La stratégie française et la Pologne (1919-1939). Aspects économiques et implications politiques - article ; n°3 ; vol.22, pg 395-411

Christophe Laforest

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Histoire, économie et société - Année 2003 - Volume 22 - Numéro 3 - Pages 395-411
Abstract Tied to France by a series of treaties (political agreement and military convention of 1921, Locarno 's agreement of 1925), Poland took up a central place in thefrench system of alliances during the interwar period. French economical interests in Poland were considerable too. France was in the first place for the investments in the polish joint-stock companies and the second creditor of Polish State behind the United States. On the whole, and despite of real successes in the industrial matters, french strategy fell through because France could not afford to lead a policy so ambitious and because french government had not enough taken into consideration the autonomy of economy in relation with policy: thus, the financial weapon aimed by France against Poland was effective only when she had gone in the prevailing financial direction.
Résumé Liée à la France par une série de traités (accord politique et convention militaire de 1921, accord de Locarno de 1925), la Pologne occupait une place essentielle dans le système d'alliances français de Г entre-deux-guerres. Les intérêts économiques français en Pologne étaient, par ailleurs, considérables. La France était le premier investisseur étranger en Pologne et le deuxième créancier de ce pays, derrière les États-Unis. Dans l'ensemble, et malgré de vrais succès succès dans le domaine industriel, la stratégie française a cependant échoué, faute de disposer de moyens à la hauteur de ses ambitions et surtout faute d'avoir suffisamment pris en compte l'autonomie de l'économique par rapport au politique : ainsi, l'arme financière pointée par le gouvernement français sur la Pologne ne s'est avérée efficace que lorsqu'elle est allée dans le sens financier dominant.
17 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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• Publié par: HISTOIRE-_ECONOMIE_ET_SOCIETE
• Publié le: 01 janvier 2003
• Nombre de lectures: 46
• Langue: Français
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Extrait

