La querelle du cobra et de la mangouste dans l antiquité - article ; n°1 ; vol.71, pg 227-262
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Description

Mélanges d'archéologie et d'histoire - Année 1959 - Volume 71 - Numéro 1 - Pages 227-262
36 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1959
Nombre de lectures 52
Langue Français
Poids de l'ouvrage 2 Mo

Extrait

Jacques Aymard
La querelle du cobra et de la mangouste dans l'antiquité
In: Mélanges d'archéologie et d'histoire T. 71, 1959. pp. 227-262.
Citer ce document / Cite this document :
Aymard Jacques. La querelle du cobra et de la mangouste dans l'antiquité. In: Mélanges d'archéologie et d'histoire T. 71, 1959.
pp. 227-262.
doi : 10.3406/mefr.1959.7448
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/mefr_0223-4874_1959_num_71_1_7448LA QUERELLE DU COBRA ET DE LA MANGOUSTE
DANS L'ANTIQUITÉ »
PAR
M. Jacques Aymard
Ancien membre de l'École
Parler des combats de la mangouste et du cobra, c'est par une
association d'idées bien réglée évoquer le conte épique qui
retrace les exploits du modeste et glorieux Riki-tiki-tawi, le sau
veur du petit Teddy et de ses parents, l'adversaire victorieux de
Nag, le redoutable cobra indien, et de Nagaina sa non moins r
edoutable épouse. Ainsi Kipling a popularisé et magnifié le drame
des campagnes et des jardins de l'Inde ; drame toujours actuel
et qui parfois, pour l'édification du touriste épris de couleur
locale, se transforme en une simple exhibition à armes mouche-
tées.
Et pourquoi ne pas associer ici au souvenir de Kipling celui de
Conan Doyle? Le caporal Henri Wood a ramené des Indes sa
mangouste et il est devenu montreur : «... L'homme se pencha et
leva le couvercle d'une sorte de clapier qui était rangé dans un
coin. Aussitôt il en sortit un joli petit animal rougeâtre mince
et souple avec des pattes de fouine, un long nez rose et d'adorables
yeux rouges. Une mangouste, m'écriai-je. Oui, on l'appelle comme
ça, ou encore ichneumon. Moi, je l'appelle un attrapeur de serpent,
car Teddy est extraordinairement vif sur les cobras. J'en ai un
1 M. F. Daumas, mon collègue de l'Université de Lyon, a bien voulu
s'intéresser à, ce modeste article ; je l'en remercie très vivement. 228 J. ATM ARD
ici, privé de ses crocs, et Teddy l'attrape chaque soir pour la di
straction des gens du pays » 1.
Plus près de nous encore, récits de voyage, livres d'aventures et
de vulgarisation pour enfants (et grands enfants) décrivent des
scènes de ce genre. On puisera au hasard dans cette littérature. Voici
dans un hebdomadaire à grand tirage, extraite des carnets de notes
et de voyages du colonel Townsend, la description d'un de ces
combats cum missione opposant, sous l'arbitrage d'un charmeur et
bateleur indien, une mangouste édentée à un cobra désarmé2.
Une autre publication avec photographie à l'appui et sous le titre
« Combat à mort » montre « ce cobra indien et cette petite mang
ouste, immobiles et tendus, s'observant longuement avant
d'engager un combat à mort, à Suimsharura dans l'état de Mysore...
Le combat fut bref et terrible... Riki-tiki-tawi bondit de l'enco
ignure de la porte, où elle s'était tapie, et planta ses dents dans la
colonne vertébrale de son ennemi traditionnel, la brisant net ».
Voici encore un reportage sur les méthodes de dressage des serpents
de l'Inde : c'est l'emploi de la flûte du fakir, utilisée plus pour abrut
ir de coups le reptile, que pour séduire et charmer un animal
vraisemblablement sourd et insensible à toute musique8. Naturel
lement l'auteur décrit l'inévitable duel-exhibition entre cobra
et mangouste ; Pagonothète intervenant à point nommé, pour
arracher avant d'irréparables dégâts l'ophidien aux dents aiguës
de son antagoniste. La descendance de Kipling apparaît ainsi
quelque peu dégénérée peut-être, mais à coup sûr prolifique.
1 Gonan Doyle, Le Tordu, Souvenirs sur Sherlock Holmes, éd. Laf-
font, 1957, t. IV, p. 186.
2 Paris-Match, 9 mars 1957, n° 413, p. 17.
8 Cf. L. Keimer, Histoires de serpents dans VÉgypte ancienne et
moderne, Mémoires présentés à VJnstitut d'Egypte, h, 1947, p. 1, n. 1.
L'auteur cite l'expérience suivante qui consiste à remplacer la flûte
