La duperie de soi et le problème de l'irrationalité

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Sous la direction de Pascal Engel
Thèse soutenue le 19 mai 2008: Paris 4
Le problème de la duperie de soi constitue un défi majeur pour toute théorie de la rationalité, attendu que le sujet qui se dupe lui-même semble adhérer à une croyance illusoire tout en étant conscient de son caractère illusoire. C’est en tout cas ce que prétend la tradition « intentionnaliste » qui domine parmi les philosophes (Sartre, Davidson, Pears, Talbott, Scott-Kakures, Bermudez), qui tend à décrire la duperie de soi comme un acte intentionnel dont l’agent serait entièrement responsable. Nous soutenons au contraire une conception dite « émotionnaliste » selon laquelle la duperie de soi est un phénomène sub-intentionnel et involontaire d’illusion cognitive qui trouve son explication dans l’influence des émotions sur notre faculté de juger. Cela nous amène à développer une théorie « cognitivo-hédonique » des émotions qui vise à rendre compte du rôle que jouent ces dernières non seulement dans la naissance des croyances irrationnelles, mais même des actions irrationnelles (acrasia).
-Duperie de soi
-Self-déception
-Irrationalité
-Emotions
-Biais
-Croyance
-Mauvaise foi
-Acrasia
Self-deception poses a notable challenge for any theory of rationality, given that the self-deceiver appears to embrace a deceptive belief knowing of it’s deceptive nature. This is at least what is claimed by those who hold an « intentionalist » account (Sartre, Davidson, Pears, Talbott, Scott-Kakures, Bermudez), who tend to portray self-deception as an intentional act for which the self-deceiver should be held accountable. Instead, I hold a so-called « emotionalist » account according to which self-deception is a sub-intentional and involuntary process of cognitive illusion which stems from the influence our emotions may insidiously exert on our cognitive faculties, and thereby on our judgments. That leads me to develop a « cognitive-hedonic » theory of emotions with the purpose of showing how exactly our emotions are capable of inducing not only irrational beliefs, but even irrational actions (acrasia).
Source: http://www.theses.fr/2008PA040047/document
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276

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Français

Poids de l'ouvrage

4 Mo



UNIVERSITÉ DE PARIS IV - SORBONNE
École doctorale V - Concepts et langage
Rationalités contemporaines





Thèse pour obtenir le grade de Docteur en Philosophie, présentée et
soutenue publiquement par Vasco CORREIA le lundi 19 mai 2008


LA DUPERIE DE SOI
ET LE PROBLÈME DE L’IRRATIONALITÉ



Sous la direction de Monsieur le Professeur P. ENGEL


Membres du Jury

M. Jon ELSTER, Professeur, Collège de France
M. Pascal ENGEL, Professeur, Université de Paris IV - Sorbonne
M. Pierre LIVET, Professeur, Université de Provence
Mme. Joëlle PROUST, Directeur de Recherche, CNRS.
Mr. Gérard REACH, Professeur, Université de Paris XIII - Bobigny
Mme. Christine TAPPOLET, Professeur, Université de Montréal














Pour mes parents, Mizé et Quim, et pour Karin.

























SOMMAIRE




INTRODUCTION.........................................................................................................................5

PREMIÈRE PARTIE : La spécificité de la duperie de soi
Introduction...........................................................................................................................19
CHAPITRE I - Duperie de soi versus « acrasia ».....................................................................21
C II - Duperie de soi versus « wishful thinking »....................................................57
CHAPITRE III - Duperie de soi versus mensonge à soi...........................................................85
C IV - La définition de la duperie de soi................................................................103
Conclusion...........................................................................................................................128

DEUXIÈME PARTIE : Motivation et croyance
Introduction.........................................................................................................................133
CHAPITRE I - Décider de croire............................................................................................135
C II - La division de l’esprit...................................................................................175
CHAPITRE III - Duperie sans partition..................................................................................201
C IV – Vers une conception « émotionnaliste ».....................................................235 ......265

TROISIÈME PARTIE : Théorie des émotions ......271
CHAPITRE I – Emotion et cognition.....................................................................................281
C II – La théorie cognitivo-hédonique...................................................................311
Conclusion..........................................................................................................................370

QUATRIÈME PARTIE : Théorie de l’irrationalité
Introduction.........................................................................................................................377
CHAPITRE I – L’irrationalité émotionnelle...........................................................................383
C II – L’irrationalité cognitive................................................................................410
CHAPITRE III - L’irrationalité pratique.................................................................................469
Conclusion...........................................................................................................................529

CONCLUSION........................................................................................................................535

Bibliographie......................................................................................................................562

Index...................................................................................................................................581

TABLE DES MATIÈRES.........................................................................................................585






























































INTRODUCTION

SOMMES-NOUS DES ANIMAUX IRRATIONNELS ?


