L oral dans l écrit : histoire(s) d E - article ; n°1 ; vol.89, pg 20-34
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L'oral dans l'écrit : histoire(s) d'E - article ; n°1 ; vol.89, pg 20-34

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Description

Langue française - Année 1991 - Volume 89 - Numéro 1 - Pages 20-34
15 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1991
Nombre de lectures 87
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Catherine Vigneau-Rouayrenc
L'oral dans l'écrit : histoire(s) d'E
In: Langue française. N°89, 1991. pp. 20-34.
Citer ce document / Cite this document :
Vigneau-Rouayrenc Catherine. L'oral dans l'écrit : histoire(s) d'E. In: Langue française. N°89, 1991. pp. 20-34.
doi : 10.3406/lfr.1991.5761
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/lfr_0023-8368_1991_num_89_1_5761VIGNEAU- ROU A YRENC Catherine
Université de Toulouse-Le Mirail
L'ORAL DANS L'ÉCRIT : HISTOIRE(S) d'E
Au plan phonique, l'e muet ou caduc « est la voyelle plus ou moins centralisée
qui, selon l'entourage et le registre de langue, peut apparaître ou disparaître »
(F. Carton, 1974, p. 63). Par conséquent, ou bien il se réalise sous la forme du
phonème vocalique antérieur et labialisé noté [э], ou bien il correspond à un « zéro
phonique » (V. Lucci, 1976, p. 87) !. L'écrit, s'il est conforme à la norme « prescrip
tive » (cf. F. Helgorsky, 1982), ne prend pas en compte la notion d'e caduc puisque
figurent dans l'orthographe aussi bien des e 2 qui sont obligatoirement réalisés à l'oral
que des e qui ne le sont pas. Mais dès lors que l'écrit se mêle de vouloir restituer l'oral,
vient en général se poser le problème de cet e dont le traitement à l'oral est complexe
et qui est source d'altérations de graphie, soit qu'on en souligne la réalisation grâce à
la graphie « eu » (« I'parleu d'appreindre ! », H. Poulaille, Pain de soldat, p. 136), soit
qu'on en indique la non-réalisation en substituant le plus souvent une apostrophe au
graphème e plutôt qu'en supprimant purement et simplement celui-ci. Les deux
irrégularités de graphie ne sauraient d'ailleurs être mises sur le même plan. La
première, beaucoup plus rare, vise à indiquer un maintien irrégulier, relevant en
général d'une prononciation régionale ; la seconde veut rendre un phénomène oral
général. Aussi est-ce à la seconde qu'est consacré cet article.
1. Pourquoi l'e caduc constitue-t-il un élément capital dans l'oralisa-
tion de récrit ?
1.1. Parce qu'il met en cause une réalité spécifiquement orale : celle de groupe
rythmique ou accentuel.
La réalisation ou la non-réalisation d'un e caduc oral dépend en effet de sa
position dans l'unité fondamentale orale qu'est le groupe délimité par l'accent. Son
traitement varie selon qu'il est au début, à la fin ou à l'intérieur d'un groupe
accentuel. Or, l'écrit ne saurait restituer le groupe rythmique ou accentuel qu'autant
que celui-ci coïncide avec le groupe de souffle, c'est-à-dire « le groupe terminé par une
pause » (P.R. Léon, 1972, p. 20). Grâce aux signes de ponctuation qui rendent compte
1. Etant donné que seule importe ici la réalisation ou la non-réalisation de ce phonème
particulier, il paraît inutile de rentrer dans le détail des discussions qui ont pu occuper
phonéticiens et phonologues à propos de sa nature (cf. A. Dauses, 1973).
2. A l'écrit, Ге caduc correspond en principe à « tout "e" sans accent de la graphie qui ne fait
"eu" avec les pas partie de digraphes ou de trigraphes reconnus (par ex. "en", "ein", "eau",
valeurs [ф], [œ], "ge" avec la valeur de [$\ devant "a", "o", "u") et qui ne se prononce ni [t]
comme dans "fer", ni [a] comme dans "femme", ni [e] comme on peut l'entendre dans la
première syllabe de "terrible". » (A. Martinet, 1974, p. 210). Toutefois, correspond aussi à un e
caduc la première voyelle de certaines formes du verbe « faire » : « faisant », « faisons » ;
« faisait » etc., de « faisan » et de « monsieur ».
20 de ces pauses, sont en effet délimités, à l'écrit, uniquement les groupes qui à l'oral
coïncideraient avec les groupes de souffle. Malheureusement, le groupe de souffle oral
