La Poésie et la Peinture : les douze fables de fleuves ou fontaines de Pontus de Tyard - article ; n°1 ; vol.18, pg 12-22
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Description

Bulletin de l'Association d'étude sur l'humanisme, la réforme et la renaissance - Année 1984 - Volume 18 - Numéro 1 - Pages 12-22
11 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1984
Nombre de lectures 42
Langue Français

Extrait

Jan Miernowski
La Poésie et la Peinture : les douze fables de fleuves ou
fontaines de Pontus de Tyard
In: Bulletin de l'Association d'étude sur l'humanisme, la réforme et la renaissance. N°18, 1984. pp. 12-22.
Citer ce document / Cite this document :
Miernowski Jan. La Poésie et la Peinture : les douze fables de fleuves ou fontaines de Pontus de Tyard. In: Bulletin de
l'Association d'étude sur l'humanisme, la réforme et la renaissance. N°18, 1984. pp. 12-22.
doi : 10.3406/rhren.1984.1402
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/rhren_0181-6799_1984_num_18_1_140212
LA POÉSIE ET LA PEINTURE : LES DOUZE FABLES DE
FLEUVES OU FONTAINES DE PONTUS DE TYARD.
Recueil poétique, plan d'une décoration architecturale, les Douze
fables... (1) conjuguent, par le moyen du langage, deux modes de représen
tation artistique : le pictural et le poétique, dont nous nous proposons d'étu
dier la spécificité et les rapports mutuels.
L'ouvrage qui est l'objet de ce travail se compose de douze parties,
chacune consacrée à un fleuve ou une fontaine mythologiques. Chaque se
gment débute par une «fable» - court passage narratif en prose qui raconte
l'histoire mythologique liée au fleuve donné. La «fable» est ensuite reprise
par la «Description pour la peinture» (toujours en prose) c'est-à-dire la des
cription d'un tableau supposé représenter cet épisode mythologique. Vient
enfin une épigramme se rapportant à cette peinture (comme on le voit, le
mot «épigramme» est pris au sens premier du terme : inscription placée sous
un tableau ou sur le socle d'une statue). Il s'agit à chaque fois d'un sonnet à
rimes abba abba ccd eed (sauf la huitième épigramme : abba abba ccd dee).
Il faut noter que les «Descriptions pour la peinture» ont été écrites
par Tyard non pas d'après des tableaux déjà existants mais comme des instruc
tions adressées à qui voudrait illustrer les «fables» du recueil : «Seroit peinte
une Semelé foudroyée et mourante...» (2). Le caractère indicatif de ces
«Descriptions» est confirmé par la prédominance du conditionnel dans ces
textes. En outre, lorsqu'il décrit le viol de Damalcide, Tyard propose, «si
cet acte estoit estimé mal séant, pour estre représenté en la peinture de ce
lieu» (3), une autre scène, moins brutale. Ce choix, comme d'autres laissés
«à la discrétion du peintre» (4), prouve que le texte littéraire préexiste à
l'hypothétique réalisation picturale. Mais probablement, en composant son
recueil, Tyard connaissait déjà le cadre architectural où seraient peints les
tableaux qu'il a décrits. Le temple d'Isis (5) évoqué dans le dernier segment
des Douze fables... peut ressembler au château d'Anet. On suppose que le
cycle des peintures projetées par le poète fut exécuté dans cette magnifique
demeure de Diane de Poitiers, que Philibert de l'Orme fut chargé de rebâtir
pour la favorite royale en 1548 (6). Déjà une anonyme Description de la
belle Maison d'Anet, veuë le mardi seconde feste de la Pentecoste, 29 mai
1640 parle d'une galerie «toute remplie de plusieurs excellents tableaux de
paisages et autres représentations» (7). J.C. Lapp, en suivant P.D. Roussel
(8) affirme que les 12 tableaux devaient décorer la salle appelée de nos jours
«salon des Glaces» où ils auraient été remplacés en 1698 par des miroirs (9). 13
Comment imaginer, à la lumière de leur description littéraire, les ta
bleaux auxquels Tyard destinait ses épigrammes ? Ce qui est caractéristique
de la composition de ces toiles, c'est la distinction de différents «lieux» au
sein même de l'espace représenté (descriptions 4,5,6,7,9,10,11,12). Cette
juxtaposition de plusieurs espaces distincts, de plusieurs scènes «séparées par
de brusques ruptures de perspective ou d'éclairage» (10) est une qualité
