La diglossie comme conflit : l exemple occitan - article ; n°61 ; vol.15, pg 75-91
18 pages
Français

Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement

Je m'inscris

La diglossie comme conflit : l'exemple occitan - article ; n°61 ; vol.15, pg 75-91

-

Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement

Je m'inscris
Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne
En savoir plus
18 pages
Français
Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne
En savoir plus

Description

Langages - Année 1981 - Volume 15 - Numéro 61 - Pages 75-91
17 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1981
Nombre de lectures 291
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Philippe Gardy
Robert Lafont
La diglossie comme conflit : l'exemple occitan
In: Langages, 15e année, n°61, 1981. pp. 75-91.
Citer ce document / Cite this document :
Gardy Philippe, Lafont Robert. La diglossie comme conflit : l'exemple occitan. In: Langages, 15e année, n°61, 1981. pp. 75-91.
doi : 10.3406/lgge.1981.1869
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/lgge_0458-726X_1981_num_15_61_1869Philippe Gardy
C.N.R.S.
Robert LAFONT
Université de Montpellier
LA DIGLOSSIE COMME CONFLIT : L'EXEMPLE OCCITAN
1. Fonctionnement et mise en représentation du conflit linguis
tique
Les études menées depuis une dizaine d'années de façon suivie sur la diglossie
franco-occitane ont permis de préciser un certain nombre de notions, en particulier
celles de conflit linguistique (liée à l'existence des deux éléments fondamentaux : lan
gue dominante, langue dominée), de fonctionnement diglossique, de représentation
de la diglossie.
Proposée et élaborée par certains linguistes, essentiellement nord-américains, la
notion de diglossie a longtemps été considérée, sinon en théorie, tout au moins en
pratique, comme une notion statique qui permettait de décrire avec une plus grande
précision l'état de concurrence inégale dans lequel se trouvaient deux (ou plusieurs)
langues ou « variétés linguistiques » dans un milieu donné. L'existence d'une variété
« haute », prestigieuse, et d'une variété « basse », sentie comme inférieure, constitue
le fondement même de la théorie de la diglossie telle que l'ont établie FERGUSON,
FlSHMAN et leurs disciples. Sans remettre en cause les éléments de base de cette
théorie, les recherches sur la diglossie franco-occitane, à la suite des travaux entrepris
parallèlement par le Grup Català de Sociolinguistica, ont abouti à mettre l'accent sur
la dynamique de la diglossie, en insistant sur le caractère conflictuel du processus
diglossique.
1.1. Conflit linguistique. L'enquête sur la diglossie, lorsqu'elle ne vise pas, dès le
départ, à circonscrire les phénomènes dans le cadre préalablement dessiné d'une tax
inomie, d'un inventaire, plus ou moins minutieux, des situations de parole et des don
nées relatives à ces situations, fait apparaître que la diglossie n'est pas un fait
linéaire, univoque, mais le lieu d'un conflit, sans cesse reproduit et sans cesse remis
en cause. S'il existe bien une langue dominée (langue B) et une langue dominante
(langue A), celles-ci n'interviennent jamais en tant que telles, mais l'une relativement
à l'autre, l'une face à l'autre. La langue dominée ne peut exister que dans et par la
relation de subordination qui la lie à la langue dominante, alors même que cette der
nière est absente ; et, inversement, la quelle que soit la situation
de parole, suppose la langue dominée. Toute performance occitane s'effectue sous le
contrôle du français, et, en dernière analyse, sur les marges de celui-ci. Car, s'il y a
réellement conflit, et ce à chaque instant de la parole, le conflit n'est jamais, ou pra
tiquement jamais — sinon dans des occasions tout à fait exceptionnelles, et, de toute
75 momentanées — exprimé en tant que tel. Il est toujours dévié, disséminé, évafaçon,
cué.
Cette contradiction constitutive de la performance diglossique peut avoir des con
séquences non négligeables sur la position de la diglossie elle-même : le conflit n'est
plus tellement défini par les deux pôles langue dominante-langue dominée, mais plu
tôt par le système cohérent qui est venu recouvrir leur affrontement. La neutralisa
tion des oppositions établit entre la langue A et la langue В une véritable complé
mentarité, une sorte de continuum idéologique qui rend très difficile une opération
