Le cinéma américain des premiers temps et ses modèles de production - article ; n°1 ; vol.46, pg 45-64

Charles Musser

Description

Vingtième Siècle. Revue d'histoire - Année 1995 - Volume 46 - Numéro 1 - Pages 45-64
Early American cinema and its production patterns, Charles Musser.
A new reading of the birth and development of the early cinema's production patterns shows how long it took for hierarchies to be established between the various occupations and fonctions before the emergence of the producer. This relative flexibility of the division of labor in the cinema industry invalidates the often-made comparison with the standardized model of mass production.
20 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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• Publié par: VINGTIEME_SIECLE-_REVUE_D-HISTOIRE
• Publié le: 01 janvier 1995
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• Langue: Français
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Extrait

Charles Musser
Le cinéma américain des premiers temps et ses modèles de
production
In: Vingtième Siècle. Revue d'histoire. N°46, avril-juin 1995. pp. 45-64.
Abstract
Early American cinema and its production patterns, Charles Musser.
A new reading of the birth and development of the early cinema's production patterns shows how long it took for hierarchies to be
established between the various occupations and fonctions before the emergence of the producer. This relative flexibility of the
division of labor in the cinema industry invalidates the often-made comparison with the standardized model of mass production.
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Musser Charles. Le cinéma américain des premiers temps et ses modèles de production. In: Vingtième Siècle. Revue d'histoire.
N°46, avril-juin 1995. pp. 45-64.
doi : 10.3406/xxs.1995.3153
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/xxs_0294-1759_1995_num_46_1_3153LE CINEMA AMERICAIN
DES PREMIERS TEMPS
ET SES MODÈLES DE PRODUCTION*
Charles Musser
L'érudition de Charles Musser nous d'attention, une large part de mon travail
fait revisiter ici ces premiers temps du a contribué à attirer l'attention sur l'impor
cinéma où les rôles et les hiérarchies tance du rôle créatif de l'exploitant, sur
étaient encore flous. Qui est caméra sa responsabilité dans le montage et dans
man, qui est metteur en scène, qui est ce que nous appellerions aujourd'hui la
producteur: aucune réponse n'est défi post-production. Ainsi, dès 1897, les pro
nitive avant 1914. Le cinéma se cher grammes de cinéma assez longs et sophis
che lui-même à travers la définition de tiqués pour remplir une soirée entière
ses métiers et de ses enjeux. Ces incer avaient auteur l'exploitant et non le
titudes se prolongent encore long producteur. Les prises de vue qui n'étaient
temps : elles prouvent que le cinéma n'a pas utilisées servaient souvent pour éta
jamais pu devenir une industrie stan blir des programmes plus complexes. Au
dardisée et planifiée comme les autres. cours des premières années du siècle, la
plupart de ces responsabilités sont pas
Les historiens d'aujourd'hui ont mont sées entre les mains du producteur, entraî
ré que le cinéma d'avant 1907 était nant une réorganisation fondamentale de
à la fois radicalement différent et la production2.
beaucoup plus complexe que le suggér
aient les descriptions faites par leurs pré
décesseurs. On connaît le travail réalisé
1. Noël Burch, "Porter and ambivalence», Screen 19, autour de Life of an American fireman hiver 1978-1979, p. 91-105 ; Charles Musser, «The early cinema
ainsi que d'autres travaux plus vastes of Edwin S. Porter-, Cinema Journal, 19 (1), automne 1979,
p 1-38 ; André Gaudreault, • Detours in film narrative : the deves'attachant au système de représentation loping of cross cutting », Cinema Journal, 19 (1), automne 1979,
du cinéma des premiers temps 1. Bien que p. 39-59 (traduit par Charles Musser et Martin Sopocy) ; Tom
Gunning, «The cinema of attractions-, Wide Angle, 8 (3-4), la production ait été l'objet de moins 1986, p. 63-70. La littérature sur ce sujet est devenue très four
nie : l'article de Miriam Hansen, ■ Adventures of Goldielocks :
• Cet essai s'inspire d'une communication présentée en 1989 spectatorship, consumerism and public life -, Camera Obscura,
à Iowa City, lors du colloque annuel de la Society for Cinema 21, 1990, p. 51-71 et le livre de Judith Mayne, The woman at
the keyhole: feminism and women's cinema, Bloomington, Studies. Il doit son aboutissement à l'octroi d'une bourse du