propre à la peinture maniériste. Le poète voulait aussi séparer nettement les
tableaux en deux mondes distincts : celui des hommes et celui des dieux. Ains
i les divinités olympiennes, qui remplacent la Trinité chrétienne, surveillent
à partir des hauteurs célestes ce qui se passe dans les parties inférieures de la
toile (11). Nous retrouvons une autre trace de cette représentation simulta
née dans l'essai de conjuguer le point de vue «de l'intérieur» avec le point de
vue extérieur au monde représenté (12). La douzième description, et part
iculièrement la dixième, en sont des exemples. Dans cette dernière, un édifice
est dépeint à la fois de l'extérieur et, comme grâce à une coupe, de l'intérieur.
«En un autre endroit de veue plus prochaine, seroit le palais de
Croesus, en monstre de quelque magnifique et superbe edifice, auquel
se verroit une ouverture, comme de porte ou muraille rompue, au
dedans de laquelle se representeroit de l'or en monceaux...»
(description 10, p. 273)
Dans les «Descriptions pour la peinture» l'attention du poète se concentre
en général sur les personnages. Groupés dans différents «lieux», ils sont s
itués dans l'espace par de sommaires indications du type : «Au bas, et assés
près de l'autel, se verroit Callirhoe» (description 4, p. 264).
Le fond sur lequel doit se jouer l'action du tableau est rarement spéc
ifié. Tyard se borne à indiquer qu'«Il faudrait peindre Plsle Andros en
l'Archipelago d'assés large estendue» (description 2, p. 260). C'est dans les
rares fragments consacrés au fond des tableaux que nous retrouvons les échos
de certaines conventions littéraires. Narcisse doit être peint dans «un paisage
solitaire et escarté» (description 8, p. 270) ce qui signalerait sa tristesse après
la perte de sa sœur ; dans la douzième description (p. 276) Tyard projette
l'entrée «d'un enfer Poétique (tel comme l'ont descrit Virgile et les autres
Poètes)» ; ailleurs (description 3, p. 262) il présente un triton suivant le
«raport de Pausanias en sa Boeotie».
Certaines descriptions, par leur caractère imprécis, laissent au peintre
beaucoup de liberté :
«En un temple devant un autel, sur lequel seroit le simulachre d'Herc
ule, le Roy Araxe assisterait au sacrifice, qui se ferait de deux vier
ges. En un autre endroit se verroit Mnesalce, tuant l'une des filles du
Roy, et l'autre qui seroit desja morte et brûlante en un feu. Puis en
prochaine veue se verroit Araxe dedans un fleuve, en partie transfor- 14
mé en herbe comme les pieds et l'un des bras, à la discretion du
peintre».
(description 6, p. 267)
D'autres multiplient les détails, comme si Tyard voulait souffler au peintre
certaines solutions :
«En un autre endroit seroit représenté un temple d'Isis, qui se pour-
roit faire par une perspective à ligne visuale de front, et basses diago
nales de la maison d'Anet, pourveu que le peintre adjoustast à la porte
quelques testes de lyons ayans les gueules ouvertes, selon la supersti
tion des Egyptiens». (description 12, p.276)
Tyard sait développer un court élément de la narration («fable» II :
«... Ulisse alla surprendre Rhesus en son quartier, et le tua en dormant...»)
en de vastes scènes dramatiques :
«En un autre endroit se verrait Diomede parmy des chevaux et des
chariots, et des hommes couches, desquels aucuns seraient morts de
coups d'espee. Ulysse tirerait un mort par les jambes à quartier, com
me l'ostant du chemin, pour crainte que les chevaux, lesquels il vou-
loit emmener, n'eussent peur. Diomede couperait la gorge à Rhesus,
endormy entre ses chevaux blancs».
(description II, p. 275)
Le poète n'est pas non plus insensible au coloris des toiles (cf. l'appendice -
la description du triton). Il donne aussi une précision sur l'éclairage d'un
tableau («ceste peinture pourrait estre nocturne». - p. 266).
Les Douze fables... ont une nature double : d'une part, c'est une œu
vre littéraire constituée de trois sortes de textes : les «fables», les «Descrip
tions pour la peinture» et les sonnets -, d'autre part, c'est le projet d'une réali
sation qui, dans un cadre architectural précis, réunirait aux toiles imaginées
par Tyard des épigrammes de sa main. Ce caractère original des Dou

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