La femme athénienne vue par les orateurs - article ; n°1 ; vol.10, pg 47-60
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Description

Travaux de la Maison de l'Orient - Année 1985 - Volume 10 - Numéro 1 - Pages 47-60
14 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1985
Nombre de lectures 46
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Madame Claude Vial
La femme athénienne vue par les orateurs
In: La femme dans le monde méditerranéen. I. Antiquité. Lyon : Maison de l'Orient et de la Méditerranée Jean
Pouilloux, 1985. pp. 47-60. (Travaux de la Maison de l'Orient)
Citer ce document / Cite this document :
Vial Claude. La femme athénienne vue par les orateurs. In: La femme dans le monde méditerranéen. I. Antiquité. Lyon : Maison
de l'Orient et de la Méditerranée Jean Pouilloux, 1985. pp. 47-60. (Travaux de la Maison de l'Orient)
http://www.persee.fr/web/ouvrages/home/prescript/article/mom_0766-0510_1985_sem_10_1_2029LA FEMME ATHÉNIENNE VUE PAR LES ORATEURS
Claude VIAL
Notre connaissance du droit privé en Attique vient en grande partie des pla
idoyers des orateurs. Sur le comportement, sur la vie réelle des Athéniens, les i
nformations qu'ils donnent sont précieuses, mais ponctuelles, partielles et fragment
aires; il n'est pas toujours facile de voir si le «fait divers» évoqué en une phrase,
utilisé par un logographe qui se soucie de la réaction des juges, est un exemple
représentatif d'une conduite habituelle dans la société attique ou au contraire un
cas rare ou même exceptionnel ; l'orateur isole souvent le détail de son contexte,
soit de façon normale parce que seul ce point importe pour son développement,
soit de maligne pour orienter les sentiments des juges. De telles sources doi
vent être maniées avec précaution.
Sans les plaidoyers nous connaîtrions fort peu la femme athénienne. Mais
leur valeur est grande surtout pour les aspects légalistes et institutionnels. La fem
me réelle et vivante reste en général dans l'ombre: en plus des informations de
nature juridique, ce que l'on retire de la lecture des orateurs, c'est une «image» de
la femme, la représentation qu'un homme cultivé donne de la femme dans un dis
cours public prononcé devant un tribunal masculin dont il veut influencer le vote.
Naturellement, on ne peut dégager cette image que pour cette portion de la
population féminine qui ne se distingue que par son sexe des juges qui écoutent le
plaidoyer, c'est-à-dire pour \esastai, les femmes de la communauté athénienne (1).
Lorsque l'orateur parle d'une esclave, la différence de condition (l'absence de
liberté, le fait qu'elle est la propriété d'un autre être humain) compte au moins
autant que la différence de sexe.
Dans les plaidoyers attiques, la femme est beaucoup plus souvent l'objet du
discours que le sujet de l'action, en raison de son statut dans l'institution judi
ciaire, de son faible rôle dans la cité et la société, en raison aussi des conventions
de bienséance observées par les orateurs. Cependant, quelques rares passages nous
font découvrir des femmes informées et capables d'initiative, notamment des veu
ves qui défendent leurs enfants.
1. Un membre d'une communauté civique grecque désigne par astos l'homme et par asté la femme qui font
partie de sa communauté. On trouvera de bons exemples dans Démosthène, C. Euboulidès, 24, 25, 30,
35, 36, 40, 43, 45, 46, 54; cf. aussi l'emploi de ces termes dans les lois attiques relatives au mariage
citées C. Néaira, 16, 51 et 124.
La femme dans le monde méditerranéen
TMO 10, Lyon, 1985. 48 C. VIAL
La femme comme objet du discours.
Athènes était une des cités grecques où la femme avait un kyrios, c'est-à-dire
un représentant légal qui était responsable d'elle et qui parlait et agissait à sa place
dans le domaine judiciaire: aucune femme ne parlait aux juges. Dans les pla
idoyers, la femme n'est jamais «je» ; l'adversaire disait «tu» non à la femme, mais
au kyrios de la femme ; chez les orateurs, la femme est toujours « elle » .
En raison de leur rôle presque nul dans la vie publique, les femmes étaient
rarement accusées d'avoir violé une loi de la cité et se trouvaient donc rarement
impliquées dans un procès où on encourait une peine. On ne connaît que deux
Athéniennes qui se soient trouvées au IVème siècle dans une telle situation. En
effet, l'empoisonneuse Théôris que Démosthène qualifie de «Lemnienne» (C.