d'élucidation des termes du conflit. Pour cette raison, le conflit linguistique doit être
envisagé comme la structure profonde d'un vaste ensemble de fonctionnements
diglossiques.
1.2. Fonctionnement diglossique. La mise entre parenthèses des termes du conflit
apparaît ainsi comme une des caractéristiques essentielles de la diglossie. Elle permet
de dégager quelques-unes des règles du fonctionnement diglossique, et, en particul
ier, de mettre en évidence que celui-ci est toujours intégrateur : il se réfère à un
système de valeurs, linguistiques et extra-linguistiques, dans lequel tout ce qui se rap
porte à la langue dominée est à la fois dévalorisé et surévalué. Et cela de deux
manières : au niveau de la performance elle-même, au niveau des représentations par
l'intermédiaire desquelles cette est, très globalement, située, jugée.
La mise au clair des données du conflit, l'explicitation des enjeux en présence
aboutit à peu près uniformément à une fétichisation de la langue dominée, qu'il
s'agit alors de faire fonctionner (dC exhiber) avec beaucoup de virtuosité, conformé
ment à une image idéale de cette langue. La socialite perdue ou très largement enta
mée de la parole est ainsi compensée par une spectacularisation intense, d'autant
plus théâtralisée qu'elle veut masquer un vide, une absence. Le fonctionnement diglos
sique devient ici un jeu, une sorte de scène sur la scène quotidienne du langage, et le
locuteur se transforme, pour quelques minutes, en acteur de sa propre dépossession,
acteur nostalgique, donc distancié. Il faut inventer un lieu pour une langue
qui n'en connaît plus, ou plus guère ; un lieu de la récupération immédiate, où les
hiérarchies sont soudain gommées, où le temps du récit succède au temps de l'his
toire. L'enquête sur la diglossie franco -occitane rencontre immanquablement ces sor
tes de démonstrations pathétiques qui installent la langue dominée dans un monde
sans contradiction, intemporel, véritable refuge linguistique.
Parallèlement à cette réfutation ostentatoire du conflit se fait jour une dévalorisa
tion tout aussi définitive de la langue dominée, que l'on se refuse à utiliser comme
moyen de communication avec autrui : si le récit mythique est proposé en occitan,
tout l'appareillage qui prépare ou suit sa production est en français, ou peu s'en faut.
Socialement, l'occitan, langue B, n'est plus considéré comme une valeur ; il est hors
circuit.
Ainsi, le fonctionnement diglossique renvoie-t-il au système de représentations par
l'intermédiaire duquel il est produit.
1.3. Représentation de la diglossie. Tout fonctionnement diglossique a pour corol
laire une distribution des langues. La sociolinguistique fait l'inventaire des « occa
sions de parole » que la langue dominante accorde à la langue dominée, selon un
système d'opposition aujourd'hui bien connu, que le sociolinguiste catalan R. Ll.
NlNYOLES a bien résumé : « la langue considérée comme ' haute ' (A) est utilisée
dans les relations ' formelles ' (vie publique, enseignement, mass media...) ; l'autre
langue, considérée comme ' basse (B) s'utilise presque exclusivement dans les rela
tions informelles (famille, plaisanteries, animaux...) ». Dans le cas de la situation
76 ces occasions de parole, bien que réelles, et, peut-être, plus nombreuses et occitane,
plus variées qu'on ne le croit généralement, n'occupent pas un très grand espace.
Fragmentées, décentrées, elles deviennent de plus en plus virtuelles, exception faite
des lieux où l'occitan, à la suite d'une démarche volontariste, se recrée un territoire
(on pense à l'enseignement, à la littérature, à la chanson, au théâtre : lieux spécifi
ques où la langue dominée est plus véhiculée comme un objet — d'étude, de spectac
le, etc. — que comme sujet d'une communication). Cette virtualité met bien en relief
l'articulation première du discours diglossique : celle d'une pratique (ou d'une
absence de pratique, faute de lieu social convenable) fonctionnant en retombées
d'idéologie, par le biais d'un système de représentations très fortement institutionnal
isé. À la limite, on peut dire que, sans ce système de représentations, la diglossie
serait impossible, inconcevable.
Comme le fonctionnement diglossique, les représentations de la diglossie, les
s

  • Univers Univers
  • Ebooks Ebooks
  • Livres audio Livres audio
  • Presse Presse
  • Podcasts Podcasts
  • BD BD
  • Documents Documents