La littérature en argot et l argot dans la littérature - article ; n°1 ; vol.27, pg 5-27
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Communication et langages - Année 1975 - Volume 27 - Numéro 1 - Pages 5-27
Voici l'essentiel d'une importante étude de Denise François, professeur de linguistique à l'université René-Descartes à Paris. L'argot, ce langage si vivant qu'il évolue presque quotidiennement, a imprégné certaines œuvres qui ont mêlé au français le plus correct des mots ou des expressions argotiques. Mais, par ailleurs, certaines œuvres ont été entièrement écrites en argot ; qu'on pense à des romans qui ont eu leur heure de gloire comme «Jésus la Caille», de Francis Carco, traduit en langue verte par Pierre Devaux, ou, dans un temps plus reculé, les ballades de François Villon, qui prouvent que ce phénomène n'est pas nouveau.
Denise François l'analyse ici et propose comme significatif le cas du roman policier.
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Publié le 01 janvier 1975
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Langue Français
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Extrait

Denise François
La littérature en argot et l'argot dans la littérature
In: Communication et langages. N°27, 1975. pp. 5-27.
Résumé
Voici l'essentiel d'une importante étude de Denise François, professeur de linguistique à l'université René-Descartes à Paris.
L'argot, ce langage si vivant qu'il évolue presque quotidiennement, a imprégné certaines œuvres qui ont mêlé au français le plus
correct des mots ou des expressions argotiques. Mais, par ailleurs, certaines œuvres ont été entièrement écrites en argot ; qu'on
pense à des romans qui ont eu leur heure de gloire comme «Jésus la Caille», de Francis Carco, traduit en langue verte par
Pierre Devaux, ou, dans un temps plus reculé, les ballades de François Villon, qui prouvent que ce phénomène n'est pas
nouveau.
Denise François l'analyse ici et propose comme significatif le cas du roman policier.
Citer ce document / Cite this document :
François Denise. La littérature en argot et l'argot dans la littérature. In: Communication et langages. N°27, 1975. pp. 5-27.
doi : 10.3406/colan.1975.4224
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/colan_0336-1500_1975_num_27_1_4224LA LITTÉRATURE
EN ARGOT
ET L'ARGOT DANS
LA LITTÉRATURE
par Denise François
Voici l'essentiel d'une importante étude de Denise François, professeur de
linguistique à l'université René-Descartes à Paris. L'argot, ce langage si
vivant qu'il évolue presque quotidiennement, a imprégné certaines œuvres
qui ont mêlé au français le plus correct des mots ou des expressions
argotiques. Mais, par ailleurs, certaines œuvres ont été entièrement écrites
en argot ; qu'on pense à des romans qui ont eu leur heure de gloire comme
«Jésus la Caille», de Francis Carco, traduit en langue verte par Pierre
Devaux, ou, dans un temps plus reculé, les ballades de François Villon, qui
prouvent que ce phénomène n'est pas nouveau.
Denise François l'analyse ici et propose comme significatif le cas du roman
policier.
L'ARGOT ET LES ARGOTS
Avant de parler des rapports qu'entretiennent la littérature et
l'argot, il convient de s'entendre brièvement sur ce qu'on peut
appeler argot ou argots et d'essayer de fixer les frontières
entre argot(s), langue parlée, langue populaire et langues tech
niques ou jargons. Nous ne voudrions que rappeler ici quelques
caractères essentiels de l'argot (pour plus de précisions, on
pourra se référer, par exemple, à notre article « les Argots » *).
La définition courante de l'argot est une définition historique :
l'argot y est caractérisé comme la langue des malfaiteurs et
des mendiants utilisée à des fins cryptiques. Il est clair que,
si elle s'applique bien aux origines de l'argot, cette définition
ne recouvre pas la multiplicité des formes que celui-ci a pu
prendre au cours des siècles. On constate, en effet, que ces
formes se développent dans toutes les communautés qui, en
se forgeant un langage à des fins cryptiques ou crypto-ludiques,
cherchent à affirmer la solidarité de leurs membres ou, plus
exactement, la connivence des initiés, qu'il s'agisse de corpo
rations professionnelles (maçons, merciers, forains, coméd
iens...) ou dégroupements temporaires (étudiants, soldats...).
Mieux vaut donc parler d'argots que d'argot. Encore faut-il
1. « Les argots », dans le Langage (Paris, Encyclopédie de la Pléiade, sous
la direction d'André Martinet). La littérature en argot et l'argot en littérature
ajouter qu'à l'époque contemporaine il tend à se créer ce qu*on
peut appeler un « argot commun » qui puise dans les divers
argots et qui est pratiqué, indépendamment de toute apparte
nance à un groupe social, par une large fraction de la population.
