Le 12 avril 1961 - article ; n°1 ; vol.1, pg 178-193
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Description

Communications - Année 1961 - Volume 1 - Numéro 1 - Pages 178-193
16 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1961
Nombre de lectures 28
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Violette Morin
Beno Sternberg-Sarel
Le 12 avril 1961
In: Communications, 1, 1961. pp. 178-193.
Citer ce document / Cite this document :
Morin Violette, Sternberg-Sarel Beno. Le 12 avril 1961. In: Communications, 1, 1961. pp. 178-193.
doi : 10.3406/comm.1961.925
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/comm_0588-8018_1961_num_1_1_925Violette Morin et Beno Sternberg-Sarel
Le 12 avril 1961
Dès sa création le Centre d'études des communications de masse a entrepris des
dépouillements de presse portant sur de grands faits divers ; il s'agissait en somme
de procéder à des sondages périodiques en saisissant l'actualité pour ainsi dire « à
chaud » : ce pour quoi nous avons appelé ces études des enquêtes « flash » • c'est ainsi
que le Centre a étudié dans la presse française la naissance du troisième enfant de
la reine d' Angleterre, la mort de Fausto Coppi 1, le rapt du petit Eric Peugeot et
le voyage de M. K. en France 2. On reconnaîtra qu'aucun événement ne pouvait
mieux justifier une analyse immédiate et directe que le vol spatial du commandant
Gagarine : non seulement par son caractère extraordinaire, propre à la fois à combler
et à bouleverser les normes de l'information de presse, mais aussi parce que cet
événement pur, cette essence d'événement, s'est tout de suite transformé en événement
mélangé, contingent, engageant des significations différentes selon le journal qui
le rapportait. Comment nos contemporains ont-ils intégré sur l'heure un
tr ans-historique, non seulement à leur histoire, mais encore à leur présent quotidien ?
Comment la presse française a-t-elle spontanément réglé les rapports fort complexes
entre le fait et sa signification, en réagissant à une information hors de toute mesure,
dont la nouveauté « anthropologique » distançait de loin les faits divers les plus
spectaculaires ? Sans engager une étude exhaustive du phénomène, et en se bornant
aux 24 heures qui ont suivi l'exploit, c'est à ces questions que Beno Sternberg et
Violette Morin ont tenté d'apporter une première réponse : l'un dans une perspective
sociologique, en passant en revue les réactions des principaux journaux, l'autre
dans une perspective plus structurale, en classant les thèmes investis dans le trait
ement de l'information.
1. « Deux enquêtes flash », publication du CECMAS, 1960.
2. Cf. supra l'article de V. Morin.
178 12 avril 1961 Le
La presse parisienne et le premier vol
dans le cosmos
par Beno Sternberg-Sarel
Le 12 avril, le commandant' Y. Gagarine fait le tour du monde à bord du
vaisseau spatial Vostok. Le soir même et le lendemain matin, la presse parisienne
fête cet événement et l'aspect des journaux à grand tirage ne peut que frapper :
les trois-quarts de la première page, voire la page entière, sont pris par des
titres et des photos qui relatent « l'exploit du siècle » (Paris- Jour) et donnent une
image de l'homme qui « revient du ciel » (Paris-Presse).
La première impression, si l'on s'en tient aux gros titres, est celle de l'enthou
siasme et de l'émerveillement. « L'exploit de Gagarine. ouvre aux hommes l'ère
du cosmos », lit-on dans l'Aurore et France-Soir proclame, comme pour nous
assurer que l'incroyable est vrai : « Officiel : ce Russe a tourné autour de la
terre. » Pourtant à bien détailler les quotidiens de la journée, (12 avril au soir
et 13 avril au matin), on s'aperçoit que l'enthousiasme devant ce « pur assaut
du ciel » se nuance de mille contingences. Pour les uns, le Vostok est une réali
sation du pouvoir socialiste, pour les autres c'est un simple sous-produit de la
recherche militaire soviétique. Gagarine lui-même, Prométhée moderne, est un
homme comme les autres : plutôt petit, il a des cheveux foncés, des yeux écartés,
une épouse du nom de Valentina, une petite fille de deux ans, Elena. Ainsi, dès
le premier jour, la presse parisienne offre du vol de Gagarine l'image ambiguë
— et somme toute attendue — d'un haut fait marqué de quotidien. Mais si tous
les comptes-rendus du jour tendent à confronter le grandiose et l'ordinaire dans
l'homme, ils accentuent différemment les éléments, suivant le journal.