Aristogiton I, 79) n'est probablement pas une Athénienne habitant dans la clérou-
quie de Lemnos: «Lemnienne» est une insulte pour désigner une femme qui tue
des hommes, car les Lemniennes, d'après le mythe, ont pour se venger de leurs
maris infidèles tué dans une nuit tous les hommes et tous les garçons (2). L'une
des deux Athéniennes, que l'orateur désigne comme «la sœur de Lakédaimonios » ,
a été accusée d'impiété par un certain Euboulides et acquittée par plus des quatre
cinquièmes des voix (Démosthène, C. Euboulides, 8). L'autre, une veuve anony
me, a été poursuivie pour avortement par un parent de son mari, qui revendiquait
du reste la fille du couple comme épiclère. Les modernes se sont fort intéressés à
cette affaire, d'autant plus que seules quelques lignes du discours écrit par Lysias
pour la défense nous sont parvenues; il se peut que la femme ait été accusée
d'avoir privé son mari de la chance d'avoir un héritier posthume du sexe mascul
in (3). De tels procès étaient exceptionnels : la majorité des causes où une femme
était partie étaient des affaires de succession. La femme pouvait y être non seul
ement défenderesse, mais aussi demanderesse: dans les discours écrits par Isée,
Philé se voit intenter une action par le neveu de Pyrrhos parce qu'elle ne serait
qu'une bâtarde du défunt et à ce titre exclue de la succession, mais Phylomaché f.
d'Euboulidès «réclame la succession (d'Hagnias) et l'obtient après avoir triomphé
de ceux qui s'étaient appuyés sur le testament» (Isée, Succession d'Hagnias, 9).
L'une et l'autre étaient évidemment représentées en justice par leur kyrios ; elles
sont des personnes dont on discute, non des personnes qui discutent.
Dans les affaires de succession, même celles qui opposaient deux prétendants
masculins, on discutait beaucoup des femmes : on discutait souvent dans le détail
la filiation et le statut d'une des femmes de la famille. Il y a à cela trois raisons.
Premièrement, la lignée féminine, tout en étant désavantagée, est admise à succé
der: un Athénien sans enfants qui n'a pas de frère ou dont le frère est mort sans
descendance a pour héritiers les fils de sa sœur (4). Deuxièmement, à cause de la
fréquence des mariages entre proches parents, on peut calculer le degré de parenté
2. Le crime des Lemniennes était bien connu des Athéniens de l'époque classique : cf. Eschyle, Choépbores,
v.631-638, où le chœur, condamnant le meurtre d 'Agamemnon par sa femme, rappelle avec horreur le
forfait des Lemniennes; cf. aussi les allusions de Pindare, IVe Pythique, v.254, et d'Hérodote, VI, 138.
Au Hic siècle, Apollonios de Rhodes a raconté cette légende (Argonautiques , I, v.609-623).
3. Voir A.R.W. Harrison, The Law of Athens, Oxford, 1968, t.I, p. 72-73.
4. Cf. Isée, Succession d'Hagnias, 2, et Succession d'Apollodore, 19. Sur cette institution, A.R.W. Harrison,
The Law of Athens, I, p. 144-145 et n.2. LA FEMME ATHÉNIENNE CHEZ LES ORATEURS 49
entre deux personnes de façon différente selon qu'on fait ou non intervenir telle
ou telle femme à un niveau donné du stemma généalogique (5). Troisièmement, la
loi athénienne excluait, au IVème siècle, les bâtards de la parenté : son texte est
connu par le C. Macartatos du Pseudo-Démosthène : «le bâtard et la bâtarde ne
font partie de la parenté ni pour les choses religieuses ni pour les biens à compter
de l'archontat d'Euclide (a.403/2)». Aussi les plaideurs ont-ils souvent à prouver
qu'une femme a été mariée légitimement ou qu'elle ne l'a pas été. Le mariage
d'une épiclère attribuée par un tribunal à un proche parent est indiscutable, mais
un plaideur déterminé peut mettre en doute l'existence de n'importe quelle autre
union, en disant soit que la femme n'a pas été donnée en mariage par qui avait
qualité pour le faire (père, frères, tuteur, fils), soit qu'elle n'a pas été donnée par
engué «afin que son mari l'ait pour engendrer d

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