correspond rarement à un seul groupe accentuel. L'écrit ne permet donc de définir
avec certitude que les débuts et les fins de groupe de souffle, qui correspondent
obligatoirement à des et à des fins de rythmique ; ainsi tout e placé
après un signe de ponctuation correspond à un e oral initial de groupe accentuel,
tandis que tout e placé avant un signe de ponctuation correspond à un e final de
groupe. Dans la phrase : « L'année prochaine, je serai trop vieux [...]. » (Le Clézio,
Désert, p. 278), aucun doute sur le statut de « je » ou sur celui du e final de
« prochaine ».
Entre ces deux pôles règne l'incertitude ; en l'absence de signe de ponctuation,
impossible de dire si certains e sont véritablement intérieurs ou s'ils ne seraient pas à
l'oral, selon les cas, en début ou en fin de groupe rythmique, et ce d'autant plus que
la longueur du groupe rythmique est variable, dépendant notamment de la rapidité
du débit de parole. Dans la phrase suivante : « Je ne t'ai pas raconté le jour où nous
avons péché un requin, n'est-ce-pas ? » (ibid., p. 105), rien ne permet de décider si le
déterminant « le » (« le jour ») doit être considéré comme placé dans la syllabe initiale
ou à l'intérieur d'un groupe, double possibilité qui existe à l'oral, la phrase pouvant
être diversement réalisée. L'e final de « couverte », dans la suivante,
correspond-il à un e final de groupe ou à un e intérieur ? « Tu la vois, la nouvelle terre
toute couverte de vergers du nord, du fond, du sud. » (J. Giono, Que ma joie demeure,
p. 273). Rien ne permet d'en décider. Si l'infirmité de l'écrit permet finalement dans
ces exemples de ne pas restreindre la diversité des réalisations orales, il est des cas où
la réalisation orale ne fait guère de doute, alors même que rien à l'écrit ne l'indique.
Ainsi dans « Maintenant elle est faible la fleur. » (ibid., p. 272), « faible », étant donné
la structure emphatique de la phrase, constitue indéniablement une fin de groupe
rythmique. Il importe donc de savoir comment l'écrit, lorsqu'il veut rendre compte de
l'oral, se tire de ces problèmes.
1.2. Parce que vouloir intégrer des faits de prononciation dans l'écrit, a fortiori s'il est
littéraire, c'est se heurter à la Norme pour laquelle la littérature constitue précisément
un des moyens de se maintenir. Et cette Norme rejette bien évidemment toute
irrégularité de graphie. Témoigne de son emprise le fait que bien des écrivains, qui
veulent pourtant introduire le parlé dans l'écrit, ne recourent à aucune modification
graphique destinée à rendre des particularités de prononciation qui en entraîneraient
la transgression. C'est le cas par exemple dans Les Cloches de Bâle d'Aragon, dans un
roman populiste comme Les frères Bouquinquant de J. Prévost paru en 1931, des
romans « rustiques » tels que La Séparation des Races de CF. Ramuz ou encore
Jean-Marie, homme de la terre de L. Gachon, paru en 1932. Il est intéressant de
remarquer également que L.F. Céline dans Voyage au bout de la nuit et Mort à Crédit
n'utilise comme marques de prononciation orales que celles qui lui permettent de
retrouver des graphies existantes, notamment Tension de la voyelle dans le pronom
sujet, qu'il s'agisse du relatif ou du pronom personnel de deuxième personne. En effet,
« qu' » et « ť » correspondent aux formes élidées de ces mêmes pronoms lorsqu'ils
sont compléments. D'autre part, si dans Voyage au bout de la Nuit Céline supprime l'e
caduc uniquement dans le pronom de première personne « je », ce qui n'entraîne
aucune altération de graphie, il y renonce dans le roman suivant. En effet, la forme
« j' » est la forme normale du pronom en cas d'élision, c'est-à-dire de chute de l'e
devant initiale vocalique. En revanche, lorsque « j' » note la non-réalisation d'un e
caduc, c'est toujours devant une initiale consonantique, ce qui entraîne des séquences
21 phonèmes inconnues de l'orthographe, telles que : « — J'peux pas t'en dire plus de
long... » (p. 306).
1.3. Parce qu'il oblige à poser le problème d

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