La République contre la propagande d État ? Création et échecs du Commissariat général à l Information (juillet 1939-avril 1940) - article ; n°5 ; vol.48, pg 606-624
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La République contre la propagande d'État ? Création et échecs du Commissariat général à l'Information (juillet 1939-avril 1940) - article ; n°5 ; vol.48, pg 606-624

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Revue française de science politique - Année 1998 - Volume 48 - Numéro 5 - Pages 606-624
The republic against state propaganda? Creation and failures of the [french] commissariat général à l'information (july 1939-april 19401 The Commissariat general a l'Information presents a quasi-experimental situation to show what the differentiation of an administration of public opinion in France owed to the exis­tence of a singular political set up. Its creation in July 1939 appears to result from a transfiguration of the stakes which propaganda represented under the Third Republic, brought about by a sudden change in the political and administrative game. As for its disappearance in April 1940, following a heated debate, it appears symmetrically linked to a transformation of the con­juncture characterized by an exacerbated return to the parliamentary Republic. The creation of an administration and, more generally, of a policy to deal with public opinion in France was due to a whole set of simultaneous transformations of the social definition of the problem, the structure of the administration and the forms of the political game. In the conclusion, the analysis extends to the forms of tension that, for a long time, pitted in France the State against the Republic.
Le Commissariat général à l'Information offre une situation quasi expérimentale pour montrer ce que la différenciation d'une « administration de l'opinion » a dû en France à l'existence d'une configuration politique singulière. Sa création en juillet 1939 apparaît comme le produit d'une transfiguration de l'enjeu que représentait la propagande sons la Troisième République, permise par un brusque changement du jeu administratif et politique. Quant à sa disparition en avril 1940, à la suite de vives polémiques, elle apparaît symétriquement liée à une transforma­tion de conjoncture caractérisée par un retour exacerbé de la République parlementaire. La création d'une administration, voire, plus généralement, d'une politique de l'opinion, a tenu à un ensemble de transformations touchant conjointement la définition sociale du problème, la structure de l'administration et les formes du jeu politique. En conclusion, l'analyse s'interroge plus largement sur la tension qui a longtemps opposé en France l'État et la République.
19 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1998
Nombre de lectures 26
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Monsieur Didier Georgakakis
La République contre la propagande d'État ? Création et échecs
du Commissariat général à l'Information (juillet 1939-avril 1940)
In: Revue française de science politique, 48e année, n°5, 1998. pp. 606-624.
Citer ce document / Cite this document :
Georgakakis Didier. La République contre la propagande d'État ? Création et échecs du Commissariat général à l'Information
(juillet 1939-avril 1940). In: Revue française de science politique, 48e année, n°5, 1998. pp. 606-624.
doi : 10.3406/rfsp.1998.395304
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/rfsp_0035-2950_1998_num_48_5_395304Résumé
Le Commissariat général à l'Information offre une situation quasi expérimentale pour montrer ce que la
différenciation d'une « administration de l'opinion » a dû en France à l'existence d'une configuration
politique singulière. Sa création en juillet 1939 apparaît comme le produit d'une transfiguration de l'enjeu
que représentait la propagande sons la Troisième République, permise par un brusque changement du
jeu administratif et politique. Quant à sa disparition en avril 1940, à la suite de vives polémiques, elle
apparaît symétriquement liée à une transforma-tion de conjoncture caractérisée par un retour exacerbé
de la République parlementaire. La création d'une administration, voire, plus généralement, d'une
politique de l'opinion, a tenu à un ensemble de transformations touchant conjointement la définition
sociale du problème, la structure de l'administration et les formes du jeu politique. En conclusion,
l'analyse s'interroge plus largement sur la tension qui a longtemps opposé en France l'État et la
République.
Abstract
The republic against state propaganda? Creation and failures of the [french] commissariat général à
l'information (july 1939-april 19401
The Commissariat general a l'Information presents a quasi-experimental situation to show what the
differentiation of an "administration of public opinion" in France owed to the exis-tence of a singular
political set up. Its creation in July 1939 appears to result from a transfiguration of the stakes which
propaganda represented under the Third Republic, brought about by a sudden change in the political
and administrative game. As for its disappearance in April 1940, following a heated debate, it appears
symmetrically linked to a transformation of the con-juncture characterized by an exacerbated return to
the parliamentary Republic. The creation of an administration and, more generally, of a policy to deal
with public opinion in France was due to a whole set of simultaneous transformations of the social
definition of the problem, the structure of the and the forms of the political game. In the
conclusion, the analysis extends to the forms of tension that, for a long time, pitted in France the State
against the Republic.REPUBLIQUE LA
CONTRE LA PROPAGANDE D'ÉTAT ?
