La France et les bouleversements en Europe, 1989-1991, ou le poids de l idéologie - article ; n°1 ; vol.13, pg 199-213
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La France et les bouleversements en Europe, 1989-1991, ou le poids de l'idéologie - article ; n°1 ; vol.13, pg 199-213

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Histoire, économie et société - Année 1994 - Volume 13 - Numéro 1 - Pages 199-213
Abstract The French government's reaction to the events in Germany and Eastern Europe in 1989-91 are too often seen only as a misunderstanding of new realities. It appears more coherent when put back within the framework of a frequent trend in French policy since 1945, and of the particular ideology of the men who had ruled France since 1981. A recurrent reflex in Paris since 1945 has been to use the U.S.S.R. in order to balance German and American power, but from 1981 to 1985 President Mitterand thought that such a policy was unpractical, as the U.S.S.R. remained under Brejnev's spell. On the other hand, from 1985 onwards, the advent of Gorbatchev was seen to announce a reform of Soviet communism, thanks to which one could contemplate a complete reconstruction of Europe, through a rapprochement between social democracy, which the French experience would have revived, and democratized communism. In this reconstruction, Paris and Moscow would have cooperated to control the conditions and the tempo of German reunification. From this political and ideological point of view, French policy, during 1989-91, appears — despite its blatant failure — as more coherent than is often thought.
Résumé La réaction du gouvernement français face aux événements d'Allemagne et d'Europe orientale en 1989-1991, trop souvent décrite comme une simple incompréhension des réalités nouvelles, apparaît plus cohérente si on la replace à la fois dans une tendance fréquente de la politique française depuis 1945, et dans le contexte idéologique particulier des dirigeants français depuis 1981. En effet, chercher à s'appuyer sur l'URSS pour contrebalancer le poids de l'Allemagne et celui des Etats-Unis est un réflexe fréquent à Paris depuis 1945 ; mais entre 1981 et 1985 le Président de la République estimait qu'une telle politique n'était pas possible avec une URSS restée brejnévienne. En revanche, à partir de 1985, l'arrivée de Gorbatchev paraissait annoncer une réforme du communisme soviétique permettant d'envisager une reconstruction de toute l'Europe dans le cadre d'un rapprochement entre une sociale- démocratie revitalisée par l'expérience française et un communisme démocratisé. Dans cette reconstruction Paris et Moscou se seraient mutuellement épaulés pour contrôler les modalités et le rythme de la réunification allemande. Dans cette perspective politique et idéologique l'action de la France dans la période 1989-1991 apparaît, malgré son échec évident, plus cohérente qu'on ne l'admet souvent.
15 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié par
Publié le 01 janvier 1994
Nombre de lectures 22
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Georges-Henri Soutou
La France et les bouleversements en Europe, 1989-1991, ou le
poids de l'idéologie
In: Histoire, économie et société. 1994, 13e année, n°1. pp. 199-213.
Citer ce document / Cite this document :
Soutou Georges-Henri. La France et les bouleversements en Europe, 1989-1991, ou le poids de l'idéologie. In: Histoire,
économie et société. 1994, 13e année, n°1. pp. 199-213.
doi : 10.3406/hes.1994.1742
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/hes_0752-5702_1994_num_13_1_1742Résumé
Résumé La réaction du gouvernement français face aux événements d'Allemagne et d'Europe orientale
en 1989-1991, trop souvent décrite comme une simple incompréhension des réalités nouvelles,
apparaît plus cohérente si on la replace à la fois dans une tendance fréquente de la politique française
depuis 1945, et dans le contexte idéologique particulier des dirigeants français depuis 1981. En effet,
chercher à s'appuyer sur l'URSS pour contrebalancer le poids de l'Allemagne et celui des Etats-Unis est
un réflexe fréquent à Paris depuis 1945 ; mais entre 1981 et 1985 le Président de la République
estimait qu'une telle politique n'était pas possible avec une URSS restée brejnévienne. En revanche, à
partir de 1985, l'arrivée de Gorbatchev paraissait annoncer une réforme du communisme soviétique
permettant d'envisager une reconstruction de toute l'Europe dans le cadre d'un rapprochement entre
une sociale- démocratie revitalisée par l'expérience française et un communisme démocratisé. Dans
cette reconstruction Paris et Moscou se seraient mutuellement épaulés pour contrôler les modalités et
le rythme de la réunification allemande. Dans cette perspective politique et idéologique l'action de la
France dans la période 1989-1991 apparaît, malgré son échec évident, plus cohérente qu'on ne l'admet
souvent.
Abstract The French government's reaction to the events in Germany and Eastern Europe in 1989-91
are too often seen only as a misunderstanding of new realities. It appears more coherent when put back
within the framework of a frequent trend in French policy since 1945, and of the particular ideology of
the men who had ruled France since 1981. A recurrent reflex in Paris since 1945 has been to use the
U.S.S.R. in order to balance German and American power, but from 1981 to 1985 President Mitterand
thought that such a policy was unpractical, as the U.S.S.R. remained under Brejnev's spell. On the other
hand, from 1985 onwards, the advent of Gorbatchev was seen to announce a reform of Soviet
communism, thanks to which one could contemplate a complete reconstruction of Europe, through a
rapprochement between social democracy, which the French experience would have revived, and
democratized communism. In this reconstruction, Paris and Moscow would have cooperated to control
the conditions and the tempo of German reunification. From this political and ideological point of view,
French policy, during 1989-91, appears — despite its blatant failure — as more coherent than is often
thought.LA FRANCE ET LES BOULEVERSEMENTS 1.