Christophe Laforest
La stratégie française et la Pologne (1919-1939). Aspects
économiques et implications politiques
In: Histoire, économie et société. 2003, 22e année, n°3. pp. 395-411.
Résumé Liée à la France par une série de traités (accord politique et convention militaire de 1921, accord de Locarno de 1925),
la Pologne occupait une place essentielle dans le système d'alliances français de Г entre-deux-guerres. Les intérêts
économiques français en Pologne étaient, par ailleurs, considérables. La France était le premier investisseur étranger en
Pologne et le deuxième créancier de ce pays, derrière les États-Unis. Dans l'ensemble, et malgré de vrais succès succès dans le
domaine industriel, la stratégie française a cependant échoué, faute de disposer de moyens à la hauteur de ses ambitions et
surtout faute d'avoir suffisamment pris en compte l'autonomie de l'économique par rapport au politique : ainsi, l'arme financière
pointée par le gouvernement français sur la Pologne ne s'est avérée efficace que lorsqu'elle est allée dans le sens financier
dominant.
Abstract Tied to France by a series of treaties (political agreement and military convention of 1921, Locarno 's agreement of
1925), Poland took up a central place in thefrench system of alliances during the interwar period. French economical interests in
Poland were considerable too. France was in the first place for the investments in the polish joint-stock companies and the
second creditor of Polish State behind the United States. On the whole, and despite of real successes in the industrial matters,
french strategy fell through because France could not afford to lead a policy so ambitious and because french government had
not enough taken into consideration the autonomy of economy in relation with policy: thus, the financial weapon aimed by France
against Poland was effective only when she had gone in the prevailing financial direction.
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Laforest Christophe. La stratégie française et la Pologne (1919-1939). Aspects économiques et implications politiques. In:
Histoire, économie et société. 2003, 22e année, n°3. pp. 395-411.
doi : 10.3406/hes.2003.2328
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/hes_0752-5702_2003_num_22_3_2328LA STRATEGIE FRANÇAISE ET LA POLOGNE (1919-1939).
ASPECTS ÉCONOMIQUES ET IMPLICATIONS POLITIQUES 1
par Christophe LAFOREST
Résumé
Liée à la France par une série de traités (accord politique et convention militaire de 1921, accord
de Locarno de 1925), la Pologne occupait une place essentielle dans le système d'alliances français
de Г entre-deux-guerres. Les intérêts économiques français en Pologne étaient, par ailleurs, consi
dérables. La France était le premier investisseur étranger en et le deuxième créancier de ce
pays, derrière les États-Unis. Dans l'ensemble, et malgré de vrais succès succès dans le domaine
industriel, la stratégie française a cependant échoué, faute de disposer de moyens à la hauteur de ses
ambitions et surtout faute d'avoir suffisamment pris en compte l'autonomie de l'économique par
rapport au politique : ainsi, l'arme financière pointée par le gouvernement français sur la Pologne ne
s'est avérée efficace que lorsqu'elle est allée dans le sens financier dominant.
Abstract
Tied to France by a series of treaties (political agreement and military convention of 1921, Lo
carno 's agreement of 1925), Poland took up a central place in thefrench system of alliances during
the interwar period. French economical interests in Poland were considerable too. France was in
the first place for the investments in the polish joint-stock companies and the second creditor of Pol
ish State behind the United States. On the whole, and despite of real successes in the industrial matt
ers, french strategy fell through because France could not afford to lead a policy so ambitious and
because french government had not enough taken into consideration the autonomy of economy in
relation with policy: thus, the financial weapon aimed by France against Poland was effective only
when she had gone in the prevailing financial direction.
La présence de capitaux français dans l'économie polonaise remonte à la fin du XIXe
siècle. La Pologne, qui n'existait plus alors en tant qu'État, était partagée en trois
entités territoriales relevant des trois puissantes occupantes: l'Allemagne, Г Autriche-
Hongrie et la Russie.
Comme le souligne Raymond Poidevin, la «conjoncture politique» au tournant du
siècle «rendait difficiles les engagements à long terme» des capitalistes français en
Allemagne 2. La seule participation notable détenue par des actionnaires dans
une société silésienne concernait la SA des Mines et Usines à Zinc de Silésie 3.
1. Cet article est le résumé d'une thèse de doctorat en histoire soutenue, le 17 mars 2001, à l'Université
de Paris I, sous la direction du professeur Bernard Michel.
2. R. Poidevin, «Placements et investissements français en Allemagne, 1898-1914», dans M. Lévy-
Leboyer (dir.), La position internationale de la France. Aspects économiques et financiers XDC-XX1 siècles,
Paris, EHESS, 1977, p. 217-225.
3. R. Poidevin, Les relations économiques et financières entre la France et l'Allemagne de 1898 à
1914, Paris, Armand Colin, 1969, p. 25-27.
C.N.R.S. / I.RB.S.C.O.
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Quant à Г Autriche-Hongrie, ainsi que Га montré Bernard Michel dans sa thèse,
«même si l'appartenance politique de l'Autriche à la Triplice rendait peu désirable
l'emploi des capitaux français», «il n'y a eu de la part des gouvernants français aucun
veto de principe» à une expansion des intérêts français dans ce pays4. Cependant, les
investissements directs dans l'industrie «ne constituaient que des cas isolés», se limi
tant, en Galicie, aux industries extractives du pétrole et du charbon 5.
L'alliance franco-russe constituait, en revanche, un cadre favorable à l'exportation
des capitaux français. À la veille de la guerre, le montant des investissements français
en Pologne russe atteignait, selon René Girault, 383,3 millions de francs, sur lesquels
près de 300 millions étaient placés dans l'industrie lourde (charbonnages et métall
urgie), le reste dans le textile et l'électricité6.
Les capitaux français étaient donc solidement ancrés dans l'économie des territoires
polonais lorsque survint la première guerre mondiale. D'après le Ma\y Rocznik Sîatys-
tyczny (Petit annuaire statistique) de 1939, les capitaux français investis dans les sociétés
anonymes polonaises représentaient, en 1933, 646 millions de zlotys (soit 1849 mil
lions de francs courants ou 370 millions de francs-or), ce qui faisait de la France le
premier investisseur étranger en Pologne avec près du quart de l'ensemble des capi
taux étrangers investis dans les sociétés anonymes polonaises. Mais si l'on prend en
considération l'ensemble des capitaux étrangers placés dans l'économie polonaise et
pas seulement les investissements directs dans les entreprises polonaises, la France ne
figure alors plus, avec 1 860 millions de zlotys (soit 5 325 millions de francs courants
ou 1065 millions de francs-or), qu'en deuxième position parmi les créanciers de la
Pologne, derrière les Etats-Unis (3202 millions de zlotys, soit 9167 millions de francs
courants ou 1 833 millions de francs-or) 7. Ainsi, rapporté au montant des capitaux fran
çais placés à l'étranger en 1933 qu'Alice Teichova estime à 60 milliards de francs
courants, soit 12 milliards de francs-or, la Pologne apparaît réellement comme l'un des
champs privilégiés de l'exportation des capitaux français, en ayant réussi à capter à
elle seule près de 9 % de l'ensemble des capitaux français investis à l'étranger 8.
D'autres évaluations existent qui ne contredisent pas cette première approximation.
Ainsi, le Groupement des Industriels français de Pologne estime à 15 milliards de
francs courants, soit 2, 25 milliards de francs-or, le montant des investissements fran
çais en Pologne en 1938 9, soit entre 8 et 12 % du total des capitaux français placés à
l'étranger à la veille de la guerre, selon que l'on retienne l'estimat