La rhétorique populiste aux États-Unis - article ; n°1 ; vol.56, pg 184-200
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Vingtième Siècle. Revue d'histoire - Année 1997 - Volume 56 - Numéro 1 - Pages 184-200
Populist rhetoric in the United States, Pierre Melandri.
In the last two centuries, used simultaneously or one after the other by Republicans and Democrats, the populist discourse, revelator of the mood of the country, is not the reflection of a precise school of thought in the United States. Nourished by resentment, frustrations and nostalgia of a former order in which social status and cultural identities were supposed to be stronger, American populism is fundamentally ambivalent. At the end of the 19th century, it claimed to defend the poor whites hit by the economic and social consequences of the Civil War; after the Second World War, it was against the recognition of the extension of the rights of minorities; after 1973, the Republicans exploited the fear of decline that haunted many Americans. Thus, each thrust of populism has its roots in an increase of troubles, whether economic or social.
17 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1997
Nombre de lectures 43
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Pierre Mélandri
La rhétorique populiste aux États-Unis
In: Vingtième Siècle. Revue d'histoire. N°56, octobre-décembre 1997. pp. 184-200.
Abstract
Populist rhetoric in the United States, Pierre Melandri.
In the last two centuries, used simultaneously or one after the other by Republicans and Democrats, the populist discourse,
revelator of the mood of the country, is not the reflection of a precise school of thought in the United States. Nourished by
resentment, frustrations and nostalgia of a former order in which social status and cultural identities were supposed to be
stronger, American populism is fundamentally ambivalent. At the end of the 19th century, it claimed to defend the poor whites hit
by the economic and social consequences of the Civil War; after the Second World War, it was against the recognition of the
extension of the rights of minorities; after 1973, the Republicans exploited the fear of decline that haunted many Americans.
Thus, each thrust of populism has its roots in an increase of troubles, whether economic or social.
Citer ce document / Cite this document :
Mélandri Pierre. La rhétorique populiste aux États-Unis. In: Vingtième Siècle. Revue d'histoire. N°56, octobre-décembre 1997.
pp. 184-200.
doi : 10.3406/xxs.1997.4501
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/xxs_0294-1759_1997_num_56_1_4501.
LA RHETORIQUE POPULISTE
AUX ÉTATS-UNIS
Pierre Melandri
«C'est votre pays, ne laissez pas
les puissants vous le prendre»
Pancarte à l'extérieur d'une station service rurale
en Californie, photographiée en 1938 1
L'étude de la rhétorique populiste sent plus étouffer la voix du Peuple...
utilisée outre-Atlantique est riche Rendons cette capitale au peuple à qui
d'enseignement: selon Pierre Melandri elle appartient»? 3 En 1994, Newt Gin
elle est depuis les origines également grich, l'architecte de la victoire républi
partagée entre les démocrates et les caine au Congrès, ne promettait-il pas
républicains. Ou encore une fois, de passer les dix à douze prochaines
comment le « ni droite, ni gauche » années à combattre la perversion morale
engendre le conservatisme. dont il tenait pour responsables les « élites
"libérales"»? Dès 1992, aussi, Ross Perot,
Les hommes politiques américains un milliardaire texan, avait dénoncé une
seraient-ils tous, ou presque, popul «décennie de cupidité» et proposé de
istes? On a pu se le demander au l'exorciser grâce à une « cyberdémocratie »
cours de ces dernières années. Bill Clin qui permettrait à tous les citoyens de se
ton n'a-t-il pas publié un livre intitulé prononcer directement sur les grands
Putting People First 2 avant de lancer, problèmes du pays. De son côté, le publi-
dans son discours d'inauguration de jan ciste républicain Patrick Buchanan s'était
vier 1993: «Prenons la résolution de lancé dans de véritables philippiques
réformer notre vie politique en sorte que contre les élites politiques, indignes,
ni la puissance ni les privilèges ne puis- selon lui, de la confiance de l'Amérique.
Cette admirable détermination à rendre
au «peuple» une souveraineté que les 1. Cité dans Michael Kazin, The Populist Persuasion. An
American History, New York, Basic Books, 1995, p. 109 Givre puissants lui avaient dérobée, recouvrait,
essentiel pour notre sujet).
