationalité n'avait guère d'importance
pour les intéressés qui nomadisaient selon leur gré. Cf. 33 JJ 15. Archives d'Outre-Mer, Aix
(A.O.M.).
Avant d'aller plus loin, nous rappelons ici l'articulation des circonscriptions administratives
Sahariennes : Poste, Cercle, Annexe et, i partir de 1903, Territoire. P. BOYER 28
Les contacts fréquents avec ces insoumis entretenaient un esprit de rebellion
larvé qui n'attendait que l'occasion pour s'affirmer par les armes.
A partir de tl878, une série d'incidents caractéristiques se produisait.
D'abord, le jeune Si Hamza, héritier direct de la baraka des Ouled Sidi Cheikh, qui
venait de rentrer dans les Territoires contrôlés par l'administration française,
s'évadait vers les confins Algéro-Marocains. Ensuite, à l'annonce de l'établissement
d'une voie ferrée à travers leurs territoires, les Traffï bloquaient à Tyout la
mission d'étude du Transsaharien qui devait rebrousser chemin devant l'hostilité
des tribus.
Mais surtout l'action d'un jeune marabout, Bou Amama, allait raviver les
vieilles espérances. Ce saint personnage, né vers 1838/40 dans la région de Figuig,
était d'origine très modeste. Il appartenait aux Ouled Sidi Taj, fraction des Ouled
Sidi Cheikh Gharaba. Son grand-père avait joui, cependant, d'un certain prestige
religieux. En 1875, il se fixait à Moghar, en territoire algérien où sa piété le fit LES DJERAMNA 29
remarquer. En 1878, il y fondait une zaouïa et commençait, selon l'usage, à
envoyer des missionnaires dans les tribus.
Poursuivait-il un but religieux ou un but politique ? Les renseignements
recueillis sont contradictoires car les événements qu'il déclencha servirent de
prétexte à polémique dans la presse algérienne. Le parti civil en fît un agitateur
sans scrupule, le parti militaire un honnête marabout qui aurait mal tourné2. De
toutes façons, c'était jouer avec le feu et cette prédication religieuse glissa
rapidement à l'appel à la révolte.
L'administration militaire signalait bien le danger mais le Gouverneur Génér
al, Albert Grevy, avait proclamé en 1879 que "l'ère des insurrections était close"
et il lui était difficile de se déjuger en organisant une expédition dans le
Sud-Oranais. Bou Amama put ainsi développer en toute tranquilité son action. Ses
moqqadem avaient reçu un excellent accueil chez les Traffi et particulièrement
chez les Djeramna des Ouled Ziad3. Un de ces derniers, Tayeb el Djeramni, avait
même été chargé d'aller à son tour porter la bonne parole chez Ouled Addou du
Cercle de Tiaret.
Au début de 1881, cependant, les renseignements affluent rapportant l'immi
nence d'un soulèvement. Le 3 mars, 1 1 familles d'Ouled Sidi Cheikh Gharaba,
entrées en territoire algérien en 1877, vont rejoindre Bou Amama. Survient, le 13,
l'annonce du massacre de la Mission Flatters qu'apporte un Chambaa d'Ouargla.
Le 6 avril, le Bachaga de Frendah, Si Ahmed Ouled Cadi, dont la loyauté est
connue, annonce que Bou Amama a envoyé des émissaires dans les tribus pour
prêcher la guerre sainte.
Cette fois, on s'inquiète en haut lieu, d'autant que la prochaine campagne de
Tunisie a vidé l'Oranie de ses troupes4, On convoque les Caïds pour les inviter à
secouer leur torpeur et ordre est donné aux Officiers des Bureaux Arabes d'arrêter
en tribu les émissaires du Marabout.
Dans le Cercle de Géryville, l'attention se porte sur la fraction des Djeramna
dont les deux chefs Eddin ben Mohammed et Dahmane ben Cheikh sont acquis à
2. Ces deux positions sont représentées par :
— Bezy, L 'Insurrection du Sud Oranais — Oran, s.d., et
— Commandant Graulle, L'insurrection de Bou Amama — Paris, Lavauzelle, 1905. Ageron,
dans son ouvrage "Les Algériens et la France" se rallie à l'opinion des militaires et dénonce
l'exploitation que la presse des colons fit de cette révolte. Ce qui l'amène, par un excès
contraire, à l'assimiler à "un rezzou de vaste ampleur", reprenant ainsi l'expression d'A.
Bernard. Or, comme nous le verrons, un rezzou ne se prépare pas par trois années d'agitation
politique en tribu et ne dure pas huit mois. La justification qu'il en donne (pillage des silos de
tribus limitrophes) n'est qu'un côté secondaire de l'affaire, conséquence du fait que les tribus
insurgées n'avaient pas eu le temps de s'approvisionner en grains par suite du déclanchement
prématuré de la révolte. Les documents conservés ou publiés sont suffisamment nombreux pour
affirmer que le but poursuivi par Bou Amama n'était pas si limité.
D'autre part Weinbrenner n'était pas le chef du bureau arabe de Géryville (p. 62) mais un
jeune S/Lieutenant, nouvellement affecté.
3. Les Djeramna se composaient de 2 sous-fractions :
—proprement dits
— Djeramna El Aouachir.
4. Les opérations commencent le 24 avril 1881. P. BOYER 30
Bou Amama et dont est originaire le moqqadem Tayeb el Djeramni. L'opération
est délicate et il est certain que l'envoi d'officiers sans troupes au milieu de tribus
en semi rebellion frise l'inconscience5. Pour comble de malchance, Géryville n'a
sous la main qu'un jeune sous-lieutenant, affecté depuis peu aux affaires arabes,
ne connaissant pas les réactions des nomades. Aussi, avant d'être envoyé le
S/Lieut

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