LES JOURNAUX
On peut considérer que la presse parisienne de ce jour s'organise suivant deux
tendances. Un premier groupe de journaux formé du Monde, de Combat, de
L'Humanité, et de Libération répond assez bien au qualificatif de scientiste.
Pour l'autre groupe cependant — Le Figaro, Paris-Presse, France-Soir, L'Aurore,
le Parisien Libéré, Paris- Jour, — ce que l'on retient du vol soviétique, c'est sur
tout son caractère d'utopie réalisée. Nous verrons toutefois que, dans ce groupe,
France-Soir mérite une mention spéciale. Deux journaux demeurent en dehors
de ce classement : l'Information et la Croix qui, chacun pour leur part, repré
sentent une attitude particulière.
Pour Le Monde, qui titre de manière strictement informative : « Le premier
vol d'un homme dans l'espace », il s'agit d'une « conquête de la science et de la
technique ». En première page Combat ne consacre que deux colonnes à l'évén
ement et titre : xc L'U.R.S.S. réaffirme sa nette avance scientifique sur les U.S.A. »
S'adressant à un public intellectuel, Combat et Le Monde semblent renoncer aux
thèmes émotionnels adoptés par d'autres journaux,
Le ton de L'Humanité et de Libération est certes différent. « Ils sont formi-
179 Sternberg-Sarel Beno
dables », proclame le premier sur huit colonnes. (On trouve inutile de préciser :
« Ils », ce sont, bien sûr, les Soviétiques). Plus explicite, VHumanité s'exclame :
« Un Soviétique a ouvert pour l'homme l'ère du cosmos. » Pour V Humanité
l'événement est clair : « ... Les moyens considérables mis à la disposition de
l'enseignement, de la culture, de la recherche scientifique... sont à la base des
succès remportés dans la conquête du cosmos. » Jeannette Vermeersch, pour
sa part, déclare au cours d'un meeting dont rend compte VHumanité : « Aujourd
'hui c'est la fête de l'Ascension. Ce n'est pas l'ascension d'un être supposé,
inventé, miraculeusement envolé, non, c'est un robuste et beau garçon, un jeune
homme communiste... ». Étrangement, VHumanité et Le Monde, si différents
de ton et de contenu, se rejoignent dans une manière d'attitude positiviste et ce
sont au contraire des journaux comme V Aurore, comme Paris-Presse ouïe Parisien
Libéré qui se rapprochent le plus, ce jour, de l'évocation du mythe de Prométhée
et du vieux rêve fou d'assaut du ciel.
Ce groupe scientiste ne laisse pas toutefois d'être divers et Libération, plus
que les autres, recourt aux thèmes émotionnels. Ainsi, tout en soulignant -'.
« C'est le couronnement d'une politique de recherche scientifique », proclame-t-
il : « L'homme (Gagarine) est entré vivant dans la légende des siècles. »
Pour ce qui est du passage de l'exceptionnel au quotidien, il s'opère suivant
un critère politique et dépend du public auquel s'adresse chaque journal. Combat
et Le Monde insistent sur les incidences politiques de l'événement et les possi
bilités de propagande qu'il offre à l'U.R.S.S. Louis Leprince-Ringuet, dans Le
Monde, suggère que le Vostok n'existerait pas en l'absence d'un arrière-plan
stratégique.
Pour VHumanité, haut fait et quotidienneté soviétique se confondent, le
premier n'étant qu'un symbole élevé de la seconde. Le tout est unifié par le
plan auquel on doit de voir le haut fait se réaliser dans le quotidien.
Ce point de vue, qu'expose VHumanité, est également sensible dans Libération,
mais ce dernier journal, plus libre, publie en première page et sur quatre colonnes
une photo commentée de cette légende : « Simplement un homme... Voici Youri
Gagarine en train de lire paisiblement les journaux en compagnie de sa femme
Valentina et de sa fille Lena. »
Seul du groupe « scientiste », Le Monde donnait du vol dans l'espace, et dès
le premier titre, l'image d'une victoire humaine. C'est de victoire soviétique qu'il

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