2. Clinton Bill, Putting People First. How We Can All Change
3. Cité dans M. Kazin, op. cit., p. 279. America, New York, Simon and Schuster, 1992.
■184- RHÉTORIQUE POPULISTE AUX ÉTATS-UNIS LA
en réalité, des positions opposées sur la Américains, quelle que soit leur occupat
plupart des sujets. Pour Clinton, c'était ion, à un noble rassemblement d'« hom
la cupidité des plus riches des républi mes ordinaires», il a détourné les pul
cains qui constituait le principal danger. sions protestataires de la tentation
Pour Gingrich, les «élites» c'étaient, pré révolutionnaire. Il a substitué à une lutte
cisément, les Clinton, ces «McGover- des classes entre bourgeoisie et prolétair
niks » l de la contre-culture, mais aussi es, un combat entre le «peuple» et les
les «bureaucrates socialistes», tous les «élites» intellectuelles, politiques, bureauc
défenseurs du welfare state et de 1'« ordre ratiques, industrielles ou financières.
ancien» qui bridaient la créativité des Pour peu qu'ils sachent s'organiser, les
entrepreneurs américains. Pourtant, Gin «Américains oubliés», ceux qui travail
grich et Clinton se retrouvaient alliés, face lent, votent, prient, «paient» et consti
à Perot et à Buchanan, sur la question tuent la base vitale de la société, peuvent
des échanges avec l'étranger: l'Alena, défendre leurs intérêts contre la rapacité
l'Uruguay Round, l'OMC étaient aux yeux ou l'arrogance d'une minorité de «privi
des deux derniers autant de mauvais légiés».
coups portés aux salariés. À leur tour, Du coup, le discours populiste est
Perot et Buchanan occupaient des posi beaucoup plus un révélateur de l'humeur
tions très éloignées sur des questions du pays que le reflet d'une école précise
« socio-culturelles » comme l'autorisation de pensée. Son utilisation sera d'autant
de l'IVG à laquelle le premier était favo plus forte que l'insatisfaction semble
rable et le second opposé. dominer. Si, dans la première moitié des
Bref, aux États-Unis, le «populisme» années 1990, tant d'acteurs si différents
apparaît à la fois comme une rhétorique semblent s'en réclamer, c'est que le re
politique et comme un concept «Protée». ssentiment, les frustrations, la nostalgie
Il est un discours qui resurgit chaque d'un ordre ancien en train de s'effondrer
fois que le «rêve américain» apparaît en sont des valeurs sûres sur le marché. En
danger. Il relève alors de l'exploitation août 1995, 79 % des Américains interro
de la foi de l'Amérique dans son excep- gés estiment que l'État fédéral est larg
tionnalisme démocratique, dans la per ement dirigé par un groupe étroit de gros
fection de ses fondements idéologiques: intérêts. Mais, dans ce cadre général, le
si son idéal social - en gros une société discours populiste revêt diverses tonalit
assurant la prospérité matérielle et des és. Chez les politiciens enclins à cultiver
chances égales 2 - manque de se concrét les Américains moyens, dont le sort est
iser, ce ne saurait être parce que le projet le plus durement affecté, il tend à expri
américain promet plus qu'il ne peut donn mer moins l'espoir dans l'aptitude de la
er, mais parce que des forces hostiles, nation à corriger ses iniquités que la rage
étrangères, bref Un-American complotent de ceux qui sentent «leur» monde se
à le dévoyer. Sous cet aspect, le popul dérober, la haine pour les élites à qui
isme est, comme un de ses meilleurs la trahison du dessein national est imput
spécialistes l'a fait remarquer, «une forme ée. Il devient alors un «extrémisme» du
majestueuse d'optimisme rhétorique » 3. centre, harangue vénéneuse et exaspér
En identifiant l'immense majorité des ée, qui cherche à électriser un électorat
«populiste» à plus strictement parler, un
électorat qui redoute de voir son statut 1. Mot formé à partir du nom de George McGovern, can
didat gauchisant du Parti démocrate en 1972 social ou son identité culturelle balayés.
2. Selon la définition du - rêve américain - du dictionnaire 8e Bref, le discours populiste est caractérMerriam- Webster, 1973. édition,
3. M. Kazin, op. cit., p. 2. isé par une profonde dualité. Celle-ci
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PIERRE MELANDRI
est si intimement liée à son passé que de ses principaux représentants, est la pro
l'historiographie s'en est faite le reflet. testation des pillés contre les pillards » 3.
Au fur et à mesure des décennies, les En cette fin du 19 e siècle, en réalité,
premiers «populistes» ont fait l'objet l'expérience américaine est confrontée à
d'interprétations variées, les unes souli une formidable mutation qui laisse ses
gnant avant tout leurs ex

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