CRÉATION ET ÉCHECS DU COMMISSARIAT
GÉNÉRAL À L'INFORMATION
(JUILLET 1939- AVRIL 1940)
DIDIER GEORGAKAKIS
L'antinomie de la « propagande d'État » et de la « démocratie » fait figure
d'évidence bien ancrée dans le débat politique en France. Tout oppose ces
deux termes déclinés sous de multiples formes : d'un côté, le fascisme et la
propagande, l' autoritarisme et la manipulation, de l'autre, la démocratie et le débat, la
République et ses valeurs de transparence. Cette évidence a pourtant une histoire. Et
cette histoire n'est pas seulement celle de la mémoire de l'Occupation et de Vichy.
L'antinomie de la propagande et de la démocratie s'est forgée auparavant, dans les
luttes qui ont conduit à l'échec des tentatives d'organisation d'une propagande d'État
dans les années trente.
La mise en place d'une propagande d'État démocratique apparaissait en effet pos
sible à la fin de la Troisième République. Un éphémère Commissariat général à
l'information et à la propagande avait été créé en 19 1 7 et, tout au long de rentre-deux-
guerres, se sont succédé des projets parlementaires destinés à rationaliser la pro
pagande française, en particulier vers l'étranger. Il reste que ces tentatives aujourd'hui
oubliées ont chaque fois échoué et que cet échec a été peu à peu rationalisé sous la
forme de cette antinomie d'essence. Rendu ignoble, autoritaire et fasciste, le mot pro
pagande vient depuis lors comme rappeler l'« interdit » que représente la mono-poli-
sation de la chose par l'État.
En invitant à s'interroger sur la pertinence socio-historique de cet interdit, ces
expériences « avortées » représentent un bon outil d'analyse du développement de
l'État en France. Peu importe, à ce niveau d'interprétation, que le mot de communic
ation ait remplacé celui de propagande ou d'information : l'organisation rationnelle
et explicite d'un rapport direct avec l'opinion, voire la définition d'une politique de
l'opinion ne sont plus aujourd'hui un interdit pour l'État. Aussi, sur le moyen terme,
le développement de l'État apparaît-il lié à un « interventionnisme symbolique » accru
et, surtout, de plus en plus légitime. Mais en revenant sur un moment où rien n'était
joué, ces tentatives et leurs échecs permettent plus encore d'analyser les résistances à
cet interventionnisme et, du même coup, de mieux comprendre qu'il est allé de pair
avec une transformation plus générale des formes tant relationnelles que symboliques
de la République.
Dernière tentative de la fin de la Troisième République, le nouveau Commissariat
général à l'information (CGI), créé en juillet 1939, offre une situation quasi expé
rimentale pour montrer ce qu'a dû la différenciation d'une « administration de
l'opinion » à l'existence d'une configuration politique singulière. Ni produit naturel
d'une nécessaire différenciation fonctionnelle ou d'un déterminisme technologique ni
réponse mécanique à la menace extérieure, nécessité liée à la préparation de la guerre,
ou encore œuvre du génie humain, la création du CGI apparaît comme le produit d'une
606
Revue française de science politique, vol. 48, n° 5, octobre 1998, p. 606-624.
© 1998 Presses de la Fondation nationale des sciences politiques. contre propagande d'Etat ? République
transfiguration des multiples enjeux que représentait la sous la Troisième
République permise par un brusque changement des formes du jeu administratif et
politique. Quant à sa disparition en avril 1940 à la suite de vives polémiques, elle n'est
pas seulement le produit de dysfonctionnements administratifs, d'une faible codifi
cation juridique ou de l'incapacité des acteurs qui lui étaient liés à le faire fonctionner
ou à le soutenir, elle apparaît symétriquement liée à une transformation de conjoncture
caractérisée par un retour exacerbé de la République parlementaire.
Aussi est-ce à l'analyse de l'impossible différenciation d'une propagande d'État
lors des conjonctures routinières de la Troisième République, puis à l'étude des deux
moments de la création et de la transformation du CGI qu'invite cet article. En reve
nant sur cette histoire contrastée, il s'agira non seulement de souligner l'incidence de
dispositifs conjoncturels sur la création et le maintien d'une administration nouvelle,
mais aussi, et par cet intermédiaire, d'esquisser plus largement la question des formes
et des transformations de la tension qui a longtemps opposé État et République.
CONJONCTURES ROUTINIÈRES
ET IMPOSSIBILITÉ D'UNE PROPAGANDE D'ÉTAT
L'absence d'une propagande d'État officielle et centralisée sous la Troisième
République est souvent interprétée comme la conséquence d'un désintérêt des
hommes du temps, justifié tantôt par leur libéralisme, tantôt — et c'est particulièrement
le cas après la défaite de 1940 - par leur frilosité ou leur incapacité à prévoir les nécess
ités du siècle '. C'est pourtant le contraire d'un désintérêt que fait apparaître une ana

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