EN EUROPE, 1989-1991,
OU LE POIDS DE L'IDÉOLOGIE
par Georges-Henri SOUTOU*
Résumé
La réaction du gouvernement français face aux événements d'Allemagne et d'Europe orientale en
1989-1991, trop souvent décrite comme une simple incompréhension des réalités nouvelles, apparaît
plus cohérente si on la replace à la fois dans une tendance fréquente de la politique française depuis
1945, et dans le contexte idéologique particulier des dirigeants français depuis 1981. En effet, chercher
à s'appuyer sur l'URSS pour contrebalancer le poids de l'Allemagne et celui des Etats-Unis est un
réflexe fréquent à Paris depuis 1945 ; mais entre 1981 et 1985 le Président de la République estimait
qu'une telle politique n'était pas possible avec une URSS restée brejnévienne. En revanche, à partir de
1985, l'arrivée de Gorbatchev paraissait annoncer une réforme du communisme soviétique permettant
d'envisager une reconstruction de toute l'Europe dans le cadre d'un rapprochement entre une sociale-
démocratie revitalisée par l'expérience française et un communisme démocratisé. Dans cette recons
truction Paris et Moscou se seraient mutuellement épaulés pour contrôler les modalités et le rythme
de la réunification allemande. Dans cette perspective politique et idéologique l'action de la France dans
la période 1989-1991 apparaît, malgré son échec évident, plus cohérente qu'on ne l'admet souvent.
Abstract
The French government's reaction to the events in Germany and Eastern Europe in 1989-91 are
too often seen only as a misunderstanding of new realities. It appears more coherent when put back
within the framework of a frequent trend in French policy since 1945, and of the particular ideology of
the men who had ruled France since 1981. A recurrent reflex in Paris since 1945 has been to use the
U.S.S.R. in order to balance German and American power, but from 1981 to 1985 President
Mitterand thought that such a policy was unpractical, as the U.S.S.R. remained under Brejnev's spell.
On the other hand, from 1985 onwards, the advent of Gorbatchev was seen to announce a reform of
Soviet communism, thanks to which one could contemplate a complete reconstruction of Europe,
through a rapprochement between social democracy, which the French experience would have revived,
and democratized communism. In this reconstruction, Paris and Moscow would have cooperated to
control the conditions and the tempo of German reunification. From this political and ideological
point of view, French policy, during 1989-91, appears — despite its blatant failure — as more
coherent than is often thought.
L'évolution de la politique extérieure française depuis 1989 a suscité bien des in
terrogations. La thèse sans doute la plus fréquente est que le Président de la Répu-
* Professeur à l'Université de Paris-Sorborme.
Ce texte, rédigé durant l'été 1991, n'a pas été remanié (N.D.L.R.). 200 HISTOIRE ECONOMIE ET SOCIETE
blique a été surpris par les bouleversements de cette période, et en particulier par la r
éunification allemande. D'où une série de manœuvres désordonnées, contradictoires,
en direction de Moscou, de Washington, de Londres, pour essayer de préserver le rôle
international de la France dans un contexte tout à fait différent et face à une Allemagne
plus puissante. Cette impression de dispersion, d'hésitation est fort répandue et rejoint
— par-delà bien sûr les polémiques de politique intérieure — certaines inquiétudes
profondes des milieux dirigeants français1.
Une autre thèse, moins répandue, mais qui correspond sans doute assez aux
soupçons de certains à gauche, comme M. Jean-Pierre Chevènement, ou dans
l'opposition, comme M. André Giraud, est que le Président de la République a en fait,
sous le choc des événements, abandonné les principes d'indépendance sur lesquels
était fondée la politique française depuis 1958 pour rejoindre le giron atlantique. Cette
évolution ayant été saluée par certains commentateurs américains comme l'abandon de
la singularité française2.
Il est incontestable que Paris a sous-estimé la force du mouvement populaire en
Europe Orientale et en Allemagne de l'Est, n'a pas compris que ces pays
n'accepteraient pas une simple réforme du communisme (comme les Soviétiques et
leurs alliés tentèrent de la réaliser en 1989) et rejetteraient même tout simplement le
socialisme, même sous sa forme la plus modérée. Il suffit de réécouter les déclarations
de M. Roland Dumas au Grand Jury RTL-Le Monde du 8 octobre 1989 pour perce
voir cette erreur d'appréciation, qui n'a d'ailleurs pas été limitée à Paris, mais qui pa
raît y avoir perduré plus longtemps qu'ailleurs, sans doute par le fait d'une vision
biaisée par l'idéologie. Mais nous voudrions essayer de montrer ici que, malgré cette
erreur fondamentale de perception et bien des hésitations dans le détail, la politique
française depuis 1989 a été fondamentalement cohérente. En même temps, elle est
restée marquée par une forte singularité nationale, de tradition jacobine, faite d'une
part d'une vision géopolitique particulière, d'autre part d'une orientation idéologique
spécifique.
L'unification allemande

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