National Endowment for Humanities. Je tiens à remercier Tom Indiana University Press, 1990.
Gunning et Richard Allen pour leur aide. Une première version 2. Charles Musser, The emergence of cinema: the American
originale a été publiée dans Persistence of vision (New York), screen to 1907, New York, Scribners, 1990; Charles Musser,
Before the nickelodeon : Edwin S. Porter and the Edison Manuf9, automne 1991, p. 46-65. Que mes lecteurs français, historiens
et chercheurs en cinéma me pardonnent l'absence de référence acturing Compagny, Berkeley, University of California Press,
1991. à leurs travaux.
45 CHARLES MUSSER
En dépit d'une riche historiographie, le O ÉQUIPE ET COLLABORATION
LE PREMIER MODÈLE domaine, crucial, de l'organisation de la
production dans le processus de réalisa Au cours de mes recherches et de celles
tion du film n'a guère été exploré. De de Tom Gunning, des éléments d'info
nombreux chercheurs, dont moi-même, rmation contradictoires sont peu à peu
avons en fait accepté le cadre d'analyse apparus4. Gunning, par exemple, exhuma
de nos prédécesseurs, car l'information un article du magazine Photoplay dans
sur la période qui précède l'année 1910 lequel Florence Lawrence évoque sa pre
étant très fragmentaire, nous manquions mière apparition à l'écran. Ce füm, Daniel
d'éléments pour mettre en cause les Boone or pioneer days (1906-1907) a été
conclusions des historiens aussi bien que «coréalisé» par Wallace McCutcheon et
nos propres a priori. Ainsi, j'avais souvent Edwin Porter. Peu de temps après, j'ai
tendance à considérer Edwin Porter trouvé une série de livres de comptes à
comme «le metteur en scène total», exer l'Edison National Historie Site établissant
çant son contrôle sur tous les aspects de que Porter et McCutcheon avaient reçu le
la production cinématographique1. Cette même salaire (40 dollars par semaine). Cette
vision des choses reflétait à peu près la période, que Lawrence qualifie de «réali
typologie de la production proposée par sation conjointe», s'étend de mai 1905 à
Janet Staiger dans Classical Hollywood mai 1907, date du départ de McCutcheon,
cinema. Le modèle, exemplaire, de Stai alors remplacé par J. Searle Dawley. Si
ger a clarifié et systématisé les paradigmes l'on fait intervenir la notion de responsab
implicites utilisés par la plupart des tr ilité partagée, il n'est plus nécessaire de
avaux relatifs au cinéma d'avant 1915 2. chercher à déterminer qui de Porter ou
Avant 1907, la production était dominée de Dawley est le véritable auteur de Res
par ce que Staiger appelle avec justesse cued from an eagle's nest (1908).
«le modèle cameraman». Tel qu'elle le Des recherches ultérieures sur la
période qui s'étend jusqu'en 1907 ont mis décrit, le cameraman, généralement,
«choisissait le sujet et le mettait en scène à jour de nombreuses collaborations à
en disposant le décor, l'éclairage et les deux. Dans la société Vitagraph, l'un des
personnages, puis opérait un choix parmi deux propriétaires, J. Stuart Blackton,
jouait le voleur dans Burglar on the roof les possibilités technologiques et photo
(1898) et dans d'autres comédies pendant graphiques disponibles (type de caméra,
que son associé, Albert E. Smith, filmait. raw stock et lentilles, cadrage et mouve
Par la suite, Smith apparaît dans The lady ment de caméra., etc.), photographiait la
vanishes et dans d'autres films merveilscène, la développait et la montait»3.
leux de la même période tandis que Comme d'autres, je partais de ce cadre
Blackton tourne la manivelle. Dans la d'analyse, avant de pouvoir le nuancer ou
mesure où les deux associés étaient engale critiquer.
gés dans une entreprise de collaboration
à tous les niveaux, ce mode de production
pourrait être qualifé de «modèle fondé sur
la collaboration». L'association reposait le
plus souvent sur ce modèle de production
1. Voir Charles Musser, «The early cinema of Edwin S. Port
er, • art. cité.
2. Comme Staiger le souligne, elle a été la première à tenter
de définir une typologie systématique : David Bordwell, Kristin 4. Tom Gunning parle de l'apparition avant 1907 de diffé
Thompson, Janet Staiger, Classical Hollywood cinema, New rentes équipes composées d'un metteur en scène et d'un came
York, Columbia University Press, 1985. raman (Tom Gunning, • D.W. Griffith and the narrator system-,
3. Ibid., p. 116. Ph. D., New York University, 1986, p. 93-95).
46 LE CINÉMA AMÉRICAIN DES PREMIERS TEMPS
sous-tendu par l'égalité entre les asso son; Edison a régulièrement compté sur
ciés1.