Je crois entendre ici les philosophes réclamer : “C’est
précisément fort malheureux qu’on soit tenu ainsi par
la Folie dans l’illusion, dans l’erreur et l’ignorance”.
Mais non, c’est être homme, tout simplement.
ERASME, Eloge de la folie

[Le problème de la duperie de soi] est pour moi le test
crucial qu’une théorie de la nature humaine doit
passer.
ELSTER, Ulysses and the Sirens, p. 173.



1. LE PROBLÈME DE L’IRRATIONALITÉ

Se duper soi-même, ce n’est pas seulement se voiler la face ou enfoncer la tête dans le
sable quand on manque de courage pour accepter la dure réalité. C’est aussi se fabriquer de
toutes pièces une vérité plus avenante, s’offrir une vision plus rose de la réalité. Elle est
donc double, la douce illusion qui consiste à croire à ses propres mensonges, et double
aussi l’effort qui la sous-tend : c’est refuser de voir les choses comme elles sont, et c’est
décider de voir les choses autrement, ce qui n’est pas tout à fait la même chose. C’est par
exemple refuser de croire à l’infidélité de la personne qu’on aime, y compris lorsque les
indices en deviennent alarmants, mais c’est aussi se persuader que cette personne a toutes
les qualités du monde, y compris quand les autres nous font remarquer ses défauts. C’est se
dire que l’on passera un examen avec succès, malgré ses lacunes de préparation, mais c’est
aussi essayer de « positiver », comme on dit aujourd’hui, se regarder dans un miroir et
clamer avec un optimisme résolu : « Je vais réussir ! ».
Face à ce phénomène, se pose bien sûr une question éminemment éthique : a-t-on le
droit de se duper soi-même ? De prime abord, il peut sembler parfaitement légitime
d’adhérer à l’invraisemblable, car après tout chacun croit ce qu’il veut. Pour beaucoup
d’auteurs, il s’agirait même une attitude plutôt saine dans certains cas, en particulier lorsque
l’acceptation de la vérité crue et nue risque d’avoir des conséquences dévastatrices sur le
plan psychique, ou même conduire à un geste de désespoir. Par exemple, la personne qui
vient d’apprendre qu’elle souffre d’une maladie incurable peut s’accrocher à l’illusion que
les médecins se trompent sur sa condition, en dépit de leur avis unanime, ne serait-ce que le
temps de s’en faire une raison. On parle parfois en ce sens d’« illusions positives », car
elles peuvent aider les individus à faire face à leurs problèmes ou même contribuer à leur 1santé mentale . Mais d’un autre côté, on se rend compte à quel point il peut s’avérer
dangereux de prendre ses désirs pour des réalités, puisque les illusions que l’on se fabrique
pour soi-même risquent d’avoir des répercutions indirectes sur la vie des autres. On
trouverait par exemple immoral que le propriétaire d’un manège forain décide de négliger
un défaut de fabrication de sa machine, mettant par là-même en danger la vie de ses clients,
sous prétexte que cela vaudrait mieux pour son confort psychologique.
Mais peut-on établir des normes et des interdits moraux dans le domaine de la pensée
? Avons-nous une responsabilité sur nos croyances au même sens où nous avons une
2responsabilité sur nos actions ? Et comment s’assurer qu’un sujet est réellement
responsable de ses illusions ; comment savoir s’il s’est voilé la face de façon intentionnelle,
ou s’il n’a été que la victime crédule d’une illusion involontaire ? Il est intéressant de voir
comment la manière même dont nous exprimons ce phénomène dans le langage ordinaire
traduit l’ambiguïté de la compréhension que nous en avons. Lorsqu’un sujet se rend compte
qu’il a été dupe de ses propres illusions, il n’est pas rare qu’il s’exclame après coup : «
Comment ai-je pu être aussi bête ? », ce qui laisse supposer qu’il n’a été que la vict

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