Notons que tout cela n'est pas sans compliquer le problème de
l'authenticité en argot.
Quels que soient leurs caractères sociologiques, tous les argots
se définissent, linguistiquement, par la création d'un lexique
qui transcode partiellement le vocabulaire commun et, par ai
lleurs, s'intègre, sans1 les perturber sérieusement, dans le sys
tème phonique et le système grammatical de la langue. L'argot
est donc un phénomène purement lexical qui joue des latitudes
offertes par une langue déterminée selon des mécanismes qu'on
a pu répertorier2.
L'ARGOT, DOUBLURE D'UN LANGAGE
En argot, les créations de termes sont très rares (quelques ono
matopées comme zinzin, « obus », ou des réduplications comme
dig-dig, « épilepsie »). On y recourt à des déformations de
signifiants, notamment par ajout, substitution ou suppression
de suffixes [parigot, boutanche, occase) , par truncation
[Sébasto, rata...) , par métathèse, mots-valises... ou encore par
l'utilisation de codes à clés1 (largonji, loucherbem, javanais, par
exemple). On y pratique des glissements de sens, qu'ils soient
métaphoriques [portugaises pour « oreilles », flûtes pour
«jambes»), métonymiques1 [feu pour «[arme à] feu») ou
qu'ils procèdent d'un enchevêtrement de procédés (ainsi dans
joyeuse pour « corde de pendu »). On fait parfois appel à des
emprunts aux langues étrangères ou aux dialectes, etc. Tout
cela aboutit à la création de nombreux polysèmes [battant,
par exemple, peut signifier « neuf », « cœur », « estomac »,
« courage », « homme combatif », « langue alerte ») et, corré-
1. Métathèse: permutation de deux sons à l'intérieur
d'un mot, par exemple, le latin parabola (parole) a donné
en espagnol palabra.
2. Métonymie : emploi d'un nom pour un autre, une réalité
désignée par un terme qui ne la désigne pas d'ordinaire
mais qui lui est liée ; par exemple : « Toute la ville en
parle », pour : « Tous les habitants de la ville en parlent. » to O) D) 0) 3. Polysème : mot qui a plusieurs sens ou plusieurs emp
co lois ; seul le contexte permet de déterminer le sens
dans lequel ce mot est employé. En argot, jus peut signi
fier « café », « courant électrique » ou un liquide quel
conque.
2. Il est caractéristique qu'on ait pu proposer des traductions de textes 3 littéraires en argot : voir, par exemple, l'Académie d'argot de Robert Giraud
(Paris, Denoël, 1971). O
o Linguistique 7
lativement, à un foisonnement synonymique du vocabulaire argo
tique (ainsi, pour « vin », on note vinasse, gros-qui-tache, pinard,
rouge, bleu, pie, picton, raisiné, rectifié, picrate, jaja, etc.).
Les argots — exclusivement lexicaux — ne sauraient donc être
confondus avec la langue populaire, mais il faut souligner qu'ils
vivent en perpétuelle osmose avec elle, ce qui a pu favoriser
la confusion, puisque la langue commune sert de référence
constante aux substitutions argotiques qui doublent le voca
bulaire courant. La langue familière ou populaire, sous sa forme
parlée, fournit une structure linguistique — et, notamment,
syntaxique — dans laquelle ces substitutions viennent s'enchâs-
s"er, comme l'illustre bien l'énoncé suivant : « Alors, patron,
quand c'est qu'on va béqueter », relevé dans Signé Furax, de
Pierre Dac et Francis Blanche [Paris, Lattese, 1971). Mais les
termes argotiques peuvent également côtoyer une syntaxe châ
tiée et élaborée, chez Courteline, par exemple. En retour, les
termes s'infiltrent dans la langue commune et l'e
nrichissent comme nous le rappelle Grevisse qui, dans s'a gram
maire le Bon usage, cite comme termes adoptés : « cambrioleur,
matois, maquiller, narquois, camoufler... »
Les argots sont également distincts, en principe, des jargons,
langues techniques à finalités professionnelles, mais il n'est
pas toujours commode de différencier les uns des autres comme
en traités1 témoignent terminologiques les fluctuations : pour certains3, qu'on observe l'argot jusque est un dans aspect les
particulier du jargon ; pour d'autres4, le jargon est une forme
de l'argot. En dernière analyse, ces incertitudes ne font que
souligner le lien des argots comme des jargons avec des grou
pements sociaux ayant des activités professionnelles ou para-
professio

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