d'un charmeur de serpents par un morceau de bois d'apparence identique ;
les serpents obéissent comme à l'accoutumée, fascinés par le mouve
ment des doigts le long du bâton. LA QUERELLE DU COBRA ET DE LA MANGOUSTE 229
Écoutons sur un mode différent Louis Bromfield dans son
dernier ouvrage : « Mais l'autre rival, ou plutôt rivale, de Rex
était très différente. C'était une toute petite bête, au pelage
gris et noir tacheté... Elle pesait environ une livre et avait une
tête minuscule et pointue, avec un délicat nez rose et des yeux
bruns en boutons de bottine. Quand elle était en colère, elle
se dressait sur son séant et se balançait sur sa queue en marmonn
ant. Tout son poil se hérissait, si bien qu'elle prenait un aspect
broussailleux, et ses yeux bruns viraient au rouge... Les mang
oustes sont des animaux étrangement sociables et qui aiment
la société des humains, tant que leur liberté n'en souffre pas.
D'un bout à l'autre du continent indien, des familles de mang
oustes mènent une existence fort satisfaite dans et sous les
bungalows et en tiennent éloignés les serpents a1.
Les Anciens, les Gréco-latins, s'ils n'ignoraientpas l'antipathie
qui oppose la mangouste au grand cobra de PInde 2, connaissaient
plus précisément l'antagonisme entre le naja égyptien et l'ichneu
mon. Les textes qui ne manquent pas d'intérêt, d'Aristote à
Oppien, en passant par Strabon, Lucain, Pline, Êlien, montrent
le petit carnassier aux prises avec l'ophidien redoutable que les
Anciens nomment aspis et leur combat, tel qu'il est décrit, semble
bien être une lutte mortelle et spontanée, non une quelconque
parade de bateleurs.
La lutte de l'ichneumon contre l'aspic apparaît dans VHistoire
des animaux d'Aristote au neuvième livre8. « Quand l'ichneumon
d'Egypte voit le serpent nommé aspic, il ne cherche pas à l'a
ttaquer avant d'avoir appelé à son aide d'autres ichneumons ; pour
se garantir des coups et des morsures, ils se couvrent de boue
1 L. Bromfleld, Les animaux et autres grandes personnes, Paris, 1957,
p. 22.
2 Imhoof-Blumer u. Keller, Tier u. Pflanzenbilder auf Münzen u.
Gemmen des kl. Altertums, p. 98.
» Arist., An. H. IX, 6, 612 a. J. AYMARD 230
en se trempant d'abord dans l'eau et en se roulant ensuite dans
la poussière. Lorsque le crocodile ouvre la mâchoire, les trochiles
accourent en voulant lui nettoyer les dents. Le trochile y trouve
à manger et le crocodile, à qui cela fait du bien, lé reconnaît et
ne lui fait pas de mal ; quand le trochile veut sortir, le crocodile
remue le cou de manière à ne pas le mordre. »
Ce passage d'Aristote appelle quelques remarques : c'est d'abord
l'absence de description du combat proprement dit, description,
qui, plus ou moins appuyée, plus ou moins pittoresque, se retrouve
dans la plupart des autres textes gréco-latins qui ont abordé
la question ; ce simple détail tend à prouver que le philosophe
n'a pas observé directement la scène. Aristote souligne également
la timidité de l'ichneumon, qui attend des renforts avant d'entre
prendre son action. Il est d'ailleurs le seul à signaler ce travail
en équipe des ichneumons, nullement en accord avec la technique
de combat du petit carnassier, qui s'engage dans un duel mortel
et solitaire avec le serpent. Aristote interprète comme une ma
nœuvre volontaire de la mangouste, cette carapace de boue et
de poussière dont elle se revêt avant le combat ; tous les auteurs
après Aristote ont repris et amplifié la remarque par une série
de métaphores et de comparaisons où interviennent la cuirasse,
le bouclier ou l'équipement de l'hoplite1. Mais, là encore, l'info
rmation du naturaliste grec et de ses epigones est inexacte : c'est
au hasard de son combat livré le plus souvent dans la poussière
ou en terrain marécageux que la mangouste se recouvre de sa pous
siéreuse armure.
Relevons enfin, associé au développement sur l'aspic et l'ichne
umon, le passage réservé aux rapports, à la symbiose du trochile
et du crocodile. Sur ce point encore le texte d'Aristote aura une
riche postérité : aspic et ichneumon, ichneumon et crocodile,
1 Ainsi Plutarque, S. A. 10, 4 pour qui l'ichneuraon diffère peu d'un
hoplite cuirassé pour la bataille. LA QUERELLE DU COBR

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